Encastes

Les toros d’encaste Conde de la Corte

Aujourd’hui, la quasi majorité des toros élevés et lidiés dans nos arènes, a du sang Conde de la Corte. Un seul élevage peut se revendiquer d’être de « sang pur ». C’est celui du Conde de la Corte. Encaste et ganaderia, les deux histoires, comme pour Saltillo, se confondent.

Conde de la Corte: l’histoire d’une ganaderia-encaste « fondatrice »
De Vistahermosa à Parladé

L’histoire de l’encaste Conde de la Corte a commencé en 1774, lorsqu’est née la ganaderia du Comte de Vistahermosa. L’élevage restera dans la famille du Comte jusqu’en 1823 avant d’être vendu à Juan Dominguez « le Barbier d’Utrera ». Son gendre, Juan Aries Saavedra,  héritera du bétail. A sa mort, la ganaderia est divisée, et une des parts revient à Doña Dolores Monge Roldán, veuve de Murube. Son fils vendra une partie du bétail à Eduardo Ibarra. L’homme d’affaire basque, par la sélection, créé un toro avec du tamaño et du caractère en piste. Il en vend une partie au Marquis de Villamarta. En 1904, Ibarra se débarrasse de son élevage Une partie est achetée par le Conde de Santa Coloma et sera avec des apports Saltillo, à l’origine de l’encaste éponyme. L’autre partie est acquise par un aristocrate sévillan, Don Fernando Parladé Heredia.

De Parladé à Tamaron

La nouvelle ganaderia fonctionne très bien. Même s’il est difficile d’en attribuer la paternité au travail de Ibarra ou à celui de Parladé, le fer remporte de nombreux succès. Parladé, même si ce nom a traversé l’histoire du Campo, ne sera qu’un ganadero éphémère. Il vend en 1911 son élevage à la famille Mora-Figuera, celle de la Marquise de Tamaron.

Naissance de la ganaderia-encaste du Conde de la Corte

Un éleveur de bétail Antonio Mendoza y Montero déborde d’aficion. Il est aficionado practico et a de nombreux amis parmi les matadors de l’époque dont Martial Lalanda. A la mort de son père, il réalise son rêve de devenir ganadero. En 1919, il achète tous les toros et vaches de Ramon Mora Figueroa, propriétaire du fer de la Marquise de Tamaron. Il déplace les 500 têtes de bétail vers les terres qu’il possède à Zafra. Il modifie le fer et la devise de l’élevage. Ainsi est née la ganaderia du Conde de la Corte qui sort pour la première fois en 1921 à Badajoz pour une corrida avec El Gallo, José Roger Valencia et José Zaro. Les débuts sont chaotiques avec un toro condamné aux banderilles noires. Cela se passera mieux lors des corridas suivantes à Bilbao, La Linea de la Conception et Casablanca (Maroc) .

En fin de temporada à l’heure des bilans, les critiques taurins sont plutôt positifs quand il s’agit d’évaluer le travail du successeur de Parladé et Tamaron.

Les premières années

Rapidement l’élevage s’impose comme une référence. Dès 1922, les succès succèdent aux succès. Les toros du Conde de la Corte allient bravoure et noblesse. Dès cette période, plusieurs ganaderos rafraichiront le sang de leurs élévages en achetant vaches et sementales au ganadero. Dans les années trente, Juan Pedro Domecq en fait l’acquisition pour substituer au sang Veragua de sa ganaderia celui de Parladé-Tamaron. Dans la même période, Atanasio Fernandez éliminera ses Carriquirri et les remplacera par des Conde de la Corte. Ainsi ont été constitués deux encastes majeurs de l’histoire de la tauromachie, Domecq et Atanasio Fernandez.

La présentation du fer à Madrid a lieu le jeudi 17 mai 1928 avec au cartel Manuel Jimenez Chicuelo, Marcial Lalanda et Martin Aguero. Gros triomphe, les Conde de la Corte confortent leur image de toros sérieux, braves et nobles. Plusieurs toros sont applaudis à l’arrastre. Le matador de Bilbao sort à hombros. L’élevage devient une référence.

Les années républicaines

Le début de la République Espagnole n’affecte pas trop la ganaderia. Toutefois en 1932, c’est l’expropriation. L’élevage se réfugie avec celui d’ Atanasio Fernandez au Portugal. Les toros sont alors marqués du fer de l’UGT( la CGT ibérique) .

Les grandes années

Après la guerre, les Conde de la Corte sont à nouveau et toujours en haut de l’affiche. Les matadors triomphent grâce à eux. Manolete sort à hombros après avoir coupé quatre oreilles, deux queues et deux pattes à Alicante. Dans les années cinquante, à Madrid, cinq toros sur six sont extraordinaires. De nombreux élevages se créent avec du sang Conde de la Corte (Valverde, Dolores Aguirre). Début des sixties, les triomphes continuent de s’enchaîner.

En 1964, Don Agustin de Mendoza meurt . Son héritier est son fils adoptif (et petit neveu) , Luis Lopez Ovando. Il gère les deux fers de la Maison Herederos del Conde de la Corte et Doña Maria Olea Villanueva. Le prestige de l’élevage ne se ressent pas du changement de direction. En 1968, à Madrid, deux toros font la vuelta. Le fer triomphe à Pampelune, arène dont il devient un des élevages fétiches. En  1990, l’encierro des Conde de la Corte rentre dans l’histoire avec plus de quarante blessés.

Le déclin

A partir des années soixante dix, le fer n’est plus à la mode. Il ne correspond plus aux exigences d’une partie du mundillo. A cette perte de « popularité » s’ajoutent une irrégularité de plus en plus forte dans le comportement et une faiblesse de plus en plus présente. Les sorties des Condeseños se font de plus en plus rares et se limitent aux corridas toristas. Quelques toros ou novillos intéressants maintiennent l’espoir.

Les prémices du renouveau

En 2017, Guillermo qui dirigeait la ganaderia se retire. Ses neveux et nièces reprennent le flambeau. Pendant cinq ans, aucun toro n’est lidié en public. La quatirème génération a décidé de redonner son lustre à la ganaderia et de la faire évoluer. Comme l’explique l’un d’entre eux, Guillermo Lopez Martinez , représentant de l’élevage, dans l’excellente vidéo de Toristas de Francia ( à voir sur You Tube en cliquant ici ) « il est nécessaire de perpétuer cet élevage ». La sélection leur a permis d’avoir 3 à 4 courses pour 2023 ce qui, pour eux , est nécessaire pour garantir une certaine régularité. Les ganaderos ont pour objectif d’améliorer le comportement de leurs toros au troisième tiers, tout en conservant leurs qualités au premier. Ils privilégieront les arènes qui donnent de l’importance à la lidia (dans les trois tiers). Espérons que cette nouvelle génération réussisse ce qu’elle a décidé d’entreprendre.

Synthèse

Les héritiers du Conde la Corte s’attèlent à un travail difficile. Ils doivent perpétuer plus qu’une ganaderia. Ils sont les seuls dépositaires d’un sang « pur », un des encastes fondateurs de la Cabaña Brava. Sur leurs terres, avec leurs 120 vaches et 7 sementales, la responsabilité de préserver le patrimoine génétique de base de 90% des toros lidiés aujourd’hui, pèse sur leurs épaules. Comme pour Salitllo, le dépositaire du patrimoine Santa Coloma et Albarrasada, la disparition de cet élevage serait une perte énorme. Il deviendra plus compliqué de rafraîchir certaines ganaderias comme l’a fait Jean-Luc Couturier pour ses Valverde.

Caractéristiques morphologiques principales
  • tronc long et volumineux, animaux lourds
  • hauteur moyenne
  • cornes développées, très fines de la pointe à la base, blanches, pointes noires Tête allongée et large.
  • robes essentiellement noires, quelques coloradas et castañas
Images ©️Conde de la Corte
Images ©️Conde de la Corte

Comportement en piste
Premier tiers
  • Ils sortent abantos, courent beaucoup avant de se fixer dans les capotes.
  • Spectaculaires , ils poussent en mettant les reins au cheval.
  • Ils doivent être vraiment piqués pour se « décongestionner » et donner tout leur potentiel au troisième tiers.
  • Morillo peu développé , cou long, extrémités fines.
Images ©️Conde de la Corte
Second tiers
  • Ils ne posent pas de problèmes aux banderilles.
  • Ils répondent avec une charge franche aux sollicitations des banderilleros.
Troisième tiers
  • Ils ne permettent pas de faenas trop longues par manque de résistance.
  • Ils ont une bonne fixité dans le leurre.
  • Ils faut les citer de loin sans étouffer leur charge.
  • Ils humilient et répètent dans la muleta.
Faits et toros marquants de l’histoire de l’encaste
  • Madrileño, negro zaíno, lidié le 30 avril 1924 à Séville par Marcial Lalanda. Il a pris cinq piques et a permis au torero de réaliser une de ses plus belles faenas.
  • Contador, numéro 30, colorado, ojo de perdiz, lidié le 26 août 1928 à Bilbao par Fausto Barajas. 
  • Nueve cosechas, numéro 80, negro meano, de 530 kg, lidié le 07 juillet 1964 dans la Plaza de toros de Pamplona par Pedro Martínez « Pedrés », récompensé par le trophée Carriquirri.
  • Arábica, numéro 60, negro mulato, 472 kg, lidié le 20 juin 1965 à Las Ventas par Victoriano Valencia, vuela al ruedo
  • Guineo, numéro 11, negro listón, lidié le 8 juillet 1965 dans la Plaza de toros de Pamplona par Paco Camino, récompensé par le trophée Carriquirri.
  • Cara de perro, castaño, 510 kg, lidié dans laquinto lugar le 17 mai 1968 à Las Ventas par Rafale Jiménez « Chiculeo »; vuelta al ruedo.
  • Ocho picos, numéro 136, negro bragado, lidié le 17 mai 1968 dans Las Ventas par Miguel Márquez; toro le plus brave de la feria de San Isidro.
  • Vareto, numéro. 4, lidié le 13 juillet 1971 dans la Plaza de toros de Pamplona par Diego Puerta, récompensé par le trophée Carriquirri.
  • Hablador, numéro 109, negro, de 510 kilos, lidié dans la Plaza de toros de Pamplona le 7 juillet 1991 par Sergio Sánchez, récompensé par le trophée Carriquirri.
Principales ganaderias de l’encaste en Espagne
  • Herrederos del Conde de la Corte
Principales ganaderias de l’encaste en France
  • Sans être 100% purs Conde de la Corte, Valverde peut-être rattaché à cet encaste (avec des apports Salvador Domecq) .
  • Il est également présent avec des apports Atanasio chez El Palmeral et Malabat.

Sources : www.terresdetoros.fr, Corps des Présidents et Alguaciles de corridas, Chaine You Tube « Les Encastes »

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