Arles : Excalibur et puis le reste

Arles : Excalibur et puis le reste

Juan Leal et Samuel Navalón, sortis en triomphe de l’amphithéâtre romain, ne m’en voudront pas de les placer en retrait, derrière un immense toro qui a éclaboussé de sa classe exceptionnelle la corrida de Robert Margé. Comme nous l’avons écrit ici, il ne se passe pas actuellement une tarde de toros sans qu’il ne soit question de la sortie en triomphe des matadors au cartel. Aussi, quand il nous est donné la chance d’assister au combat d’un toro de bandera, ce n’est que justice de le souligner. On pourra épiloguer pendant des heures, des jours, des mois voire tout l’hiver, pour savoir si Excalibur méritait ou non d’être indulté. Le fait est qu’Excalibur, seigneur toro, restera à jamais gravé dans la mémoire des privilégiés qui ont assisté à cette corrida arlésienne du 14 septembre 2025.

Résumé

Les toros

Le lot de toros de Robert Margé, origine Cebada Gago/ Domecq, est diversement présenté. Tous cuatreños de 500 à 535 kg. Les têtes sont également variées, souvent sans excès. Depuis le 3 acochinado cornicorto, jusqu’au splendide Excalibur sorti en 4, castaño oscuro choreado, finement musclé, enmorillado et armé veleto astifino. De jeux variés, discrets au cheval à l’exception du 3 bravito, ils ont présenté pour les 2, 3, 4 et 6, une excellente charge, offrant de réelles possibilités à leurs adversaires. La noblesse des 3 et 6 est teintée de soseria, en revanche Tizon (2) et surtout Excalibur sont encastés, ce dernier offrant une embestida vibrante de grande classe sur les deux pitones. Tizon et Excalibur sont honorés d’une vuelta al ruedo avec pétition d’indulto pour Excalibur.

Les toreros            

La terna du jour est internationale. Juan Leal, qui torée peu cette année, se voit proposer une belle opportunité. Nul n’est prophète en son pays et une partie du public lui est franchement hostile, ce qui, nous allons voir, aura une incidence sur le déroulement de la course. Le jeune Mexicain, Diego San Roman, vu à son avantage lors de la feria d’Istres, fait sa présentation à Arles. Enfin le Valencien Samuel Navalón, qui se présente ici également, complète le cartel piéton.

Juan Leal

1° toro – N° 132 – 535 kg

Le colorado liston qui ouvre la plaza, est correctement présenté et armé. Son comportement au cheval ne laissera aucun souvenir en deux piques quelconques. Par la suite, il offre une demi-charge sans baisser la tête et avec un manque évident d’alegria. À droite, après un début hésitant, Leal trouve le bon sitio pour une bonne série de derechazos. À gauche, les naturelles sont correctes mais le toro manque de chispa et s’éteint progressivement. L’Arlesien propose, comme souvent, un final tremendiste dans les cornes, avant 1/3 de lame en avant et un descabello. La pétition est minoritaire. Vuelta et palmitas au toro.

4°toro – N°192 – 510 kg

À sa sortie en piste, Excalibur fait sensation et le public rend hommage à sa prestance. Superbe de présentation, son armure est agressive. Au cheval, le bicho va recevoir initialement un puyazo rectifié avec une franche poussée mais sur une seule corne. La deuxième ration de fer est interrompue pour préserver les forces de l’animal. A posteriori, il est regrettable de n’avoir pu réellement évaluer la bravoure d’Excalibur.

Quoiqu’il en soit, dès le changement de tiers, le Margé va prendre la possession du ruedo et ne plus la lâcher. Il met en difficulté la brega de Marco Leal et reçoit de nombreux capotazos afin d’essayer de canaliser son entrega. En début de faena, il trouve naturellement une querencia à l’opposé du toril, d’où il toise l’ensemble des piétons, la tête haute, en ayant l’air de dire « maintenant venez me chercher ». Juan Leal envoie Marco pour le déloger. À partir de ce moment, le seigneur toro va laisser admirer une charge profonde, vibrante, étincelante sur ses deux pitons. Le diestro s’aperçoit rapidement qu’il a devant lui un diamant brut, qu’il va devoir essayer de façonner. Les séries des deux mains s’enchaînent avec un toro qui humilie et boit littéralement la muleta, sans jamais sombrer dans l’angélisme.

A la recherche de l’indulto

Leal, dès lors, va chercher à obtenir de façon trop évidente, l’indulto du toro en multipliant les séries, et en étouffant quelque peu la charge du fauve, qui répond inlassablement aux sollicitations. La faena est prolongée jusqu’au deuxième avis, avec toujours l’espoir que le président sorte le mouchoir orange. Las, une partie du public ne lui pardonne pas cette insistance populiste et exige qu’il plonge l’épée, alors que l’autre partie réclame l’indulto. Le président ne cède pas et après un pinchazo, l’Arlésien enfonce un vilain bajonazo pour en finir avant le troisième avis, tout proche. Excalibur ne méritait pas ça. Il meurt en brave, la gueule fermée jusqu’à son dernier souffle.

Deux oreilles, une de trop au vu de la conclusion, mais à ce moment, qu’importe les trophées. Nous venons de vivre, grâce à Excalibur, un grand moment de tauromachie. Vuelta al ruedo de la dépouille, saluée par un public debout. Juan Leal a le bon goût d’inviter Robert Margé à l’accompagner dans son tour de piste.

Diego San Roman

2° toro – N° 66 – 500 kg

Le premier opposant du Mexicain est juste de présentation et armé en pince de crabe. Après un bon capoteo d’ouverture rematé par une somptueuse larga soulevant les olés, le bicho prend deux piques sans histoire en s’endormant quelque peu sous le fer. Quite de Samuel Navalón par chicuelinas et tafalleras, auquel Diego San Roman répond par chicuelinas. Le toro possède une bonne noblesse sur les deux pitons mais le travail muleteril du Sud-Américain est brouillon et approximatif. Les circulaires inversées portent sur le public. Le diestro sous-estime la caste du Margé et manque se faire corriger lors d’une séquence à genoux. ¾ de lame tombée au premier assaut suivie d’un avis suffisent pour couper un appendice. Le mouchoir bleu me paraît excessif, compte-tenu du comportement anodin devant le cheval.

5°toro – N° 24 – 530kg

Le colorado ojo de perdriz sorti en 5ème position est d’armures commodes. Rien à relever du comportement au premier tiers. Le toro accuse violemment les banderilles et semble se blesser en remuant violemment la tête. Quoiqu’il en soit, sa charge est courte et rapidement, le bicho faible se défend sur place, au grand dam de San Roman, qui tente tout pour essayer de tirer quelques passes à un animal qui ne veut rien entendre. Recibir delentera. Silence et pitos à l’arrastre.

Samuel Navalón

3° toro – N°5 – 510 kg

Le premier adversaire du Valencien, colorado chorreado, est terciado. Acochinado et mal armé. Il va s’avérer être le plus brave du lot, en deux rations de fer poussées après deux belles arrancadas. Le tercio de banderilles est déplorable, à la charge d’une cuadrilla complètement dépassée par les événements. Le président enfreint le règlement en interrompant le tiers alors que le bicho n’a que deux banderilles sur le dos ! Début de faena de rodillas avec un toro qui met bien la tête. Sa charge est franche, suave, à la limite de la soseria. Navalón va profiter de cette fade noblesse pour bâtir une faena ambidextre sans émotion. Entière en place. Le puntillero relève le toro, ce qui confirme les piètres qualités de l’équipe du jeune Valencien. Palmas au Margé.

6°toro – N°68 – 510 kg

L’ultime toro de la course va, à nouveau, montrer une bonne embestida sur les deux pitons. Rien à dire des deux premiers tiers si ce ne sont les quolibets du public à l’égard des banderilleros qui se sont tout de même rattrapés de leur échec précédent. Navalón va construire une faena sur les deux bords, profitant de la bonté de son adversaire, mais sans réel engagement et manquant singulièrement d’émotion. Final par manoletinas sans l’épée, qui réveillent le conclave. Pinchazo suivi d’un avis et d’une entière en place d’effet long. Oreille généreuse permettant une sortie triomphale. Applaudissement à la dépouille.

Conclusion

De cette tarde, nous garderons le souvenir d’un toro d’exception, qui aurait pu, dans d’autres circonstances, obtenir le pardon de la vie. Un grand merci à Robert Margé de nous offrir de telles sensations. Le rêve non dissimulé du ganadero est d’effectuer en 2026 sa présentation à Séville. Les qualités du lot présenté ce jour lui donnent tous les espoirs de voir rapidement s’accomplir son rêve.

Olivier Castelnau

Fiche Technique

• Arles. Féria des Prémices du Riz Corrida. 2^ème de féria. 6 toros de Robert Margé pour :
  • Juan Leal (Vert empire et or ) :  Vuelta – 2 Oreilles (2 avis)
  • Diego San Roman (Lilas et or) : Oreille (avis) – Silence
  • Samuel Navalón  (Immaculé et or) :  Oreille (avis) – Oreille (avis)
• 12 piques, Cavalerie Bonijol
• Vuelta al ruedo au 2^ème Tizon N°66 et au 4^éme Excalibur N°192
• Président : Monsieur Emmanuel Lescot
• Sortie en triomphe de Juan Leal, de Samuel Navalón et de Vincent Chaptal mayoral de Robert Margé.
• Entrée : 1/2
• Ciel bleu, grand soleil. 25 °C.