Istres : un rabo pour passage de témoin
Istres : un rabo pour passage de témoin
Cette corrida devait être le sommet de la feria, elle nous laisse cependant à la sortie avec un sentiment de frustration. Le responsable ? L’ordre de sortie des toros. Comme si dans un festin, le chef nous avait servi en premier le dessert et pour finir les entrées. Bref, débutée sur les chapeaux de roue par deux Jandillas de grand jeu, la corrida est lentement allée a menos avec les La Quinta plus exigeants pour se terminer en eau de boudin avec les deux Juan Pedro Domecq infumables.
L’événement de la rencontre entre une jeune figura et son mentor apoderado est une première dans l’histoire de la tauromachie. Le public a largement répondu présent à l’invitation à la fête avec un « no hay billetes » affiché depuis deux mois. Le cérémonial est à la hauteur de l’événement avec des cadeaux offerts aux deux protagonistes par la direction des arènes, en présence de Messieurs les Maires d’Arles et d’Istres ainsi que de la Reine d’Arles et de ses Demoiselles d’honneur. Marseillaise comme il se doit. L’animation musicale est assurée par Chicuelo II, particulièrement inspiré par la solennité de l’instant.
Résumé
Les toros
Panachage avec deux toros de Jandilla (1, 2) nobles et répétants, deux La Quinta (3, 4) rugueux bien qu’offrant des possibilités, et deux Juan Pedro Domecq (5, 6) faibles et sans classe. Rien à dire sur la présentation de toros formatés pour l’événement, bonitos sans excès de bois et quelques armures en pinces de crabe. Tercio de pique minimal pour régler le port de tête en 6 monopiques.
Les toreros
Mano a mano entre Jean Baptiste Jalabert qui redevient la maxima figura « Juan Bautista » l’instant d’un après-midi, afin de transmettre le témoin à son jeune élève, Marco Pérez, sacré matador de toro la semaine précédente et figura en devenir.
Le sobresaliente qui n’interviendra jamais est M.A. Sanchez.
Juan Bautista
1° toro – Jandilla N° 158 480 kg
Les premiers capotazos nous rassurent, Juan Bautista n’a rien perdu de sa superbe. Le Maître offre son toro à son disciple en témoignage de la poursuite de la belle histoire entre les deux hommes. Un cadeau donc et quel cadeau ! L’Arlésien va créer une œuvre magistrale, toute en finesse. Les enchaînements sont de la dentelle, les muletazos des caresses. La faena va crescendo, au rythme solennel du Concerto d’Aranjuez, pour atteindre son sommet avec un cartucho de pescado ouvrant une série de naturelles templées dans un mouchoir de poche. Le Jandilla, d’une bonté absolue, humilie et décide d’apporter sa pierre à l’édifice. Pour finir, un recibir un poil tombé et d’efficacité instantanée qui libère les trophées maxima. Ovation à l’arrastre. La vuelta du Maestro est chaleureusement fêtée et cette entame nous ouvre l’appétit. La barre est fixée d’emblée très haute.
3°toro – La Quinta N°47 480 kg
Le La Quinta est un cárdeno oscuro de petit gabarit et de tête commode. Il est brindé à la maman de Marco Pérez. Le toro est doublé un genou à terre de façon magistrale. La corne droite est suave mais à gauche, le toro serre et se retourne vite, obligeant un replacement entre chaque naturelle. La faena va une nouvelle fois a mas, pour se terminer par de somptueux muletazos au ralenti. On est cependant nettement en dessous du chef d’œuvre initial. Entière caidita portée al encuentro. Oreille. Dépouille applaudie.
5° toro – Juan Pedro Domecq N°95 515 kg
Le colorado ojo de perdriz sorti en cinq va vite s’avérer être « la mouche dans le lait, l’empêcheur de tourner en rond ». Un magnifique quite por colleras riche de symboles précède la faena . Le Domecq permet un début de faena classique, mais il va vite se dégonfler pour terminer sans gaz, arrêté et se défendant sur place. Le diestro en fait les frais, recevant un plat de corne dans le visage, heureusement sans conséquence. Pinchazo suivi d’une entière de travers, efficace. Sifflets à l’arrastre et grande vuelta de despedida, cette fois- ci définitive.

Marco Pérez
2° toro – Jandilla N° 85 490 kg
L’exemplaire de Jandilla dévolu à Marco Pérez n’a pas la classe de celui de son mentor, mais il a un bon fond et une charge sans vice. Après brindis a todos, début de faena extrêmement prudent délivré sur le pico de la muleta. Les passes enchaînées sont appliquées, mais l’ensemble profilé et distant manque de profondeur. Molinete de rodilla suivi par des muletazos avec une muleta souvent accrochée. Final par circulaires qui portent peu sur le public. Pinchazo sur premier recibir suivi d’une lame basse sur nouveau recibir. Oreille de sympathie et ovation au Jandilla.
4°toro – La Quinta N° 65 475 kg
Cárdeno, bonito, cornigordo, bien dans le type de la casa. Le bicho vient fort dans le capote du jeune maestro, mais une pique trasera rectifiée va le dégonfler, au point de faire avorter le quite de Juan Bautista. Le toro est brindé à la famille de son apoderado. La faena est à nouveau marginale et superficielle face à un toro dont la faiblesse n’autorise pas grand-chose. Quelques circulaires en s’enroulant le toro qui charge au pas, mais qui portent sur les tendidos. À gauche, une belle naturelle en baissant la main soulève les olés. Marco Pérez termine son labeur en lâchant l’épée. Le toro n’avance plus. Estoconazo et deux oreilles, la seconde généreuse. Palmitas au toro.
6°toro – Juan Pedro Domecq N° 7 500 kg
L’ultime de la course est un joli jabonero qui, lui aussi, va vite se dégonfler comme un ballon de baudruche. Pourtant, tout avait bien commencé, avec un Pérez remonté et motivé. Mehdi Savalli pose les banderilles en musique et salue sous l’ovation. Brindis à l’entourage. Début de faena au centre à genou, les muletazos sont plus croisés et la main est abaissée. Rapidement, le toro ne répond plus et le travail tourne court. Pérez insiste en essayant de soutirer les dernières forces d’un animal qui n’en a plus. Pinchazo. Entière en place d’effet long. Silence et sifflets à l’arrastre.
Conclusion
L’événement était très attendu, mais les toros ont un peu gâché la fête. Nous garderons de cette corrida pour le souvenir, le triomphe d’un Juan Bautista magnifique et le passage du témoin à son protégé, dont la grande carrière promise ne fait que commencer. À n’en pas douter, « la belle histoire » ne fait que débuter.
Olivier Castelnau
La corrida vue par l’objectif de Daniel Chicot
Fiche Technique
- Istres. Arènes du Palio. 18h 2 toros de Jandilla (1, 2) d’excellent jeu, 2 toros de La Quinta (3, 4) offrant des possibilités et 2 toros de Juan Pedro Domecq (5, 6) sans classe.
- Juan Bautista (chocolat et or) : 2 oreilles et queue – oreille – vuelta
- Marco Pérez (vermillon et or) : oreille – 2 oreilles – silence
- Sobresaliente M. A. Sanchez
- 6 piques, Cavalerie Bonijol
- Salut de Mehdi Savalli
- Président : Monsieur A. Cervantes. Assesseurs Mrs Degioanni et Raoux
- Sortie a hombros de Juan Bautista et Marco Pérez
- Entrée : Plein de « no hay billetes »
- Grand soleil. 35°C.