Encastes

Les toros d’encaste Atanasio Fernandez

D’ascendance Conde de la Corte, la ganaderia Atanasio Fernandez a été pendant presque 80 ans un fer prisé des vedettes. Très rapidement son créateur en a fait un encaste. Elle a donné naissance à un « encaste variant », Lisardo Sanchez. Bien que disparue en 2010, elle survit aujourd’hui, sous ses deux variantes dans une cinquantaine de ganaderias. Autrefois prisé par les figuras, l’encaste Atanasio l’est actuellement par les aficionados toristes. Son histoire, illustre la difficulté à créer et rendre pérenne un toro à la fois brave au cheval et noble au troisième tiers.

L’histoire des Atanasio Fernandez
Les origines de l’encaste

En 1908 Bernabé Cobaleda Berroca créé une ganaderia, et l’installe sur ses terres de Campocerrado. Il achète des toros et des vaches de caste navarraise d’origine Carriquiri. En 1925, il élimine la quasi-totalité de son bétail. Il le remplace par des reses du Conde de la Corte, origine Parladé-Tamaron. Le ganadero décède en 1929. La ganaderia est répartie entre ses enfants. Une part revient à sa fille Natividad Cobaleda Sánchez et son époux Atanasio Fernandez. Ce dernier prend en main les destinées de ce qui sera pendant 80 années, un des fers les plus réputés du Campo Charro.

De 1930 à 1932, il élimine la totalité du ganado de son beau-père. Il achète au Conde de la Corte deux lots de vaches et un semental Carabella (tout un programme). Ainsi démarre l’aventure de l’encaste Atanasio Fernandez.

Le mage de Campocerrado

Atanasio est un commerçant né. Très vite, il comprend que pour vendre des toros, il faut plaire aux toreros. Il va être un des premiers à accorder un grande importance à la « partie muleta » lors des tientas. Conscient qu’à trop privilégier la noblesse, on risque de perdre la bravoure, il va chercher et réussir à produire un toro idéal alliant bravoure et noblesse sans excès de tête. Véritable alchimiste, il méritera rapidement son surnom de « Mage de Campocerrado ». Lors des tientas, il ne va sélectionner que les vaches qui vont à mas. Cette caractéristique est encore aujourd’hui le principal trait de comportement des toros de cet encaste. Il sera sévère sur le comportement dans les trois tercios lors des tientas,

Les premiers triomphes

Après douze ans de travail, 1942 verra le fer triompher à plusieurs reprises. Manolete coupe quatre oreilles, deux queues et une patte lors des corridas d’Aranjuez et Logroño. La corrida de San Sebastian est triomphale. Les toros sont qualifiés de braves par la presse mais aussi de petits. Pour Atanasio, le toro idéal est un toro brave qui embiste bien. Il déclare que l’augmentation du nombre de corridas conduit à la nécessité d’accepter la diminution du volume des toros. Pour les aficionados puristes le ver est déjà dans le fruit.

Les grandes années

Les années suivantes sont des années de succès pour les Atanasio. Les figuras triomphent devant et avec eux. Des ganaderos, le premier est Lisardo Sanchez, achètent des reproductrices et reproducteurs à Campocerrado.

Dans les années cinquante-soixante, Pepe Luis Vasquez, Domingo Ortega, Bienvenida, Dominguin, Litri, Aparicio et Ordoñez triomphent devant les Atanasio. Le rondeño achètera même la ganaderia du fils d’Atanasio Fernandez, élevage qui est aujourd’hui la propriété du Français Olivier Martin (El Palmeral). Entre temps du sang d’origine Clairac serait venu fin des années cinquante rafraîchir celui des Atanasio. Mais le mage-ganadero gardera toujours secret les ingrédients de sa potion magique.

Les années soixante dix sont dans la continuité des précédentes. El Viti, El Cordobès, Palomo Linarès triomphent face aux toros d’Atanasio. Ce dernier coupe même une queue à Madrid lors d’une des plus triomphales corridas de cette ganaderia. Appréciés des figuras, les toros d’Atanasio sont de plus en plus décriés par les aficionados les plus puristes. L’Atanasio devient un toro de plus en plus « commercial ».

Premières alertes

Ce que craignait Atanasio quand il a créé son élevage finit par se produire. A trop rechercher la noblesse, la qualité des toros finit par baisser. La fin des années soixante-dix sera pour lui le début du « bache ». Les Atanasio connaissent des problèmes de faiblesse. La caste n’est plus au rendez-vous. La présentation est de plus en plus éloignée, en particulier au niveau des armures, du standard Conde de la Corte.

Atanasio reprend une sélection rigoureuse. En quelques années, le ganadero redresse la barre. Les sorties sont meilleures et plus régulières. Mais il ne pourra pas aller au bout de son travail. Il meurt en 1982. Ses enfants Barnabé, Pilar et Natividad prennent le relais.

Les difficultés de la transmission

Barnabé a beaucoup appris avec son père, et il maintient la ganaderia a un bon niveau. Il doit s’adapter au marché qui, sous l’influence de Madrid, demande un toro de plus en plus costaud. Il sélectionne pour cela, les vaches les plus typées Conde de la Corte. Malheureusement il est victime d’un accident de la circulation. C’est son beau-frère Gabriel Aguirre Borrel, le mari de Natividad, jusqu’alors chargé des relations publiques de la ganaderia, qui reprend la gestion de la ganaderia. Les temps sont compliqués. Les enfants de Barnabé ne veulent pas continuer l’élevage de toros braves. Gabriel doit leur racheter leurs parts. L’effort financier est important alors que l’hégémonie des toros d’origine Domecq diminue fortement la part de marché laissée aux autres encastes.

La fin d’une ganaderia mais pas d’un encaste

L’amitié entre Daniel Aguirre et Enrique Ponce va retarder l’échéance. Pendant une dizaine d’année, le torero de Chiva va régulièrement combattre les produits de Campocerrado. Début des années 2000 la ganaderia sort »mal » dans des grandes arènes. La course de Bilbao en 2001 est un fracaso. Les toros sont décastés et faibles. Celle de 2003 est une mansada. Daniel Aguirre décède en novembre. Son fils Assis lui succède. En 2004, la ganaderia est à l’origine d’un scandale à Madrid. Intégré dans un cycle torista, début juillet, la corrida d’Atanasio Fernandez est mal présentée, à peine âgée de quatre ans. Les toros décastés sont d’une faiblesse insigne et indigne du nom qu’ils portent. En 2005, Castella coupe à Madrid une oreille à un toro manso mais avec de la mobilité. La dernière sortie du fer, en 2008,  à Madrid confirme la bache profond dans lequel s’enfonce la ganaderia.

En 2009, la crise touche le monde des toros. Atanasio Fernandez ne vend aucun toro. Plus personne ne veut des Atanasio. La décision est prise début 2010, l’ensemble du bétail de la ganaderia part à l’abattoir. Il n’y a plus de toros bravos à Campocerrado.

La ganaderia Atanasio Fernandez est morte mais pas l’encaste. Même si elle est aujourd’hui minoritaire, elle est encore présente en particulier dans les élevages de la famille Fraile. On la retrouve, avec des apports Conde de la Corte, chez Dolorès Aguirre et en France chez El Palmeral et Malabat.

Lisardo Sanchez, un variant de l’encaste Atanasio Fernandez

Né à Salamanque, Lisardo Sanchez achète en 1948, 220 vaches et veaux à Atanasio Fernandez. En 1955 et 1957, il achète des vaches et des étalons à Bohorquez et Urquijo. Officiellement ils sont élevés à part des Atanasio. Pourtant, si le Lisardo a un comportement Atanasio, sa morphologie plus basse, plus ronde, plus courte et ses cornes plus refermées évoquent le Murube. Comme Atanasio, Lisardo réalise plusieurs ventes de vaches et sementales qui ont permis la création de plusieurs ganaderias. A son décès en 1969, il est remplacé par son petit-fils, prénommé lui aussi Lisardo, qui conserve le fer jusqu’en 1983. A cette date il le vend à Adelaïda Rodriguez.

Les Atanasio et Lisardo d’aujourd’hui.

La famille Fraile est propriétaire de différents fers où toros Atanasio et Lisardo se croisent, se mêlent ou se juxtaposent.

La famille Fraile : Puerto de San Lorenzo

En 1925, les Flores Albarrán achètent l’ancien élevage de Gil Flores. Ils y intègrent un lot de vaches de Campos Varela et Izaguirre Tejerina et aussi un étalon de Martínez. L’élevage est divisé en 1956, et une partie revient à Mercedes Flores Sánchez. En 1958 les frères Juan Luis et Nicolás Fraile Martín achètent ce troupeau avec María Gascón. Ils modifient le fer, ajoute un lot de 100 vaches et 3 étalons appartenant à Arturo Sánchez y Sánchez, et un autre de 50 vaches et 3 étalons appartenant à José Infante de Cámara en 1962.

En 1976 Ils achètent la moitié du bétail appartenant à Lisardo Sánchez. Ainsi se créé la rame Lisardo du Puerto de San Lorenzo. Cette lignée est renforcée par les achats successifs de 30 vaches Atanasio à Arturo Gallego (1982) puis de 150 femelles (50 d’un an, 50 de deux ans et 50 plus âgées) à Atanasio Fernandez ( 1987 et 1988). A partir de cette date, les Fraile se concentrent sur les lignées Lisardo-Atanasio.

Puerto de San Lorenzo, Morante Dax 09/22
Les Valdefresno

Entre temps Juan Luis et Moises se sont séparés de leurs deux frères pour créer un élevage d’encaste Graciliano.  Ils se sépareront et en 1987 Moises créé El Pilar avec du bétail d’encaste Aldeanueva. En 1985, Nicolas et Lorenzo se séparent aussi. Nicolas crée Valdefresno, ganaderia où il maintient de manière séparée les deux branches Atanasio. Lorenzo continue sur la lignée plus Lisardo avec le Puerto de San Lorenzo. Il ajoute et élève sur les mêmes terres une ganaderia d’origine Domecq (Aldeanueva puis aujourd’hui Jandilla) La Ventana del Puerto. Il y adjoint en 2023, les vaches et sementales de Sanchez Arjona d’origine Domecq.

Les relations familiales restent compliquées chez les Fraile. Les fils de Nicolas, Nicolas et José Enrique se séparent en 2022. Nicolas garde le nom et le fer de Valdefresno. José Enrique garde la Finca et créé la ganaderia Fraile de Valdefresno.

Fraile de Valdefresno
Autre bastion Atanasio-Conde de la Corte : Dolores Aguirre

En 1972, Dolorès Aguirre Ybarra rachète la ganaderia Campocerrado créée dans les années soixante par Pilar, la fille d’Atanasio, avec du bétail de son père. Elle installe toros et vaches en Andalousie à Constantina. Elle intègre des sementales du Conde de la Corte. Avec une sélection exigeante, elle construit un type de toro compliqué, souvent manso con casta et devient un des éleveurs fétiches des arènes toristes. A son décès en 2013, sa fille prend la relève et maintient le cap fixé par la créatrice de la ganaderia.

Dolores Aguirre, Constantina
Les Atanasio tricolores

En 1992, Olivier Martin achète l’ancien élevage d’Antonio Ordoñez, d’origine Atanasio Fernández(1975), agrémenté en 1978 par l’étalon ‘Torquito’ du Comte de la Corte. Cette apport, identique à celui à l’origine de Dolores Aguirre, créé un toro typique mêlant les caractéristiques des deux encastes. En 2010, il vend l’élevage en 2010 à Juliette Fano puis le rachète en 2016. Le ganadero rapatrie le bétail au Pays Basque et entreprend un important travail de sélection. Pour l’instant Olivier Martin fait lidier et tuer tous les mâles en privé.

En 1993, Olivier Martin a vendu un semental, Cardinero, et des vaches à Pascal Fasolo qui créé ainsi la ganaderia Malabat dans les Landes à Brocas les Forges.

El Palmeral
Malabat
Synthèse

L’encaste est minoritaire car peu prisé des figuras  (à l’exception des Lisardo du Puerto de San Lorenzo) mais il n’est pas en danger de disparation. Pour les Atanasio, on compte 30 ganaderias pour 2000 vaches et 70 sementales. Pour les Lisardo, 25 ganaderias, 2100 vaches et 80 sementales.

Caractéristiques morphologiques principales.

Atanasio Fernandez :

  • Hauts et longs , animaux lourds, grand squelette
  • Morillo peu développé, cou long, dos parfois ensellés
  • Cornes bien développées astifinos, veletos
  • Robes surtout noires ou burracos quelques cardeños colarados et castaños

Lisardo Sanchez

  • Toros bas et rond
  • Fort poitrail ,morillo plus développé
  • Cornes horizontales et fermées

Comportement en piste.

Premier tiers
  • calme au campo
  • froid , sort abanto et met du temps à se fixer dans la cape
  • manso ou peu intéressé chez le cheval  ( sauf influence Conde de la Corte comme chez Dolores Aguirre)
  • contourne le cheval
  • nécessite plusieurs puyazos « appuyés »
Second tiers
  • change de comportement à partir de ce tercio si il est bien piqué
  • devient plus attentif et intéressé
Troisième tiers
  • parfois juste de forces
  • bonne fixité sur le leurre
  • humilie, répète avec une charge plutôt longue
  • va à mas lors de la faena donc nécessite et permet une faena longue
  • le Lisardo est plus noble, les Dolores ont plus de « piquant »
Faits et toros marquants de l’histoire de l’encaste.
  • 1942 à Logroño et Aranjuez Manolete coupe quatre oreilles, deux queues et une patte
  • 1965 à Dax , la corrida est interrompue au cinquième, les trois matadors sont à l’infirmerie
  • 1967 à Salamanque le toro Clavelero est gracié
  • 1970 à Las Ventas El Cordobès coupe quatre oreilles à une corrida d’Atanasio Fernandez
  • 1972 à Las Ventas Sébastian Palomo Linarès coupe un rabo à Cigarron. Le président de la course est destitué le lendemain
  • 1977 à Nîmes El Viti coupe deux oreilles à un Atanasio Fernandez archétype du comportement de l’encaste
  • 2008 dernière sortie d’un lot d’Atanasio Fernandez à Las Ventas
  • 2010 abattage de l’ensemble du bétail de la ganaderia Atanasio Fernandez
  • 2014 à Vic Cantillino de Dolores Aguirre ,manso dangereux révèle au public Alberto Lamelas
Principales ganaderias de l’encaste en Espagne.
  • Valdefresno (s)
  • Puerto de San Lorenzo
  • Los Bayones
  • Adelaïda Rodriguez
  • Agustinez
  • Dolores Aguirre
Principales ganaderias de l’encaste en France.
  • El Palmeral
  • Malabat
A lire sur le sujet

Domingo Delgado de la Camara vient de sortir un ouvrage intitulé « Atanasio Fernandez , creador de un encaste ». Il est édité par Graficas Lope à Salamanque

Sources : www.terresdetoros.fr, Corps des Présidents et Alguaciles de corridas, Terres Taurines, Chaine You Tube « Les Encastes »

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