Encastes

Les toros d’encaste Veragua

Les toros d’encaste Veragua

Des cartujos aux toros de Prieto de la Cal, l’histoire de l’encaste Veragua
Au début étaient des moines  ganaderos.

L’histoire de l’encaste Veragua a commencé au XVème siècle. Les moines chartreux de Jerez ont pour habitude de collecter le denier du culte en nature. Ils se créent ainsi des élevages de chevaux et de de bovins. Les plus belliqueux des toros sont alors utilisés lors des nombreuses fêtes taurines. On est encore loin de la corrida et de l’élevage modernes mais il faut un début à tout. Pour en être moines, ils n’en sont pas moins hommes d’affaire avisés. Ils comprennent qu’il faut améliorer la qualité (ou plutôt l’agressivité) et la régularité du bétail qui part aux arènes. En 1798, alors que la corrida à pied commence à se développer, ils construisent la première placita de tienta. Par ailleurs, ils vendent du bétail à d’autres éleveurs, souvent des congrégations religieuses.

La naissance de la caste Vasquez

En 1737, Gregorio Vasquez créé une ganaderia aux origines diverses avec une part de toros jaboneros des moines de Jerez. Il les croise avec des sementales d’origine Cabrera (des cartujos eux aussi ). Son fils lui succède en 1778. Vicente José entreprend d’améliorer son bétail. Il est très vite limité dans sa recherche par l’âpreté naturelle et bien ancrée dans les gènes des toros cartujos. Pour adoucir ses produits, il décide de les croiser avec du bétail, réputé plus noble, du Comte de Vistahermosa. Mais l’aristocrate ne veut pas faire affaire avec le roturier qu’est Vicente José. Ce dernier n’a pas de quartiers de noblesse mais il a du recours. Vasquez achète à l’évêché la charge de collecter la dîme. Et c’est ainsi que contraint et forcé le Comte de Vistahermosas lui cède des añojos et des vaches.

Pendant quelques années, le ganadero gère les deux rames séparément. Puis le moment venu, elles sont croisées et donnent naissance au toro de Caste Vasquez. Mélange des toros noirs de Vistahermosa et jaboneros ou couleur feu de ceux des cartujos de Cabrera, les produits ont gagné un physique et un comportement  intermédiaire entre celui des futurs Miura et des futurs Conde de la Corte et autres encastes issues de Vistahermosa.

Les grandes années de l’encaste Vasquez

Le mélange des deux encastes donnent de très bons résultats. Vicente José pratique la tienta par acoso y derribo pour les mâles et les femelles. La ganaderia tient le haut du pavé avec des toros violents, agressifs et très braves au cheval, ce qui correspond aux attentes du public de l’époque. Déjà il est mis en concurrence avec les produits plus nobles du Comte de Vistahermosa. Le fer prend son ancienneté à Madrid entre 1790 et 1800 selon les auteurs.

Le Roi anoblit Vicente José Vasquez en échange d’une remise des dettes contractées par la couronne auprès de l’entrepreneur qu’était aussi le ganadero. Le troupeau grandit et atteint 1000 vaches et 300 toros braves quand Vicente José Vasquez meurt en 1830 . Il n’a pas d’héritier et l’état s’approprie le bétail en paiement de droits de pacage dus par le propriétaire des toros. La ganaderia devient propriété du Roi d’Espagne Ferdinand VII.

Les toros du Roi

Le troupeau est déplacé à Jarama et annoncé sous le nom de Reale Vacada. Il le sera pendant quatre années et tiendra son rang à l’escalafon. Le travail réalisé par Vicente José Vasquez n’est pas étranger au succès de la ganaderia royale. Tout cela se passe dans un contexte d’évolution majeure pour la corrida. Les toreros à pied prennent progressivement la place des nobles-cavaliers. A la mort de Ferdinand, son épouse n’est guère aficionada et finit par mettre en vente la ganaderia. Déjà intéressé en 1830, le Duc de Veragua se porte acquéreur du troupeau. Ainsi commencent les années Veragua.

La création de l’encaste Veragua

Ayant pu observé de près la gestion chaotique de l’élevage pendant les années « royales », les deux  Ducs éliminent tous les produits des essais de croisement faits avec d’autres encastes et toutes les vaches nées pendant cette période. On repart sur du Vasquez pur. Empresarios des arènes de Madrid, ils y font courir leur bétail pendant quatre ans sous l’apellation « Toros de Don Vicente José Vasquez ». Le troupeau migre à la Dehesa Nueva del Rey et sort maintenant sous l’appelation Veragua. La corrida continue d’évoluer. Le picador est devenu un subalterne. Les toros des deux Ducs offrent au public les premiers tiers qu’ils sont venus voir aux arènes. Les chevaux tués sont nombreux.

Malheureusement les toreros à pied et à cheval sont aussi victimes des toros de Veragua.  La couleur jabonero devient prépondérante sous l’influence d’un semental « Charrengue » Lidié dans une arène, il fit preuve de beaucoup de bravoure. Dès lors on peut parler d’encaste Veragua. En 1866, Cristobal Colon de la Cerda y Gante succède à son père. Entre 1874 et 1900, six cent sept toros de Veragua sortent à Madrid. On le demande en France, en Amérique du Sud. Leur comportement au premier tiers, le nombre de toreros qu’ils ont blessés ou tués en font un des élevages phares de la fin du XIXème et du début du XXème. Homme d’affaires, le Duc sera à l’origine de la construction et l’exploitation des arènes parisiennes du Bois de Boulogne. Il y laissera beaucoup d’argent. 

Veragua victime de l’évolution de la tauromachie.

Les toreros, à l’exception de Guerrita, commencent à rechigner à toréer les Veragua. Le goût des aficionados a évolué et la prédominance du troisième tiers commence à se faire jour. Le Duc, fondateur de l’Union des ganaderos, défend la corrida et surtout la corrida qui a fait le renom de son fer. Son fils lui succède à son décès en 1910. Joselito et Belmonte boycottent ses toros qui ne permettent pas de faenas de muleta. La mort horrible de Granero accélère le déclin de la ganaderia. Les fameux jaboneros ne sont plus toréés que par les modestes. La mode est de plus en plus aux toros moins durs. L’adoption en 1926 du peto qui sera obligatoire début 1928, porte un coup fatal à la ganaderia. Fin 1927, le Duc de Veragua vend l’ensemble de son bétail.

De Veragua à Prieto de la Cal en passant par Domecq.

C’est Manolo Martin Alonso, le grand-père des frères Lozano qui achète la finca et à contre-cœur le bétail compris dans les biens vendus. Il vise à créer un élevage d’encaste Vistahermosa et les Veragua sont pour lui une charge autant inutile que non désirée. Il diminue la vacada passant de 1000 têtes à 250. Manolo Martin fait courir quelques lots y compris à Madrid sous l’appelation Veragua. Dès que l’occasion se présente à lui, il vend vaches et toros. En 1931, fer et bétail sont achetés par un négociant en vin d’origine français Juan Pedro Domecq y Nuñez de Villavicencio.

Le fondateur de la dynastie Domecq cherche un support de communication pour assurer la promotion de ses vins. L’origine royale des Veragua est pour lui une opportunité. Il rapatrie toros et vaches en Andalousie. Les uns en camion, les autres prennent le chemin de la transhumance à pied. Il entreprend de croiser le bétail acquis avec des toros de Parladé, origine Conde de la Corte. Très vite le sang Vasquez est absorbé et ne reste plus au campo que quelques vieilles vaches nées Veragua et quelques lignées pure d’origine Veragua conservées au cas où.

L’encaste Veragua manque de disparaître.

En 1937, Juan Pedro Domecq décède et le bétail est partagé en quatre lots. Juan Pedro Domecq récupère le fer et l’ancienneté. Il ne conserve que quelques vaches d’origine Veragua. L’autre frère, Alvaro, préserve quelques lignées pures. Santiago vend très rapidement son lot à José Enrique Calderon, un ganadero de Ruchena qui veut sauvegarder l’encaste Veragua.

Redonner du lustre à cet encaste semble difficile. Calderon y parvient. A l’époque, suite aux abattages de la Guerre Civile, on fait lidier des toros qui sont en fait des novillos. Le poids minimum devient 423kg.  Les Veragua sont plus petits que leurs ancêtres et les toreros recommencent à accepter de les combattre. En seconde catégorie, les toros donnent de bons résultats. Peu avant de décéder, Calderon, dont les héritiers naturels ne sont pas aficionados, vend en 1945, la quasi-totalité de sa  ganaderia à Tomas Prieto de la Cal.

Novillo Prieto de la Cal, Parentis
Prieto de la Cal , le Veragua de la seconde moitié du XXème siècle

Tomas Prieto de la Cal est un homme d’affaire et un aficionado. Il possède déjà une ganaderia dont il élimine les produits quand il achète celle de José Enrique Calderon. Il transfère le bétail à Ruizza. Sur la lancée des succès de Calderon et avec un travail sérieux de sélection de la part du nouveau propriétaire, les Prieto de la Cal remportent de nombreux succès. Les figuras, Ordoñez, Dominguin et Bienvenida en tête, les réclament. La ganaderia est pendant quinze années au sommet de l’escalafon ganadero. Malheureusement en 1960, Tomas et son mayoral José Doblado tombent malades. Les bêtes sont laissées à l’abandon. Pendant six ans vaches et toros ne sont pas tientés.

La ganaderia est au fond du gouffre quand Tomas et son mayoral décèdent en 1975. Tomas hijo n’a que neuf ans. Avec l’aide d’Antonio Bienvenida le troupeau est maintenu tant bien que mal. En 1983, le jeune ganadero entame un travail de sélection drastique. Il ne conserve que 51 vaches et un étalon. 250 reproductrices partent à l’abattoir. Il se concentre sur les novilladas, retrouve peu à peu la bravoure des anciens toros de Veragua. C’est plus compliqué en corridas. Aujourd’hui il continue à privilégier les utreros, fait lidier quelques toros. Les camadas sont courtes, les résultats parfois excellents (Parentis, Vic) mais restent irréguliers. Tomas et sa mère, la grande dame qu’est la Marquise de Seoanès, luttent pour défendre leurs jaboneros sans céder aux tentations « modernistes ».  

Prieto de la Cal, Orthez
Aurelio Hernando, un espoir pour l’encaste Veragua

En 1992 Aurelio Hernando s’associe avec Javier Gallego García pour préserver les 17 vaches et 1 étalon d’origine Veragua de l’élevage familial de ce dernier. Cette ganaderia provient de l’ancien élevage de Enrique García Gonzalez, Les deux hommes attaquent avec foi et passion leur quête salvatrice.

Tout commence mal, car leur semental meurt rapidement. Heureusement, un de ses fils, se révèle être un reproducteur exceptionnel. Ils agrandissent le troupeau avec des vaches d’origine Domecq de chez Victoriano del Río maintenue séparément.

En 2000 les deux associés possèdent une centaine de vaches Veragua. Mission accomplie. En 2002, ils se séparent. Aurelio installe ses toros à Soto del Real. Sa devise, caña y negro, y fait sa présentation à l’occasion d’une novillada sans picador en 2004. En 2005 l’élevage présente ses premiers novillos en novillada avec picadors et les premiers toros en 2006 toujours à Soto del Real. Aurelio vend son bétail principalement dans les alentours de Madrid. En 2011, il présente un lot à Orthez et sort un sobrero à Las Ventas. En 2013, il présente une novillada à Las Ventas. La camada 2023 comprend 11 toros et 36 novillos.

Novillo Aurelio Hernando
Synthèse

Veragua est un encaste en danger. On le retrouve dans 8 ganaderias , dont trois majeures, regroupant 676 vaches et 28 sementales. L’autre encaste « héritier » de l’encaste originel Vasquez n’est plus présent que chez Concha y Sierra ( 97 vaches, 6 sementales).

Caractéristiques morphologiques principales.

  • taille et hauteur moyenne
  • robes variées avec prédominance de jaboneros et de negros.
  • larges avec une musculature dévelopées et saillantes
  • tête volumineuse, large , longue, profil droit à bombé, grands yeux
  • cornes en forme de crochet
  • morillo développé, proéminent, frisé/ cou de longueur moyenne
  • extrémités courtes et larges.

Comportement en piste.

Premier tiers
  • sortie spectaculaire, rematent dans les planches
  • sautent parfois dans le callejon
  • s’emploient et répètent sous le fer
  • veiller à ce qu’ils ne laissent pas toute leur énergie au cheval
Second tiers
  • s’épuisent si on les fait trop courir
  • limitation nécessaire du nombre de capotazos et de passages.
Troisième tiers
  • justes de forces
  • chargent avec fixité et en répétant mais la faena doit être courte
  • baissent de rythme et deviennent dangereux en fin de faena si celle-ci est trop longue.

Faits et toros marquants de l’histoire de l’encaste.

  • Guerrillero, nº 27, lidié par Luis Miguel Dominguín dans la Plaza de toros Monumental de Barcelone en 1950 . Trophées maximum pour le matador et vuelta pour le toro. Meilleur toro de la temporada taurine de Barcelone.
  • Farolero, jabonero de 574 kg, lidié par Serafín Marín en la Plaza de toros de Zaragoza el 25 de abril de 2008,  a pris 6 piques et a été déclaré vainqueur de la corrida concours .
  • Rompedor, nº 26, berrendo en castaño, vuelta al ruedo, Plaza de toros de Hellín (Albacete) le 5 avril  2015.
Principales ganaderias de l’encaste en Espagne.
  • Prieto de la Cal
  • Aurelio Hernando
  • Agustinez
Principales ganaderias de l’encaste en France.
  • encaste non représenté en France.

Sources : www.terresdetoros.fr, Corps des Présidents et Alguaciles de corridas, Terres Taurines, Chaine You Tube « Les Encastes

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