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Faire de Saint Martin de Crau, une place forte de l’Aficion torista.

Dans le sud-est, Saint Martin de Crau est un village qui contre vents et marées se bat pour maintenir une féria torista. Tertulias a rencontré Alexandre Guglielmet, président du club taurin La Unica, qui nous a présenté la Féria qu’il organise.

 Tertulias : « Quelle est l’histoire de la tauromachie espagnole à Saint Martin de Crau ? »

Alexandre Guglielmet : « La féria de la Crau date de 1995.i l y avait déjà eu des spectacles auparavant, mais cette année-là La Unica a pris en charge cette féria .Nous avons commencé par une corrida complète de Granier. Par la suite, nous sommes partis sur des desafios avec des ganaderias assez peu connues à l’époque. Notre philosophie était de mettre à l’honneur des élevages français mais aussi des élevages ibériques ou portuguais à découvrir.

Donc nous avons commencé dans les anciennes arènes puis en 2008 les nouvelles arènes ont été inaugurées. Depuis, nous continuons à nous battre pour maintenir cette féria dans un créneau qui nous est cher, qui est le créneau torista.

Le club taurin « La Unica », lui a été créé en 1994 . Depuis 95, il est sur le devant de la scène pour organiser cette féria. Il a toujours été très  lié avec la mairie, avec l’ancien maire adjoint Maurice Sambain. A l’époque pour la municipalité la tauromachie (espagnole ou camarguaise) était un marqueur fort pour la ville. C’est moins vrai aujourd’hui. »

Tertulias: « Les Saint Martinois sont-ils aficionados ? »

Alexandre Guglielmet : « Saint-Martin-De-Crau est une ville « dortoir » avec notamment beaucoup de personnes qui sont venues de l’extérieur de notre région pour travailler, notamment sur les plateformes industrielles et sidérurgiques de Fos sur Mer. Même si comme dans tous les villages de Provence nous possédons des arènes, cette population de nouveaux arrivants n’ a pas cette fibre taurine que ce soit pour les courses camarguaises ou par la tauromachie espagnole et ne se déplace que très peu sur nos gradins. Si à une époque, les gens allaient aux arènes car c’était la sortie du week-end, c’est beaucoup moins vrai aujourd’hui. Il y a maintenant bien plus de divertissements qui sont existants en particulier pour les jeunes, les arènes ne sont plus un lieu incontournable. »

Tertulias: « Depuis 1995, quels sont les événements qui ont marqué les ferias de Saint-Martin-De-Crau ? »

Alexandre Guglielmet : « Il y a eu la corrida de Dolores Aguirre en 2013 avec au cartel un excellent Manuel Escribano. Cela a été une très grande corrida, certainement la plus importante de notre histoire. En 2011, une corrida de Cebada Gago est sortie très intéressante avec la découverte de David Mora triomphant. En 2014, il y a eu aussi cette magnifique corrida de Rehuelga où nous avons frôlé l’indulto. Nous avons également eu beaucoup de satisfactions avec les toros de Yonnet. Depuis 2016, nous avons sorti 24 toros des Héritiers de Yonnet et ces deniers nous déçoivent jamais.

On a encore en mémoire cette belle corrida en 2016 où nous avons pu découvrir un héroïque Javier Cortes mais également celle de 2021 où le public a ovationné de longues minutes Charlotte et Francine Yonnet, présentes dans les tribunes, à l’issue de la corrida. C’était un moment très émouvant a en donner la chair de poule. On a eu par contre des déceptions avec les Conde de la Maza ou les Pédrès. Nous avons fait des paris qui n’ont pas toujours été bons notamment avec des élevages qui étaient moins dans notre culture torista.»

Tertulias: « Pourquoi êtes-vous passés d’une féria de deux corridas à une seule? »

Alexandre Guglielmet : « En 2021, la feria était organisée autour d’une corrida de competencia le samedi et une corrida de Yonnet le dimanche. Le lot a remporté le prix des clubs taurins Ricard. Par contre, dans les gradins, nous n’avons pas gagné grand-chose avec 1200 entrées sur les 2 courses. Cette année-là, on a perdu beaucoup d’argent. Nous sommes une association et n’avons pas de fonds privés. Nous avons donc dû consommer nos réserves. 

Il ne nous restait pas grand-chose l’année dernière en 2022, pour monter la féria. Nous nous sommes donc limités à une corrida. Malgré un  temps catastrophique, cataclysmique, nous avons enregistré la meilleure entrée dans les arènes depuis 1995. Cela a permis de refaire un peu de trésorerie. On espère faire cette année une bonne entrée, ce qui nous permettra peut-être d’envisager des jours plus heureux à l’avenir . Comme chaque année, c’est un défi, une sorte de quitte ou double. »

Tertulias: « Qu’est-ce qui explique qu’il soit si compliqué d’attirer du monde avec cette programmation torista ? »

Alexandre Guglielmet : « Chez nous, c’est difficile de fédérer. Déjà tu n’as pas un ancrage local avec deux ou trois cents personnes du cru qui viennent. C’est pour cela qu’avec un cartel identique où tu rempliras les arènes à Céret, chez nous tu auras un mal fou à dépasser les 1000 personnes. Passer un week-end à Saint-Martin-de-Crau, ne fait peut-être pas rêver. Le vivier d’aficionados dans la région nîmoise et arlésienne est important mais il y a que très peu d’ aficionados « toristas ». Globalement, ils préfèrent payer une place pour aller voir Castella ou El Juli que payer pour voir des toros de Yonnet ou de Dolores Aguirre. »

Tertulias : « Y’a t’il une recette pour attirer plus de monde ? »

Alexandre Guglielmet : «Si j’avais la recette pour attirer plus de monde je l’aurais utiliser, crois moi. Avec nos moyens financiers limités, on mise avant tout sur des toros de respect, tout en essayant de créer une affiche innovante et intéressante pour les aficionados. Franchement, je ne sais à ce jour, vraiment pas quoi faire pour remplir plus»

Tertulias : « La météo est souvent compliquée à Saint-Martin-De-Crau. A t’elle une influence sur la fréquentation? »

Alexandre Guglielmet : « Bien sûr, mais cela influe mais pas au delà de 2 à 300 personnes. C’est vrai que nous avons souvent une météo défavorable où il s’annonce de la pluie, du vent, du froid. En 2021, quand nous avons décalé la feria au mois d’octobre, le temps n’a pas été meilleur. En plus c’est cette année que nous avons pris le plus gros « bouillon« . Ce serait difficile de déplacer la féria en juillet-août. Les créneaux sont difficiles à trouver et on ne veut absolument pas se mettre en concurrence avec nos autres collègues. Cette année, nous pensons que le cartel est intéressant. Il doit pouvoir fonctionner à la Taquilla. »

Tertulias :  « Justement nous sommes le 12 avril, où en êtes-vous par rapport aux réservations ? »

Alexandre Guglielmet : « De plus en plus, le public réduit sa consommation et à l’air de se contenter de ne voir qu’une corrida par mois. Cette année, on passe quinze jours après la féria d’Arles ce qui est habituel vu notre date mais l’on constate surtout une multitude de journées au campo ou de fiestas camperas durant le mois d’ Avril. Cela augmente la concurrence de l’offre et nous fait perdre du monde car vu les difficultés que traverse les français avec un pouvoir d’achat en net repli, les aficionados font des choix et ne cumulent plus les sorties comme avant. Depuis la fin de la feria d’Arles, les réservations se sont accélérées.

Nous arrivons à en faire 40 à 50 par jour ce qui est encourageant mais jamais assez. Les anciens qui tenaient la billetterie nous disaient que l’on fait 1/3 de réservations, et 2/3 le jour de la corrida. Si nous arrivons à la fin de la semaine à 500, on peut penser et espérer qu’on aura une bonne fréquentation le jour de la corrida. Pour équilibrer nos comptes, il nous faudrait faire un peu plus de 1000 entrées pour ne pas voir l’avenir s’assombrir

Tertulias : « D’où vient le public ? »

Alexandre Guglielmet : « Sur les 200 premières réservations, pour l’instant 90% venaient du sud-ouest. Ils apprécient que la corrida ait lieu le samedi. Ils peuvent passer le lendemain, une matinée ou une bonne partie de la journée au campo avant de repartir chez eux. Le créneau torista semble intéresser plus les gens du sud-ouest que ceux du sud-est…mais ce n’est que le démarrage. »

Tertulias : « Avez-vous des sponsors qui vous aident dans votre organisation ? »

Alexandre Guglielmet : « À Saint-Martin-De-Crau, on arrive à avoir un livret sponsors de 40 à 50 commerçants. Seule une petite dizaine d’ entreprises deviennent des « partenaires » avec des participations financières plus importantes. Les grosses entreprises sur notre zone, notamment logistiques, ont du mal à vouloir associer leur nom à la corrida ou à y trouver un quelconque intérêt. On essaie d’agrandir le cercle de nos sollicitations jusqu’à Arles et Nîmes. Le problème est que les civilités que nous proposons sont en rapport avec nos capacités et les moyens techniques que nous offrent nos arènes, ce qui limite notre offre partenaires »

Tertulias : « Quel est le programme de la journée ? »

Alexandre Guglielmet : « Nous débuterons par une novillada sans picador à 11h. Cela fait 2 ans que nous avons eu la volonté de remettre la novillada sans picadors parce que c’est important pour l’avenir de la tauromachie. Les erales sont de François-André. C’est un gage de qualité. Ils ont gagné l’année dernière, le trophée Gard-Cévennes-Bouches du Rhône.

Côté torero, il y aura Alberto Donaire de Valencia qui est déjà prêt à monter en piquée. Nuñez de Molina a gagné l’an dernier les qualifications de la province de Cadix. Débuteront aussi deux jeunes de l’école taurine d’Arles qu’il est important pour nous d’aider, Juan de Morena et Andy Martin. »

Tertulias: « Et la corrrida de l’après-midi ? »

Alexandre Guglielmet : « Le temps fort de la journée, sera ce desafio entre les toros de Dolores Aguirre et ceux de Charlotte Yonnet. On a voulu changer de ce que nous faisions depuis quelques années à savoir une corrida de six élevages différents, tout en réaffirmant notre côté torista. Nous souhaitions maintenir une programmation française avec une ganaderia de caractère. En face, pour ce défi notre première option était de prendre Dolores Aguirre qui s’est révélée la bonne. »

 Tertulias: « Qu’est-ce qui fait qu’une ganaderia comme Dolores Aguirre, qui sort dans les arènes de catégorie vient à Saint-Martin-De-Crau ? »

Alexandre Guglielmet : « Nous avons une histoire commune avec cet élevage, nous avons un très bon relationnel depuis 2013. Depuis nous avons toujours gardé le contact. Bien sûr, nous avions d’autres noms en tête, des élevages que nous aimons par la caste et la sauvagerie de leur bétail. Mais Dolorès, était l’option première. Ils nous ont présenté dix toros, on en a réservé quatre. On en prendra trois à l’embarquement qui viendront à Saint-Martin-De-Crau. Nous n’avons pas pris de réserve. Les toros de réserve seront de Yonnet. »

Tertulias: « Et pour ce qui est des toreros ? »

Alexandre Guglielmet « Il y a Alvaro de la Calle. Aujourd’hui, beaucoup de monde connaît son histoire. Les cinq toros qu’il a tués l’an dernier à Madrid sont dans la mémoire de tous. Ce jour là, il a été très bien. C’est une belle histoire et si on peut l’aider à continuer à la vivre, tant mieux. Alvaro a été très content, très touché de voir que nous avons pensé à lui. C’est aussi un bon coup de lumières pour nous car il est suivi et il y a des gens de Salamanque qui viennent pour le voir.

Alvaro de la Calle

Il y a ensuite Adrian de Torres. Nous avions des membres de La Unica à Cenicientos l’an dernier où il a été très bien. Parallèlement Adrian de Torrès nous a aussi contacté. J’ai fait un peu comme les recruteurs de football. J’ai scruté des vidéos, j’ai regardé des courses qu’il avait toréées. Lors de la Féria d’automne à Madrid, il a été bon. Si quelquefois nous n’avons pas de chance avec la météo, pour une fois, nous avons de la chance avec la tauromachie. Il vient récemment de couper une oreille à Madrid. Une oreille de poids à un toro de Cuadri. Cela donne un petit coup de projecteur à notre corrida. »

Adrian de Torres
Tertulias: « Et donc pour le troisième? »

Alexandre Guglielmet « Mettre un torero français, pour nous, c’est important. On est une arène de 3ème catégorie. Et si les placitas comme nous, ne leur donnent pas une chance, qui va le faire? Mais on ne le fait pas par défaut. On le fait parce qu’on y croit. Pour les toreros, quand on monte les cartels, on les laisse nous contacter.On annonce les toros au début de l’hiver afin qu’ils sachent les élevages qu’il y aura et après on attend les appels.Nous souhaitons que la démarche vienne d’eux. Ce qui ne nous réussit pas trop mal.

Quand on a annoncé les Dolores Aguirre et les Yonnet, il y a eu seulement trois matadors français qui nous ont contacté. Nous avons retenu Tibo Garcia. Il a une grosse carte à jouer en début de saison chez nous. Il est sur un créneau torista qui n’est pas son créneau habituel. C’est un peu nouveau pour lui. Néanmoins, quand il était novillero, il avait toréé une paire de novilladas un peu compliquées. C’est un pari pour lui et pour nous. Nous l’avons vu en tienta chez Yonnet, que ce soit avec des vaches ou des machos et ça s’est bien passé. On espére qu’il puisse mettre en œuvre cette tauromachie à Saint Martin. C’est un torero très fin. Face à un toro type Yonnet avec de la caste et du moteur, l’alchimie doit pouvoir prendre. »

Tibo Garcia
Tertulias : « Si aucun français n’avait appelé tu aurais mis un cartel sans Français ? »

Alexandre Guglielmet : « Tout à fait. Je n’aurais aucun remord à le faire du moment que personne s’est manifesté.Les toreros qui ont peu de contrats, c’est normal qu’ils appellent surtout que Saint Martin est en début de saison et peut donner un joli coup de projecteur. S’ils ne le font pas, c’est un choix de leur part et l’on montera alors un cartel 100% étranger en communiquant sur le pourquoi. »

Tertulias : « Quels sont vos espoirs, au-delà de mettre 1500 personnes sur les gradins ? »

Alexandre Guglielmet : « Je souhaite qu’il y ait du beau temps. Je souhaite que les toros poussent au cheval et embistent. À Saint-Martin-De-Crau on aime particulièrement le tercio de varas. C’est pour nous primordial. Voir les toros s’élancer de 30 ou 40 mètres, c’est une chose magnifique. Par la suite, on veut voir des faenas avec des toros encastés et qui bougent. Il faut qu’il y ait du moteur, de l’exigence et de la caste. J’ai aussi beaucoup d’espoir dans les toreros cette année. »

Tertulias : « Et pour l’avenir ? »

Alexandre Guglielmet : « L’espoir est de repartir sur une féria avec deux corridas et une novillada sin caballo mais avant cela il faudra remplir nos tribunes sinon l’on devra envisager l’avenir autrement et peut être réduire davantage notre programmation. Mais restons optimistes . Je souhaite faire de Saint-Martin une place forte de l’Aficion torista, quelque chose de comparable à ce que fait Céret, Vic, Cenicientos, tout en gardant notre identité et ne pas oublier les ganaderos français. Nous voulons que notre féria soit un événement incontournable du calendrier taurin.»

Merci à Alexandre d’avoir répondu à nos questions.

Les réservations pour la Féria de Saint Martin de Crau sont ouvertes au ☎️ 06 31 40 69 27 ou au 04 90 96 95 84

Propos recueillis par Philippe Latour et Thierry Reboul

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