Arles : Daniel Luque et Marco Pérez soufflent les bougies du vingtième anniversaire de la Goyesque.

Luc Jalabert était un visionnaire. En 2005, alors qu’il dirige avec son frère Marc les arènes d’Arles, il réfléchit à un événement qui braquerait les projecteurs sur la feria de septembre. La féria des Prémices du Riz arrive à la rentrée, après le rush estival du mois d’août et a besoin de sensations pour remobiliser les aficionados. Luc Jalabert fait le pari de proposer, de façon pérenne, le samedi du week-end de la féria du Riz, une corrida goyesque au cartel de luxe. Il confie le décor de l’amphithéâtre romain aux plus grands noms de l’art contemporain. Le pari est risqué mais va s’avérer gagnant. La corrida goyesque de septembre s’impose comme un des événements majeurs de la temporada française. « La Goyesque » d’Arles est née.

Ce samedi 13 septembre 2025, ses enfants Lola et Jean Baptiste qui ont repris le flambeau à la tête des arènes, ont décidé de rendre hommage à Luc Jalabert, disparu en 2018, en fêtant les vingt ans de la Goyesque arlésienne. Le décor floral de tournesols, seuls rayons de soleil du jour, est signé de Aurélien Guintoli. La scénographie faisant intervenir un jeune pianiste et un toro funambule est l’œuvre de Fabien Seignobos. La pluie tombée toute la journée a failli gâcher la fête mais par miracle, un ciel plus clément est revenu au moment du paseo, retardé de 30 minutes pour remise en état du ruedo. Luc Jalabert est honoré puis s’ensuit la traditionnelle Marseillaise inaugurale.

Résumé

Les toros

Pour l’événement, le choix du bétail s’est porté sur les « Cuvillo » de Álvaro Nuñez Benjumea. Álvaro Nuñez, fils de Joaquin, élève aujourd’hui, de façon indépendante, des toros de même origine que celle de l’élevage paternel. L’élevage d’Álvaro Nuñez a été remarqué à Pampelune où il faisait cette année sa présentation. Il a été à l’origine d’un encierro particulièrement dangereux et a permis à Morante de la Puebla d’ouvrir sa première grande porte du cossio navarrais. Le lot du jour est homogène de 500 kg à 535 kg plutôt civilisé d’armures. L’ensemble est sans difficulté notable mais manque de race, à l’exception du 2, un manso con casta, et du bravito 5^éme qui laisse, hélas, toutes ses forces au cheval.

Les toreros            

L’homme le plus en vue du jour aura été Daniel Luque. Bien servi par le sorteo, il hérite en premier d’un manso compliqué dont il parviendra à extraire le fond de caste, et en second adversaire, il se voit proposer le seul bravito du lot qui s’épuise en deux piques prolongées, laissant peu d’option pour le troisième tiers. Marco Pérez, très attendu, effectue aujourd’hui sa présentation de matador de toro dans le fief de son mentor. Il n’a pas eu de chance en tirant les deux plus mauvais de l’envoi. Il a cependant montré une entrega constante, lui permettant de couper un appendice de chacun de ses adversaires. Son premier opposant est faible et tardo et le second dangereux, plus intéressé par l’homme que par la muleta. Contraste saisissant avec un Alejandro Talavante qui est apparu peu motivé et qui sera passé sans peine ni gloire.

La goyesque vue par l’objectif de Daniel Chicot

Alejandro Talavante

61° toro – N° 131 – 530 Kg

Le Nuñez bien présenté est armé sans exagération. Après un capoteo classique soulevant les premiers olé de la tarde, un banderillero conduit le bicho au cheval approximativement, sous l’œil détaché du maestro. Il reçoit deux piques sans histoire, la deuxième pour le principe. Beau quite de Luque par chicuelinas rematé par une larga somptueuse. Talavante débute sa faena par statuaires avec cambios dans le dos. Le toro possède une bonne embestida sur les deux pitons mais le toreo de l’Extremaño reste marginal et donc sans émotion. Bernardinas pour terminer une faena qui n’aura jamais décollé. Entière basse au premier assaut libérant une oreille généreuse. Applaudissements à la dépouille.

4°toro – N°28 – 510 kg

Face au négro liston sorti en 4, Talavante paraît motivé, proposant une entame par deux largas afaroladas suivies de chicuelinas ajustées. Le bicho prend une première pique dont il sort seul et provoque une chute de la monture lors de la deuxième rencontre par simple déséquilibre. Le président interrompt le tercio de banderilles avant son terme règlementaire, ce qui sera, hélas, une constante de la tarde. Rappelons que le règlement exige la pose d’au moins quatre banderilles et d’un minimum de trois passages. Le début de la faena donné à genoux laisse présager d’une suite alléchante. Las, le toreo proposé par le natif de Badajoz est profilé, en retrait, distille l’ennui et ne suscite, à juste titre, aucune réaction du public. La faena traîne en longueur. Deux pinchazos et une entière en place après deux avis. Silence. Palmitas au toro.

Daniel Luque–

2° toro – N°49 – 520 kg

Le premier opposant de Daniel Luque sort du toril au ralenti. Il freine dans le capote de l’Andalou avant de fuser directement sur le cheval pour prendre un picotazo dont il sort seul rapidement. Il revient de lui-même pour une deuxième ration en sautant au cou du cheval et reviendra une fois de plus tout seul pour une troisième pique. La manso se désintéresse des capotes et le tercio de banderilles est risqué. Raul Caricol Gonzalez a failli en faire les frais. Mais est-ce une raison pour à nouveau interrompre le tercio ?

Luque entame par des muletazos par le bas, donnés de façon autoritaire en progressant vers le centre. Le bicho, jusqu’alors distrait, devient soumis à la muleta souveraine du Generense et peut laisser exprimer une bonne embestida. La faena ambidextre, faite de passes à mi-hauteur, va a mas et connecte avec le public. Les séries s’enchaînent et un superbe changement de main soulève le public conquis. La conclusion par une entière tendida légèrement tombée délivre deux oreilles. Applaudissements nourris à l’arrastre du manso con casta.

5°toro – N°20 – 500 kg+

Le bicho sorti en 5^éme position est le plus léger du lot. Il est cornigordo. Il sera le plus brave en deux piques poussées, initiées par deux belles arrancadas. Les deux rencontres vont durer trop longtemps, l’animal restant fixé au peto pendant de longues minutes. Le conclave applaudit le picador à sa sortie. La faena offerte à Jean-Baptiste Jalabert débute de façon élégante, genou ployé. Hélas, le toro a laissé toute ses forces lors du premier tiers et ne répond plus aux sollicitations de la muleta de Luque. La réduction des distances ne changera rien. 2/3 de lame basse après pinchazo. Salut et palmas y pitos au Nuñez.

Marco Perez

3° toro – N°47 – 510 kg

Le jeune Salmantin jouit ici d’un capital sympathie certain. Son premier opposant est bien roulé et bien armé mais faible. Le maestro réduit le tercio de varas au minimum syndical. À nouveau, le président écourte le tercio de banderilles. Pérez débute par des statuaires serrées avec changement dans le dos. Dès les premières séries de la droite, le toro raccourcit sa charge par manque de force et oblige le torero à rompre. Le toro est tardo et les passes sur les deux pitons sont servies sans ligazon. Le jeune diestro insiste face à un toro dépourvu de classe. La faena s’éternise avec un toreo de porfia qui, cependant, porte sur les gradins. Luquesinas finales avant pinchazo et entière trasera. Une oreille récompensant l’abnégation. Silence au toro.

6°toro – N°14 – 525kg

Le public espère beaucoup du dernier toro et le fait savoir par des palmas d’encouragement avant son entrée en piste. Le tiers de pique est anodin. Quite de Talavante sans intérêt auquel Pérez répond par des tafarellas qui portent sur le public. Brindis à la Reine d’Arles. À nouveau, Pérez hérite d’un adversaire à la charge peu claire qui l’avertit à plusieurs reprises. Le maestro va cependant s’arrimer face à un toro qui le regarde constamment. Dans ce contexte, la musique et le chant lyrique paraissent incongrus. Le toro se retourne vite et oblige le piéton à se replacer entre chaque passe, le danger plane. Pérez fait preuve de courage. Il termine par un estoconazo après pinchazo, valant à lui seul l’oreille coupée. Silence à l’arrastre.

Conclusion

À l’issue de cette tarde très attendue qui s’achève dans la pénombre faute de puissance des  projecteurs de la plaza, la sortie en triomphe de Daniel Luque et de Marco Pérez ne dissipera pas totalement un sentiment d’inachevé. La faute sans doute aux toros manquant de race et de classe, mais également à une météo grise et pluvieuse là où on attendait chaleur et soleil.

Olivier Castelnau

Fiche Technique

• Arles. Féria des Prémices du Riz.Corrida goyesque. 1^ère de féria. 6 toros de Álvaro Nuñez pour :
  • Alejandro Talavante (Doré et azabache) :  Oreille – Silence (2 avis)
  • Daniel Luque (Neige et azabache) :  2 Oreilles – Salut
  • Marco Pérez  (Saumon et azabache) :  Oreille – Oreille
• 13 piques, Cavalerie Bonijol
• Président : Monsieur Jacky Boyer
• Sortie à hombros de Daniel Luque et Marco Pérez.
• Entrée 4/5 éme
• Pluie soutenue s’interrompant au moment du paseo. Température automnale.