Etre français est-il toujours tendance?
Etre français est-il toujours tendance?
Les toros ne demandent pas la carte d’identité. C’est une formule bien connue qui circule dans le monde des toros, enfin surtout de notre côté des Pyrénées pour expliquer qu’être français n’est pas un désavantage pour faire carrière habillé en costume de lumières.
A bien regarder l’escalafon qu’il soit celui des matadors ou des novilleros, si les Français sont présents, il sont assez peu nombreux en valeur relative, et exception faite du consacré Sébastien Castella, leur nombre de contrats reste faible, ce qui implique de fait une visibilité et un volume d’opportunités moins élevés que pour beaucoup de leurs homologues Espagnols voire d’Amérique latine.
Surabondance dans un marché français étroit, rareté de talents, mundillo taurin sclérosé et peu enclin à l’ouverture, considérations culturelles qui veulent que finalement quoiqu’on en dise, la tauromachie est espagnole, manque de moyens de formation? Et si nous conjecturerions autour de ces questions ?

Après la mobilisation, le repli ?
La grande mobilisation du mundillo français contre la proposition de loi Caron avait semblé redonner confiance en les toreros de l’Hexagone. Pourtant, trois ans plus tard, leur situation demeure fragile : ils apparaissent de moins en moins souvent dans les cartels en France et peinent toujours autant à s’imposer en Espagne, où à quelques exceptions seulement réussissent à percer.
Les chiffres de l’escalafón 2025
Hors Sébastien Castella (lui aussi en baisse d’ailleurs), 51 opportunités ont été offertes aux toreros français contre 62 en 2024 (nous ne prenons pas en compte le retour de Juan Bautista purement exceptionnel). Ils ne sont plus que 13 dans l’escalafon contre 14 l’an dernier alors que Tristan Barroso et Clemente Jaume l’ont intégré. Adriano, Thomas Joubert (arrêt de carrière), Andy Younes en sont sortis. Si Clemente continue de s’installer, Tristan Barroso se met à un niveau intéressant pour un nouveau matador de Toros, Rafi, Juan Leal, Tibo Garcia, Dorian Canton, Yon Lamothe ont vu leur nombre de contrats sérieusement diminuer. Carlos Olsina et Solal (à un niveau qui reste modeste) ont gagné quelques contrats en plus. Lalo de Maria et Maxime Solera ont peu l’occasion de s’exprimer.

| Sébastien Castella | 47 |
| Clemente | 13 |
| Tristan Barroso | 12 |
| Carlos Olsina | 7 |
| Juan Leal | 5 |
| Solal | 4 |
| Dorian Canton | 2 |
| El Rafi | 2 |
| Lalo de Maria | 2 |
| Yon Lamothe | 1 |
| Maxime Solera | 1 |
| Clemente Jaume | 1 |
| Tibo Garcia | 1 |
| Sébastien Castella | 52 |
| Clemente | 12 |
| El Rafi | 11 |
| Juan Leal | 8 |
| Adriano | 6 |
| Dorian Canton | 6 |
| Carlos Olsina | 4 |
| Thomas Joubert | 4 |
| Tibo Garcia | 4 |
| Solal | 3 |
| Yon Lamothe | 3 |
| Lalo de Maria | 1 |
| Andy Younes | 1 |
| Maxime Solera | 1 |
Un marché saturé et peu ouvert
Le problème nest pas le talent, les Français n’ont rien à envier à nombre de leurs collègues espagnols et latino-américains. Avec Nimeño II, ce verrou a fini par sauter. Sebastien Castella et Juan Bautista ont repris le flambeau et maintenu bien vive cette flamme. A ce jour, Clemente en tête, confirmation d’alternative à Madrid en poche, d’autres émergent.

Le nombre de matadors de toros français en activité n’a jamais été aussi important. Deux nouveaux noms (Tristan Barroso, Clement Jaume) ont rejoint le contingent! Mais le marché reste sclérosé. Trop de toreros pour trop peu de contrats! Un système où les réseaux d’apoderados et d’empresas espagnoles verrouillent l’accès aux grandes arènes. Le monde taurin espagnol (et plus largement les cartels en Espagne, mais aussi en France) est traditionnel, avec des circuits bien établis. L’accès aux arènes majeures exige souvent d’avoir un bagage solide et des appuis (apoderados / “empresas”), des antécédents, de la visibilité.
Pour un Français, briser ces barrières est sûrement plus difficile. En France, les arènes capables de proposer des corridas de toros restent finalement peu nombreuses. Le nombre final de corridas/novilladas est limité, ce qui induit une forte compétition pour les contrats et un turn-over nécessaire. Le vivier existe, mais le “goulot d’étranglement” est l’accès aux grandes arènes et aux grandes ferias avec un marché local au potentiel limité.

La tauromachie, un patrimoine français sous tension
La tauromachie profondément enracinée dans le Sud de la France, a créé son propre style de corrida, plus esthétisée, plus théorisée, plus respectueuse. Les arènes françaises ne sont pas de simples copies espagnoles. Elles reflètent une culture taurine où la présentation des toros, les attentes vis à vis des toreros et le rapport au public suivent des codes propres.
Pourtant, malgré ces racines, la tauromachie française reste fragile. Certains la considèrent encore comme “espagnole par essence”, minimisant la singularité et la richesse de la pratique hexagonale. Les toreros français doivent donc non seulement affronter les défis logistiques et économiques de la profession, mais aussi lutter pour la reconnaissance culturelle de leur discipline sur le territoire national.
Aujourd’hui, si la corrida est considérée comme un patrimoine vivant français, où l’art du toreo est quand même consciemment ou non très espagnol dans l’imaginaire collectif français.

Un manque de moyens
La formation existe, mais reste modeste financièrement et dépendante de subventions ou de mécénat, ce qui la rend fragile. Faute de moyens, les écoles taurines françaises ne peuvent offrir ni le même bétail, ni la même régularité d’entraînement, ni la même visibilité que leurs homologues espagnoles
Il ne faut pas oublier que l’environnement légal (même si favorable actuellement) et l’opinion publique en France sont de plus en plus hostiles, ce qui peut réduire les soutiens institutionnels, les financements publics, ou la volonté politique de promouvoir la corrida comme une activité culturelle centrale — cela peut créer un climat d’incertitude pour les toreros en herbe. Difficile de se projeter avec un avenir incertain qui réserve plus de sueur, de sang et larmes que de gloire et d’argent.
Le soutien institutionnel est peu clair. Les associations taurines manquent de visibilité sur leur rôle à jouer (financement, soutien aux jeunes, à la diffusion de la culture taurine), surtout dans un contexte de débat public. Renforcer le financement des écoles taurines serait la solution pour garantir stabilité des ressources, améliorer les installations, trouver du bétail d’entraînement, développer plus encore le échanges (séjours en Espagne notamment), et assurer une meilleure visibilité pour les élèves et construire leur réputation au-delà des frontières.
Effet soufflet Caron
La mobilisation a protégé la corrida sur le plan symbolique, mais n’a pas changé la donne pour les toreros : après un embellie d’une temporada, les contrats restent rares, et la reconnaissance, limitée.. Si certains discours ou certains soutiens publics ont été obtenus, le plafond semble rester “traditionnel” : les toreros français restent globalement aux marges. Certains s’en réjouiront car la place dans un cartel ne doit se gagner qu’au seul mérite. La méritocratie devrait être effectivement un critère absolu, mais n’oublions pas que la marché epagnol étant fermé, il est bien difficile pour nombre de toreros français de se revendiquer en dehors de nos frontières.
Le protectionnisme n’étant pas la spécialité hexagonale, le torero français n’a chez lui que peu de passe-droit. Certes des opportunités sont offertes, mais quand elles se présentent, il doit faire face à une exigence décuplée, devant prouver plus qu’un autre sa légitimité pour continuer à être présent dans les cartels. Pas ou peu de droits à l’erreur!
Etre français et vouloir être torero paradoxalement alors qu’en nombre il y a pléthore n’a jamais été aussi difficile qu’auJourd’hui depuis le temps où, la France taurine avait déjà ses pionniers. Simón Casas – alors jeune novillero – et Nimeño I, le frère aîné de Christian Montcouquiol ont lutté pour que parler de “torero français” ne soit plus une provocation. Les arènes espagnoles mais aussi françaises considéraient la tauromachie comme leur chasse gardée. En affrontant non seulement les toros, et les préjugés d’un milieu hermétique, ils ont ouvert la première brèche, prouvant qu’un Français pouvait enfiler l’habit de lumière et se présenter face aux toros de lidia.
Alors bien sûr, aujourd’hui, le combat à mener, celui d’une reconnaissance légitime dans un monde où l’Espagne garde jalousement ses clés est moins rude et ardu qu’hier, certes. Mais en 2025, les toreros français doivent encore toréer non seulement les toros… mais encore ici ou là des réticences qui ont le cuir tanné. Alors certains (Andy Younes, Adriano) sont allés chercher des opportunités au Pérou que l’Europe ne donnaient pas ou plus. D’autres (Solal) ont augmenté le nombre de contrats de l’année. Alors pour un grand nombre peut-être faudra t-il aller chercher des chemins de traverse (toros durs, Pérou) pour se revendiquer un peu plus mais il serait bien que les cartels dans l’hexagone redonnent quelques postes complémentaires dans les cartels.

C’est en forgeant que l’on devient forgeron parait-il! La tauromachie n’échappe pas à la règle. Redonner quelques opportunités complémentaires aux toreros français ne serait pas dénué de sens. Sébastien Castella n’a que peu d’années de carrière encore devant lui et il est nécessaire qu’émerge pour de bon d’autres toreros français auxquels l’aficion hexagonale puisse s’identifier afin aussi d’affirmer pleinement que la tauromachie espagnole est aussi française.
Philippe Latour

Exemple cette année à Eauze où les organisateurs français , après le forfait de Marco Perez , sont allés nous chercher Jimenez Fortes.
Sans lui enlever sa légitimité, n’y avait-il pas de torero français disponible ( Adriano ou Juan Leal) ?
D’autant plus qu’ils avaient eu la bonne idée d’engager Yon Lamothe.
Cyril -Toulouse-