Toreros itw

Daniel Luque : J’ai réussi des choses… Mais il m’en reste encore beaucoup! 

Daniel Luque le maestro de Gerena qui a récemment ouvert la porte du prince à Séville nourrit une relation particulière avec la France et notamment le sud-ouest qui en fait un de ses toreros préférés . Tertulias l’a rencontré pour mieux le connaître.

Tertulias: « Daniel pourquoi la tauromachie ? »

D.Luque:« Je crois qu’on ne m’a jamais posé cette question… C’est avant tout par le biais de mon père. Avec mon père qui était valet d’épée, à la maison, tout ce que je voyais à cette époque c’étaient des capes et des muletas… Je crois que c’était inévitable ! »

Tertulias: « Au point d’être torero toi-même ? »

D.Luque:« Au final, c’est une vocation. Tu l’as dès la naissance. Tout me plaisait. Ce n’était pas que le taureau. Cela t’attire et ça ne se contrôle pas. »

Tertulias: «Tu es parti très jeune en Amérique*, tu as eu une enfance très différente des autres, as-tu renoncé à beaucoup de choses?»

D.Luque:« Oui, bien sûr. Surtout en étant aussi jeune, tu laisses la famille, les amis… mais j’ai eu la chance que mon père m’accompagne. Mais ce n’est pas facile. Ce sont des années de lutte, et à force tu en souffres. Au fur et à mesure, tu grandis et tu gagnes en maturité, en tant qu’homme et torero aussi, et tu acceptes car tu le ressens d’une manière différente. »

Tertulias: «Ça a marqué ta vie d’adulte, dans ta façon d’être ?»

D.Luque:« Oui… enfin je ne sais pas vraiment ! Il y a des choses qui te portent préjudice mais je n’en garde pas un mauvais souvenir. Finalement, j’ai appris de mes erreurs, c’est tout.

Tertulias:«Tu es toujours très entouré de ta famille, comment définis-tu ta relation avec tes proches ?»

D.Luque:« J’ai toujours été très proche des miens. J’en ai besoin. C’est une nécessité chaque jour. J’aime qu’ils soient avec moi. »

Tertulias:« Est-ce que tu fais une différence entre Dani, la personne, et Daniel Luque, le torero ?»

D.Luque:« Oui, et je fais en sorte de l’entretenir. Quand je rentre chez moi, avec mes amis et mon entourage, j’essaye de faire en sorte qu’ils me traitent normalement, pas avec le respect des codes de l’éducation taurine qui sont très stricts. Je n’ai pas envie que l’on me vouvoie ou que l’on m’appelle Maestro… J’aime que l’on m’appelle par mon nom, comme chacun me connait. »

Tertulias:«Tu maintiens cette distance dans ta vie professionnelle ?»

D.Luque:« Bien sûr. Quand tu te prépares, tu te prépares à aller jouer ta vie. Ce n’est pas rien ! Chacun le vit à sa façon mais je crois que c’est un métier difficile et je le prends toujours avec le plus grand sérieux.»

Tertulias:«Comment définis-tu ton toreo ?»

D.Luque:« C’est une question à laquelle je ne peux pas répondre, parce que je ne peux pas en décider. C’est au public et à l’aficionado de définir si mon toreo est dans un style ou dans un autre. Moi, j’essaye de donner ce que je ressens. Davantage que ce que l’on peut rechercher, ce sont les sentiments que l’on a qui importent. Tu peux rechercher beaucoup de choses ou vouloir atteindre beaucoup, ça n’arrive pas quand  tu le décides mais quand c’est le moment, quand c’est ton tour. Ce n’est pas si simple. »

Tertulias:«Comment définirais-tu ton caractère en quelques mots ?»

D.Luque:« Je suis une personne avec un très fort caractère mais après, je pense avoir un très bon fond. C’est du moins ce que disent mes amis. Ce qui me préoccupe c’est si un ami ne pense pas cela. Mais que celui qui ne me connait pas dise des choses, ça je ne peux pas le contrôler. »

Tertulias:«Cela t’a porté préjudice dans ta carrière ?»

D.Luque:« Oui. Tous les toreros qui ont cette « caste », qui ont ce tempérament sont toujours un peu maltraités. Mais quand on me connait, on ne dit plus la même chose. » 

Tertulias:«Ta personnalité influe sur ta carrière ?»

D.Luque:« Si je n’étais pas comme je suis, je ne serais pas le même dans l’arène non plus.

Tertulias:«Aujourd’hui, on te sent plus calme, plus apaisé. Il semble que tu as trouvé une certaine stabilité, y compris avec ton apoderado. Le ressens-tu dans ta façon de toréer ?»

D.Luque:« Oui. J’ai déjà beaucoup d’années d’expérience. Quand tu as traversé autant…Quand on se sent bien personnellement, on est bien dans l’arène aussi. C’est fondamental. C’est pour ça que trouver cette stabilité personnelle est difficile. »

Tertulias:«La France a une grande importance dans ta carrière. Pourquoi ?»

D.Luque:« Pour sûr ! Et le Sud-Ouest en particulier ! Durant toutes les années pendant lesquelles je vais continuer à toréer, je ne pourrai jamais rendre tout ce que la France m’a donné dans ces moments où j’en avais besoin. Je crois que je vous ai aussi donné ce que vous vouliez voir de moi et cela a été une bonne entente mutuelle. Quand je viens, que je suis annoncé, je me sens comme à la maison ici. Je me sens apprécié et c’est un véritable privilège de pouvoir compter sur une aficion qui, quand je suis annoncé dans un cartel, remplit l’arène. C’est le plus important. »

Tertulias:«Ta temporada sera marquée par ton seul contre 6 à Dax. Pourquoi ce geste ?»

D.Luque:« C’est une forme de remerciement à tout ce que, pendant toutes ces années, cette aficion m’a donné. Je ne sais pas le faire autrement qu’avec mon épée et ma muleta, en tuant 6 taureaux de La Quinta. C’est un geste et c’est risqué. Tout est possible et ça je ne peux pas le contrôler mais je crois que le public va être dans de bonnes dispositions et moi aussi. Avec un peu de chance de notre côté, je crois que cela peut être un spectacle important. »

Tertulias:«La peur sera-t-elle présente ce jour-là ? Davantage qu’un autre jour ?»

D.Luque:« Pffff beaucoup ! Quand tu as peur de tuer deux taureaux, imagine toi six…

Tertulias:«Tu as peur quand tu torées ?»

D.Luque:« Très ! De la responsabilité, de ce qui peut se passer, de tout ! Du taureau aussi. Mais nous nous préparons à ça. Quand tu entres dans l’arène, tu t’oublies un peu plus. Mais quand tu es à l’affiche quelque part, tu as une responsabilité. »

Tertulias: « Comment te prépares-tu ?»

D.Luque:« Ne va pas croire que je me prépare juste pour cette course. Le plus important est de me mentaliser sur le fait que je dois sortir en étant prêt psychologiquement et que, physiquement, les premiers taureaux ne m’affectent pas afin de tenir jusqu’au dernier. Tuer une course de cette ganaderia ce n’est pas comme en tuer une de n’importe quelle autre. J’espère que ce jour-là tout sortira bien. »

Tertulias:«Y a t’il une forme d’addiction à l’adrénaline?»

D.Luque:« C’est ce que tout le monde pense et dit. Je ne sais pas… Je pense qu’il y a cette adrénaline quand on se met devant un taureau. J’aime mon métier, j’aime toréer, mais je ne saurai pas dire ce qui m’attire ou s’il y a une sorte de venin. La compétition, le fait de vouloir être meilleur, de toujours aller plus loin, ça, ça joue beaucoup. »

Tertulias:«Tu ressens une compétition avec les autres toreros ?»

D.Luque:« Avant tout avec moi-même. Si tu es en compétition avec toi-même et que tu es capable de te surpasser, alors tu pourras aussi battre les autres. Mais c’est d’abord avec soi-même. » 

Tertulias:«As-tu atteint tes rêves ?»

D.Luque:« J’ai réussi des choses… Mais il m’en reste encore beaucoup. »

Tertulias:« Dernière question, comment imagines-tu ton futur ?»

D.Luque:« J’ai envie de le voir bien. Ce que j’aimerais, c’est ne pas rester trop longtemps. Essayer d’atteindre, en quelques années, ce dont je rêve. Il se peut que ces rêves ne se concrétisent jamais mais m’en approcher le plus possible est le but ! Le jour où tu décides de te retirer, il faut que tu sois en accord avec toi-même. Je serai plus ou moins heureux mais ce que je désire, personne ne le saura. J’arriverais plus ou moins loin, mais j’aimerais rester peu de temps mais donner le maximum ces prochaines années.»

Tertulias:«Donc envisages-tu déjà de t’arrêter ? Nous ne te verrons pas à 50 ans dans une arène ?»

D.Luque:« Non, non, non, non, non ! Je ne pense pas en être capable. »

Tertulias:«Pour finir quelques questions éclairs !»
  • Betis ou FC Sevilla ? «Sevilla !»
  • Flamenco ou Rock’n’roll ? «Flamenco, toujours !»
  • Cape ou muleta ? «Je dirais … cape.»
  • Droitière ou naturelle ? «Je dirais naturelle.»
  • Domecq ou Santa Coloma ? «Hé bien, je sais que c’est une ganaderia vers laquelle j’allais peu avant, mais je dois avouer que je suis devenu un amoureux du Santa Coloma.»
  • Porte du Prince ou Grande Porte de Madrid ? «Je ne peux que te répondre : les deux !»
  • Taureaux ou chevaux ? «Ouf ! Les taureaux sont mon métier, les chevaux mon hobby. J’ai besoin de conjuguer les deux.»

*à 12 ans Daniel Luque est parti étudier au Mexique seul et loin de sa famille, expérience qu’il a vécu difficilement

Tertulias remercie le maestro Luque pour le temps qu’il a bien voulu nous consacrer . Suerte pour la suite de la temporada. Rendez-vous est pris pour son futur contrat dans l’hexagone à Mont de Marsan.

Propos recueillis par Fanny.

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