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Nino Julián, à la conquête de l’ouest!

Nino Julián, à la conquête de l’ouest!

Dimanche prochain, Nino Julián (à l’état civil Nino Julien) va toréer du côté de Rion des Landes pour la fiesta campera qui clôture traditionnellement la temporada dans le sud-ouest. A part une incursion du côte de Seissan, il est quasiment inédit de ce côté du sud taurin depuis qu’il est passé dans le rang des novilleros avec picadors. Une occasion pour Tertulias de le rencontrer.

Tertulias : « Nino, peux-tu te présenter rapidement? » 

Nino Julian : « Nino Julien, je viens d’avoir 21 ans, nîmois d’origine, je dirais même nîmois pure souche. Je suis rentré à l’école taurine à l’âge de neuf ans. C’était au centre français de tauromachie (CFT) avec Christian Lesur et Patrick Varin. J’y ai fait toutes mes armes, avant de partir deux ans à l’école taurine de Salamanque où j’ai vécu . »

Tertulias : « Comment t’es-tu retrouvé là-bas? » 

Nino Julian : « C’était un projet que j’avais. Au bout de huit ans de CFT, je voulais me confronter à autre chose. A la base, je devais intégrer l’école taurine de Badajoz. Je suis parti en stage, avec le CFT, à Salamanque. Grâce au maestro Juan Leal, j’ai eu des contacts avec l’école taurine. J’ai aussi eu ceux que m’a donné Rafi qui avait vécu quelques temps là-bas. En terme de logistique (logement, transport-je n’avais pas encore le permis-), Salamanque est apparu comme un choix plus adapté et si c’est un choix finalement de dernière minute, je ne l’ai pas regretté car je me suis régalé. »

Tertulias : « Pourquoi es-tu parti de Salamanque ? » 

Nino Julian : « Quand tu passes avec picadors, l’école ne te suit plus. Néanmoins, j’y retourne l’hiver. J’ai tissé un lien avec l’école qui m’a permis d’intégrer le circuit espagnol dans les arènes tout autour de Salamanque mais aussi d’aller au campo. J’ai pu me préparer au mieux pour passer à l’échelon supérieur, ce que j’ai fait à Istres en octobre 2022. Je suis maintenant avec le maestro Patrick Varin. »

Tertulias : « Qu’est-ce qui t’a poussé à intégrer une école taurine aussi jeune ? » 

Nino Julian : « L’élément déclencheur a été d’aller voir une corrida à Nîmes avec ma mère pour la feria de Pentecôte 2012. Dès que j’ai mis un pied dans les arènes, j’ai accroché. Le combat entre l’homme et l’animal mais aussi la mise en lumières du torero m’ont beaucoup plu. Quand on est sortis j’ai dit à ma mère « J’ai envie de faire ça. ». En septembre j’intégrais le CFT ! »

Tertulias : « Comment a réagi ta maman ? » 

Nino Julian : « Etant jeune, j’ai fait des arts martiaux, beaucoup de choses différentes donc elle n’a pas été surprise que je veuille essayer quelque chose de nouveau et différent.. bon, elle pensait que ça ne durerait pas! Au final ça fait onze ans que je suis dans le milieu. »

Tertulias : « Tu viens de parler des arts martiaux que tu as pratiqué à un très bon niveau, qu’est-ce que ça t’ a apporté dans la tauromachie ? » 

Nino Julian : « J’ai pratiqué le Qwan ki do, qui est un mélange de karaté et de kung fu. C’est un art martial sino-vietnamien. J’ai été en catégorie de jeunes, champion de France et d’Europe. Ca m’a apporté une connaissance de mon corps, qui me permet de m’en servir face à mon adversaire. Je connais mieux mes limites donc je sais quant il faut pousser ou pas. Cela m’aide à me relâcher, à réfléchir face l’animal et ainsi mieux le comprendre. »

Tertulias : « Qu’est-ce qui t’a fait choisir la tauromachie plutôt que le Qwan ki do ? » 

Nino Julian : « J’ai pratiqué cet art martial pendant six ans et j’avais le sentiment d’avoir fait un bon bout de chemin. La tauromachie m’a procuré des sensations différentes, que je n’avais pas ressenties ailleurs et qui m’a fait décrocher de toute autre activité. »

Tertulias : « Qu’est-ce que tu vis face à un animal ? » 

Nino Julian : « C’est un mélange de bonheur et de peur que tu surpasses. Il y a pas mal de sensations que j’ai du mal à décrire et à verbaliser car c’est très personnel et particulier. J’essaie de prendre le plus de plaisir possible face à l’animal. »

Tertulias : « Est-ce vraiment du plaisir que tu prends pendant que tu torées? » 

Nino Julian : « Pas tout le temps, car quand tu torées, tu es dans une bulle, tu essaies de comprendre l’animal pour en sortir le meilleur, et du coup sortir le meilleur de toi-même. Mais je ne maîtrise pas tous les paramètres et je ne fais pas toujours ce que je veux ou ce que je ressens. Quand le toro le permet et que je torée comme j’en ai envie, je prends beaucoup de plaisir. Dans certaines novilladas cette année, en fin de faena, j’ai réalisé une ou deux séries pour moi. Bien sûr, avec des animaux compliqués, il y a moins de plaisir mais pour autant il peut y avoir une satisfaction à avoir résolu un problème, à avoir bien travailler, à dépasser ses limites. »

Tertulias : « Quel est ton rapport au regard du public ? »

Nino Julian : « Ca fait partie d’un des plus gros facteurs de stress. La réussite, c’est ce qui crée notre carrière. Sans le public tu ne va pas très loin, tu n’es personne. J’ai besoin de transmettre quelque chose que le public ressente. Transmettre c’est fondamental. Des toreros qui très jeunes sont bons techniquement il y en a beaucoup mais la personnalité et la transmission, ça ne vient pas de la technique, ça vient d’autre part. » 

Tertulias : « Comment décrirais-tu ta personnalité en piste? »

Nino Julian : « J’aime impacter le public en faisant ressortir ce que j’ai en moi, en faisant le spectacle mais en trouvant un juste milieu avec une tauromachie plus posée. »

Tertulias : « Quelles sont tes sources d’inspiration ? »

Nino Julian : « J’aime toutes les tauromachies en fait. J’aime les toreros qui ont une personnalité forte, qui ont un toreo qui transmet au public comme Antonio Ferrera dans ses grands moments avec une personnalité très marquée. J’aime aussi des toreros qui sont plus classiques comme Juan Ortega. J’essaie de m’inspirer de plusieurs influences et, j’essaie de les mettre à ma sauce. Il y a aussi des anciens qui m’inspire comme Espla, torero banderillero, reconnaissable à sa façon d’être dans et en dehors dans l’arène. Damaso Gonzalez a été un pilier pour moi par son sens du temple, mais aussi sa stature. »

Tertulias : « A propos de stature, ta taille influe sur ta tauromachie ? »

Nino Julian : « Forcément. Je vais avancer avec mes qualités physiques. J’arrive à en tirer des avantages, on travaille avec le maestro Varin pour composer avec et en sortir des forces en s’inspirant de ces toreros qui n’ont pas été très grands. »

Tertulias : « Tu plantes les banderilles, quelle en est la raison ? »

Nino Julian : « Tout d’abord, c’était un passage obligé en entrant au CFT. A l’image de Solal, Rafi, Tomas Ubeda on a appris à banderiller et on a mis en pratique en piste. Après, je prends plaisir à banderiller et qui plus est c’est une corde supplémentaire à mon arc. Banderiller c’est aussi transmettre et connecter avec le public. Même avec des novillos difficiles, aller au bout d’un tercio de palos c’est prendre de l’assurance et la confiance avant de prendre la muleta. »

Tertulias : « C’est exigeant en terme de condition physique ? »

Nino Julian : « Oui, on n’a pas le temps de récupération physique mais aussi de coupure mentale. J’arrive aujourd’hui à bien le gérer. Il ne faut néanmoins pas banderiller pour banderiller et si les circonstances l’exigent, je ne le ferai pas systématiquement pour garder de l’importance à ce que je fais. »

Tertulias : « Tu commences en non piquée en 2018, avec le covid, tu ne débutes en piquée que fin 2022, n’as-tu pas douté ? »

Nino Julian : « Pas spécialement. C’est vrai que je termine 2019 sur une temporada complète où j’ai toréé dans plein d’endroits. Le Covid arrive et forcément ça met un stop. Je n’ai pas eu de doute sur le fait de continuer car la motivation était intacte mais le départ pour Salamanque a été salutaire. Cela m’a relancé avec de nouvelles méthodes d’entraînement, pas mal de campo, ça m’a aidé à garder confiance. Salamanque croyait en moi et, en 2021 et 2022 j’ai eu des novilladas à toréer. J’ai eu une blessure fin 2021 qui a retardé mes débuts en piquée. Je suis quelqu’un de positif et je pense que toutes les choses n’arrivent pas par hasard. Si de devais débuter en 2022 c’est que cela devait se faire comme ça, et mes débuts à Istres se sont très bien passés. »

Tertulias : « Comment as-tu vécu ce passage en piquée ? »

Nino Julian : « J’étais arrivé à un moment où l’on m’avait beaucoup vu en sans picadors. Peut-être que l’on pouvait penser que je stagnais. Le novillo piqué apporte une autre dimension en terme de volume, de rythme. J’étais bien entouré, je me suis préparé en conséquence, ma tauromachie a évolué. Je me suis entraîné avec Rafi, j’ai pu tuer des toros en privé..je suis arrivé prêt mentalement pour passer au niveau supérieur. » 

Tertulias : « Quelle est ton analyse de cette temporada 2023 ? »

Nino Julian : « Le but était de se faire « remarquer ». En non piquée, on est regardés surtout par les professionnels taurins. Le grand public ne nous voit que comme des élèves d’écoles taurines. Avec Patrick on a construit une temporada pour avancer sans griller les étapes. L’important était d’aller à mon rythme et que les choses sortent naturellement. Les novilladas de Mauguio où j’ai commencé dans des arènes pleines, de Boujan où j’ai connu un bon succès ont été importantes. La novillada de Tarascon m’a beaucoup apporté mentalement et comme torero, ce sont des novilladas qu’il faut savoir affronter. Je termine la temporada chez moi à Nîmes, et même si la novillada n’est pas sortie comme on aurait voulu, les gens ont vu que je pouvais répondre présent. Cette temporada était une année de rodage qui m’a permis de prendre le rythme et que les gens commencent à parler de moi.. »

Tertulias : « En 2024, en France, il y aura peu de novilleros en piquée, chance ou risque de tomber dans un confort faute de concurrence ? »

Nino Julian : « La competencia, si elle sera moindre en France, elle sera bien réelle car il y a des espagnols qui vont arriver cette année très préparés. Après, c’est peut-être une chance, enfin j’espère, que les organisateurs français pensent à moi et me mettre au cartel de leurs novilladas. De toute façon, si je m’installe dans un certain confort, Patrick ou les gens qui l’entourent sauront me remettre en question. A moi de montrer que j’ai les épaules suffisantes, de prendre des responsabilités quelque soit le contexte. »

Tertulias : «Tu parles de ton maestro Patrick Varin, quelles sont les relations avec lui ? »

Nino Julian : « Quand je suis arrivé au CFT, mes deux professeurs étaient Christian Lesur et Patrick Varin. J’étais le plus jeune du groupe (Rafi, Solal, Tibo Garcia, Tomas Ubeda). C’est une relation de professeur à élève mais c’est quelqu’un qui m’a beaucoup apporté, qui m’a donné des conseils, des leçons de vie. Il m’a parlé du don de soi, des sacrifices, de l’humilité nécessaire pour pouvoir avancer. C’est quelqu’un de très sincère. On a une relation particulière car je le vois plus que mes parents, je sais qu’il veut le meilleur pour moi. Il me pousse. Tout jeune sortant de l’école taurine mériterait quelqu’un comme lui pour l’accompagner. »

Tertulias : « Quel est la base de son enseignement ? »

Nino Julian : « A l’école taurine, il refusait de s’entraîner devant nous, car il ne voulait pas que les élèves deviennent des « mini Patrick Varin ». Il ne veut pas qu’on transpose son concept, que l’on copie sa manière de toréer. Il veut que l’on apprenne les valeurs communes de la tauromachie mais que l’on garde notre personnalité quitte à nous laisser ce qui pourrait être des petits défauts mais qui font ce que nous sommes, et différents les uns des autres. Aujourd’hui, il se dévoile plus, on parle plus de son parcours, de son concept.. »

Tertulias : « Dimanche, tu vas toréer à Rion des Landes qu’est-ce que tu en attends ? »

Nino Julian : « L’aficion du sud-ouest est une aficion que j’apprécie car quand tu donnes tout, elle te le rend. Elle te pousse. J’espère que cette fiesta campera me permettra de donner l’envie de me revoir, et aux organisateurs de me contacter. Avec Patrick, nous prenons très au sérieux cette fiesta campera et sommes très heureux de pouvoir s’y produire. J’y vais avec beaucoup d’espoirs, en souhaitant montrer qui je suis et de mieux me faire connaître du sud-ouest. »

Propos recueillis par Philippe Latour

3 réflexions sur “Nino Julián, à la conquête de l’ouest!

  • Ce que j’ai découvert avec Nino c’est non seulement un être créatif dans l’art de la tauromachie qu’il propose mais surtout un être disponible dans sa qualité humaine au regard de ce qui l’entoure …
    La bravoure dont il fait preuve face aux taureaux qu’il respecte dans ses combats dans l’arène ,incite le commun à partager ce qu’il offre à toutes ses sorties …Cette symbiose lui donnera la place qu’il mérite demain…
    Le chemin sera peut-être pas facile mais il t’emmènera au plus haut de ton souhait…
    Merci pour ce que tu es ton papy qui t’aime…

  • Excellent torero dévoué courageux magistral aux banderilles une carrière de futur maestro

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