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Encaste Domecq

Avant d’être un encaste, Domecq est le nom d’une famille française immigrée en Espagne et qui a fait fortune dans les vins et spiritueux. L’élevage des toros ne sera jamais une danseuse pour les membres des diverses branches de la famille Domecq. Avec le sérieux et les méthodes qu’ils mettent en oeuvre dans la production et la commercialisation des alcools, ils vont créer un véritable empire dans le monde des toros.

Encaste Domecq, d’une ganaderia à l’encaste majoritaire
Des chevaux aux toros

Juan Pedro Domecq y Nuñez de Villavicencio alors éleveur de chevaux pure race, a pris goût à l’élevage du toro bravo aux côtés de ses frères Pedro et José en particulier en s’occupant de la ganaderia de ce dernier malade. Comme il l’avait fait pour les chevaux, Juan Pedro recherchera la perfection et la race pure. De plus, il ne pouvait pas associer le nom de sa marque d’alcools à quelque chose de médiocre ou de peu de prestige. C’est pourquoi il a acheté le fer et l’ex-ganaderia de Veragua en 1930. Il se porte acquéreur de l’ensemble des vaches et toros. Le bétail est transféré sur la propriété andalouse de Jandilla.  

Le premier toro lidié sous le nom de Domecq à Madrid est un pur Veragua. Les produits de cet encaste brillent par leur comportement au premier tiers mais s’éteignent au troisième. L’introduction du peto, l’intérêt du public de plus en plus fort pour le troisième tercio font que les toros d’origine Vasquez sont passés de mode. Le nouveau ganadero a compris que le « toro d’avenir » devra briller à la muleta. Très rapidement, sous les conseils de Ramon Mora Figueora, Juan Pedro achète quatre becerros (Lloron, Caribello, Chucero et Bodeguero) du Conde de la Corte. Ils rejoignent les Veragua à Jandilla. Ils y seront rejoints par deux camadas d’eralas nées en 1930 et 1931. 

Sont alors menées trois lignées, une pure Conde de la Corte, une pure Veragua et une mélangeant les deux encastes. Le ganadero, aidé par ses quatre fils, a abandonné les chevaux pour s’investir à fond dans l’élevage de toros bravos.

L’élimination des Veragua

Les quatre héritiers seront tous ganaderos. Alvaro, après une carrière de rejoneador, créera la ganaderia Torrestrella. Mais c’est Juan Pedro Domecq Diez qui prendra le relais de son père quand celui-ci décède en 1937.  C’est un œnologue déjà très impliqué dans la conduite de l’entreprise de vins et spiritueux familiale. Il va appliquer à l’élevage du toro brave les techniques et méthodes qu’il met en œuvre dans son activité professionnelle. Par sélection et assemblages successifs, il élabore son modèle de toro qui correspond, selon lui, aux attentes des publics, et toreros, de son époque.

Dès 1939, il privilégie la branche Tamaron en achetant à son beau frère José Ramon Figueroa la majorité de son élevage de pure souche Parladé par Gabriel Pedrajas et Conde de la Corte. Il y adjoint deux sementales du Conde de la Corte âgés de 8 et 7 ans et deux camadas d’eralas du même fer. Il vend les purs Veragua et les croisés à l’exception de quelques vaches de chaque souche.

Torrestrella
La création de l’encaste Domecq

En bon spécialiste du marketing, il commence par définir le produit qu’il souhaite « fabriquer ». Il veut obtenir un toro qui sera brave de son entrée en piste jusqu’à la suerte suprême. Après avoir identifié les caractéristiques sur lesquelles il devra s’appuyer et conserver pour atteindre l’objectif qu’il s’est fixé, il identifie aussi celles, dont le genio, qu’il faut éradiquer pour y parvenir.

Il va chercher à ce que son toro dure; et garde son allant au-delà du premier tiers. Juan Pedro va développer une embestida dynamique et une capacité des toros à humilier pour développer leur toréabilité. Il élimine dans un premier temps les vaches qui en tienta doutent, se freinent, sont distraites, manquent de fixité, manquent de rythme et partent en querencia. Très rapidement, il cherchera à gommer tout signe d’âpreté et de brusquerie.

Fin connaisseur des toros, il sait qu’il ne faut pas aller trop loin dans cette recherche d’un toro soumis. Pour éviter que la mansedumbre ne réapparaisse, il accepte d’avoir parfois des toros avec du genio plutôt que décastés.

Il va ainsi réussir à créer un toro brave et noble comme un Conde de la Corte, avec la charge des Tamaron et la transmission des Pedrajas.

Les premières années

Rapidement la nouvelle ganaderia connait des succès retentissants. Si au début on pouvait les imputer à l’impact des quatre premiers sementales achetés au Conde de la Corte et fils du l’excellent reproducteur Alpargartero, ils ont continué au fur et à mesure que sortaient les produits des assemblages de Juan Pedro Domecq Diez.

Adapté aux exigences des toreros et du public, le toro d’encaste Domecq était né.  La ganaderia va de triomphe en triomphe dans les années cinquante et soixante. Le comportement du Domecq permet aux toreros de se rapprocher du toro et de se l’enrouler autour de la ceinture.

Le début des années soixante dix est plus compliqué pour la ganaderia. Les toros sortaient avec des signes de faiblesse dus à la mode du toro « lourd » imposée par Madrid et des problèmes de consanguinité suite à des choix malheureux du ganadero. 

Celui-ci prit le problème à bras le corps en changeant les sementales et en mettant les nouveaux reproducteurs sur les vaches les plus anciennes. Le résultat fut immédiat et les camadas qui en découlèrent ont été excellentes.

Le ganadero décide de réduire le nombre de têtes. En bon gestionnaire, il veut que la ganaderia reste gérable et « à taille humaine ». ll vend une centaine de vaches à Osborne, une autre centaine à Luis Algarra et ne garde sur les terres de Jandilla que trois cents mères représentant un capital génétique et une variété de familles inestimables.

Les premières ganaderias issues de l’encaste Domecq

Pendant cette période Salvador Domecq et Alvaro Domecq ont créé leurs propres ganaderias. Le premier reste sur du pur Domecq et s’oriente vers un toro plus apre que ceux de son frère. Le second réalisera le premier croisement DomecqXNuñez et annoncera ses produits sous le nom de Torrestrella.

Le succès des Juan Pedro est tel que nombre de nouveaux ganaderos se fournissent en eralas et sementales à Jandilla. Ces nouveaux éleveurs n’ont rien des nobles, paysans ou même ecclésiastiques qui ont développé la Cabaña Brava depuis le 17ème Siècle. Il s’agit d’investisseurs ou de doux rêveurs qui s’offrent une danseuse. Nombre de ces élevages iront rapidement à menos car avoir de l’argent ne donne pas le pouvoir de sélectionner avec efficience des toros bravos. Malgré tout certains sont parvenus à se faire un nom tels Marques de Domecq, Nuñez del Cuvillo, Aldeanueva (puis Pedres, El Pilar et Pedraza de Yeltès) , Osborne, Torrealta et Santiago Domecq.

Pedres
Les Juan Pedro et les Jandilla

Juan Pedro Domecq Diez meurt en 1975. Ses fils et sa veuve vont s’appuyer pour la gestion de l’élevage sur le fils ainé de la fratrie Juan Pedro Domecq Solis. Rapidement ce dernier souhaite voler de ses propres ailes. Il décide de se séparer de ses frères. Fin connaisseur de l’élevage et de la génétique, il va sélectionner un lot de vaches et sementales dont il sait qu’ils sont significativement représentatifs du patrimoine génétique des 84 familles crées par son père.  La partition de la ganaderia prendra 3 ans de 1975 à 1978. Juan Pedro en profitera pour former son frère Fernando.

A partir de 1978, les deux élevages sont séparés. Juan Pedro Domecq Solis installe la ganaderia qui portera son nom avec le fer de Veragua à Lo Alvaro. Il garde un droit d’utilisation des sementales restés à Jandilla et se rapproche de son oncle Salvador Domecq pour conforter le patrimoine génétique de ses 98 vaches. Il récupère ainsi 30 vaches marqués du fer de Veragua et 25 eralas et un becerro « de bonne famille ». Salvador Domecq est la rame dure de la famille, Le jeune ganadero sait exactement quel toro il veut produire et surtout celui qu’il ne veut pas produire. Donc Juan Pedro récupère volontairement des reses qui « déplaisent » à son oncle.

Fernando et Borja Domecq deviendront les responsables de la nouvelle ganaderia qui portera le nom des terres où paissent depuis toujours les Domecq à savoir Jandilla. La devise et le fer seront ceux rachetés à Enriqueta et Serafina Moreno de la Cova.

Deux ganaderias, un mème succès

Les années 80 verront les deux fers être recherchés par les figuras qui triomphent face aux toros de la famille Domecq. Le toro artiste est né avec ses fans et ses détracteurs.

Jandilla

En 1987, Fernando et Borja se séparent. Le premier créé avec sa part de l’élevage familial la ganaderia Zalduendo qui connaîtra un certain succès. En 2014, Fernando vend sa ganaderia à l’homme d’affaires mexicain Alberto Baillares. Ce sera le début du déclin pour les toros marqués du Z.

Borja de son côté gère le fer familial de Jandilla en se voulant fidèle au type de toro créé par Juan Pedro Domecq Solis son père.  En 2002, nouvelle scission, les autres frères et sœurs de Borja créent la ganaderia Hermanos de Juan Pedro Domecq qui continuera à utiliser la finca de Jandilla. Borja déplacera ses toros sur les terres de Los Quintos et Don Tello en Extremadura. En 2016, Francisco Borja cède les rênes de la ganaderia à son fils Borja Domecq Noguera.

Jandilla
Domecq Solis

Comme ses frères Juan Pedro Domecq Solis continue son bonhomme de chemin avec succès puisque ses toros sont très prisés des figuras. Au contraire de la branche Jandilla qui cherche à stabiliser le toro « conçu » par Juan Pedro Domecq Diez, Juan Pedro Domecq Solis cherche à rendre ses produits encore plus collaborateurs du torero. Cela lui vaut de sortir des reses manquant parfois de forces et de caste.

Malgré ces dérives, il reste un vrai scientifique de l’élevage utilisant les nouvelles technologies, les avancées de la génétique et inventant l’entraînement des toros avec le torodrome. Il se tue en voiture en 2011 à l’âge de 69 ans. C’est son fils Juan Pedro Domecq y Morenès qui prend la relève. Celui-ci gère depuis 2003, le fer de Parladé. Le nouveau ganadero s’est fixé pour objectif en menant de front les deux fers de redonner aux Juan Pedro la puissance, la transmission et l’humiliation qui leur faisaient défaut.

L’encaste Domecq essaime

Que ce soit Domecq Solis ou Jandilla les deux fers sont à l’origine de nombreux fers d’encaste Domecq que ce soit en créant des filiales « copier-coller » dont ils assurent la gestion ou en vendant des reproducteurs et reproductrices à de nouveaux ganaderos ou d’anciens éleveurs qui cherchent à rendre plus commerciaux leurs élevages.

  • Fers d’origine Juan Pedro Domecq
    • Sanchez Arjona, Domingo Hernandez, Garcigrande,
    • El Montecillo, La Laguna,  Gallon
  • Fers d’origine Jandilla
    • Torrehanidilla, Vegahermosa, Hermanos Juan Pedro Domecq
    • Zalduendo, Jimenez Pasquau, Daniel Ruiz, Fuente Ymbro, Blohorn, Montalvo, Pagès-Mailhan.
  • D’autres fers sont des mélanges des deux origines.
    • El Torreon, Victoriano del Rio (avec en plus du Salvador Domecq et du Domecq Diez par Algarra), Zacarias Moreno.
L’encaste Domecq devient majoritaire

Cette liste est loin d’être exhaustive et n’intègre pas les croisements DomecqXNuñez. Il est difficile de donner aujourd’hui un chiffre exact du nombres de reses d’origine Domecq. Il y a eu trop d’abattages liés à la crise de la COVID. Mais en 2003, 80% des toros lidiés sont de cette origine. Il est évident que l’encaste Domecq n’est pas en voie de disparition. Mais son quasi-monopole, comme tout monopole, est un danger pour l’avenir de l’élevage du toro bravo. Les figuras (et les autres) veulent du Domecq. Donc les autres encastes disparaissent car les ganaderos n’ont plus de débouchés pour leurs produits.

Par ailleurs, on observe une recrudescence de toros d’origine Domecq décastés, faibles, sans transmission. Ils ne durent pas et partent rapidement aux planches. N’est-on pas en train de jouer à l’apprenti sorcier ? A vouloir faire du toro? un simple collaborateur ne va-t-on pas en faire un animal domestique ? Le public ne va-t-il pas se lasser de voir des toros suivre docilement une muleta ?

Et pourtant, il y a des familles de toros d’origine Domecq qui ont conservé le piquant des Domecq Diez, Solis ou Jandilla d’autrefois, certains Victoriano del Rio ou Garcigrande ou les Zacarias Moreno de Bayonne.  Mais les ganaderos voudront et sauront-ils les conserver ?

Les caractéristiques des Domecq
Caractéristiques morphologiques principales.
  • Toro bien fait et léger, partie antérieure basse, toros légers
  • Cornes fines, de taille moyenne, bien positionnées
  • Robes noires, et parfois des traces des origines vazqueña
  • Profil droit ou concave,  morillo bien développé et cou long
  • Ligne dorso-lombaire droite, ou légèrement ensellée
  • Extrémités courtes et fines en particulier les pattes  antérieure
Comportement en piste.
  • Premier tiers
    • sortie allègre , remate dans les planches
    • se livre dès les premiers capotazos
    • ne s’emploient pas au cheval
    • il faut veiller à ce qu’ils ne laissent pas toute leur énergie au cheval
  • Second tiers
    • donnent du jeu au second tiers
    • sont faciles à mettre en suerte mais ne doivent pas subir trop de capotazos au second tiers.
  • Troisième tiers
    • chargent avec fixité et en répétant avec une charge longue
    • suave, justes de forces, ils manquent de transmission
    • ils humilient dans la muleta
    • pardonnent les erreurs du torero
    • ont tendance à moins charger ou à partir aux planches si la faena est trop longue.
Faits et toros marquants de l’histoire de l’encaste.
  • Juan Pedro Domecq
    • Jirivilla, numéro 143, negro zaino, lidié le 15 septembre 1959 à Jerez de la Frontera, meilleur toto de la Corrida Concours
    • Limonero, 572 kg, negro zaino, lidié le 19 juin 1962 à Bilbao par Antonio Ordoñez , premier toro lidié dans les nouvelles arènes de Bilbao.
    • Madrileño, numéro 28, negro, lidié le 14 juillet 1969 à Pampelune par El Viti, meilleur toro de la Féria
    • Delirio, lidié le 8 juillet 1970 à Pampelune par Paquirri, meilleur toro de la Féria
    • Anheloso, numéro 61, negro 495kg, , indulté à Nîmes le 30 mai 2004 par Enrique Ponce
    • Fantasia, numéro 106, 525 kg, indulté au Puerto de Santa Maria par Enrique Ponce
  • Jandilla
    • Triguero, numéro 130, negro bragado, 560 kilos, lidié à Pampelune le 12 juillet 2004 et qui donné cinq coups de cornes  au coureur d’encierro  Julen Madina​.
    • Capuchino, numéro 106, colorado, ojo de perdiz, 515 kg,lidié à de Pampelune le 10 juillet 2009 par David Fandila « El Fandi » et qui a tué durant l’encierro, Daniel Jimeno Romero.
    • Lastimoso, numéro 80, colorado, 550 kilos, indulté à Arles le 1er avril 2018 par Andrés Younés 
    • Libélula, numéro 95, negro mulato, 494 kilos, indulté à Algeciras le 29 juin 2018 par Miguel Ángel Perera.​
    • Horroroso, numéro 74, negro, 540 kilos ,lidié à Valence le 18 mars 2019 par Sebastien Castella, vuelta al ruedo après une pétition d’ndulto.​
    • Rufián, numéro 70, negro mulato, 565 kilos,lidié à Pampelune le 12 juillet 2022 par Alejandro Talavante, prix Carriquiri au meilleur toro de la feria de San Fermín.
Principales ganaderias de l’encaste en France.
  • la plupart des élevages français ont pour origine l’encaste Domecq. Parmi ceux qui sortent régulièrement en corridas ou novilladas piquées on trouve
    • Camino de Santiago, Margé
    • Cuillé, Gallon
    • Blohorn, Pagès-Mailhan, Laugier

Sources : www.terresdetoros.fr, Corps des Présidents et Alguaciles de corridas, Terres Taurines, Chaine You Tube « Les Encastes

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