Vic, Saltillo: vox populi, vox dei?
Vic, Saltillo: vox populi, vox dei?
Corrida décevante à Vic. Plus La Quinta que Saltillo, les toros de José Joaquin Moreno Silva n’ont pas transmis l’émotion attendue par l’aficionado quand il se déplace pour voir cet élévage.
Forte tension entre la présidence et une partie du public. Le palco a refusé à Sanchez Vara une oreille après une faena en trompe l’oeil, en permanence sur le pico,et ce face à un très bon toro. Règlementairement parlant si la pétition est majoritaire, mais comment le mesurer avec rigueur, le président a tort car pour le premier trophée « vox populi, vox dei ». Mais ce qui est sûr, c’est que tauromachiquement parlant le public avait-il raison de la réclamer après une telle faena?
Les histoires de trophées sont finalement anecdotiques. Ce qui est plus marquant, c’est qu’en deux festejos nous n’avons pas vu une pique digne des arènes de Vic. Les puyazos furent soit traseros et carioqués ou bien des simulacres de piques. On est à Vic, bon sang!
Les toros
Où sont les Saltillo compliqués et dangereux qui semaient la terreur dans les ruedos? Le ganadero a adouci le sang originel avec des sementales de son voisin « La Quinta‘. Cet élévage propose aujourd’hui des toros Saltillo pure race et d’autres qui sont de purs Buendia. A l’exception du quatrième, les toros de la corrida vicoise rentrent dans cette seconde catégorie. Physiquement, ils manquent de trapio, ont une tête en museau de souris. Au cheval, ils viennent au pas et font semblant de s’employer. A la muleta, ils sont nobles. Quand l’aficionado vient voir des Saltillo à Vic, il souhaite voir autre chose. C’est d’autant plus frustrant que le meilleur toro a été le quatrième, c’est à dire le plus Saltillo du lot. Point négatif, le cinquième toro, était d’une présentation n’était pas digne d’une corrida vicoise .
Les toreros
Sanchez Vara est un excellent chef de lidia. Il l’a prouvé à Alès et même aujourd’hui à Vic. Par contre à la muleta, il torée souvent, et parfois très souvent, sur le pico. Ce qui passe avec un toro compliqué et dangereux ne passe plus face à un toro noblissime qui mange le sable à chaque passe. Au quatrième, la faena de Sanchez Vara est en trompe l’oeil. Il a suffisament de métier pour savoir qu’il fallait toréer le Saltillo muleta au ras du sol. Par contre 80% des muletazos sont donnés sur la pointe de la muleta. Dans une arène de première catégorie, il n’y a pas lieu de donner une oreille après une telle faena. A son premier Sanchez Vara a joliment toréé sur le pico et a moyennement tué. Silence et Vuelta
Gomez del Pilar est un torero qui peut-être excellent. Il a une excellente main gauche et est capable de bien toréer des toros sérieux voire compliqués. Aujourd’hui il n’a presque jamais toréer « al natural » et a proposé au public deux faenas superficielles et sans grand intérêt. Salut et silence.
Luis Gerpe est l’auteur de deux faenas sincères et des meilleurs muletazos de la tarde. Même si elle a été un peu irrégulière, sa prestation au dernier est la plus honorable de l’après-midi. Son premier très distrait ne permettait pas grand-chose. Silence, vuelta
La corrida vue par l’objectif de Philippe Latour
Fiche Technique
- Arènes de Vic Fezensac, première corrida de la Féria 2025. Toros de Saltillo.
- Sanchez Vara :silence, vuelta
- Gomez del Pilar : salut, silence
- Luis Gerpe :silence, vuelta
- Dix sept piques, cavalerie Bonijol
- Sakut de Victor del Pozo au second et Medhi Savalli au quatrième
- Deux tiers apparent
- Température agréable
Toro à toro
Toro numéro 1 Sanchez Vara
Le premier est anovillado et est contesté. Il est reçu avec efficacité par Sanchez Vara puis prend un premier puyazo en poussant. Il vient au pas pour une pique courte . Du centre, il en prend une troisième légère. Sanchez Vara fait un bon quite par chicuelinas. Il est ovationné après trois paires de banderilles moyennes. Brindis au public, Vara double le toro et le place au centre. Il enchaîne des derechazos malheureusement sur le pico. La série de derechazos suivante est un peu plus centrée. Le toro est noble et permet une bonne série à gauche. Le Saltillo a le comportement d’un Buendia y compris la tête dans les nuages à la fin de la passe. L’entrée à matar est prudente et la demie est plate et tombée. La seconde est le copier coller de la première. Le toro tombe. Silence
Toro numéro 26 Gomez del Pilar
Le second est plus costaud et plus armé. Il saute dans la cape de Gomez del Pilar. Bien mis en suerte, il est mal piqué. Départ de loin, il vient au pour une ration de fer trasera. Du centre, nouveau puyazo trasero, le piquero est sifflé. Victor del Pozo salue après deux bonnes paires de banderilles. Début classique par doblones, del Pilar continue par des derechazos. Le torero ne pèse pas sur le Saltillo qui s’avise. Desconfiado il torée sur le pico. Sans prendre la main gauche, il va chercher l’épée. L’estocade est habile. Le toro tombe au premier descabello. Salut généreux.
Toro numéro 42 Luis Gerpe
Le troisième est léger mais bien armé. Il sort abanto puis met la tête dans la cape de Luis Gerpe. Piqué près de l’épaule il pousse sur une corne à la première rencontre. Mis plus loin, il ne s’emploie pas lors des deux suivantes. Medhi Savalli salue. Début par doblones, la corne droite cherche l’homme. Le toro est distrait, le torero l’entreprend à gauche. Il a du mal à l’intéresser. Nouvel essai à droite, puis à gauche, le toro ne s’intéresse pas à l’action. Épée al encuentro, c’est un quasi golletazo caido. Silence
Toro numéro 45 Sanchez Vara
Le quatrième est asaltillado. Il ne s’emploie qu’à contrecœur dans la cape de Sanchez Vara. Bien mis en suerte, mais mal piqué il prend sans s’employer en trois rencontres trois picotazos. La quatrième est un picotazo de spectacle. Sanchez Vara pose trois paires de banderilles deux correctes et une à cornes passées. Bon début par doblones, le toro est distrait. Toréé par le bas, il est noblissime. Le bicho humilie. La série suivante alterne pico et centre de la muleta. A gauche le torero se fait accrocher la muleta. Les suivantes sont plus sur le pico.Le toro demandait mieux L’épée est entière et desprendida. La pétition d’oreille est forte. Le président refuse de l’octroyer. La décision irrite une partie du public et réconforte l’autre. Vuelta
Toro numéro 44 Gomez del Pilar
Le cinquième est anovillado et contesté. Il n’aurait jamais dû sortir à Vic. Il a des problèmes de train arrière qui finront par s’estomper. Première pique trasera, seconde pique trasera, troisième pique comme de bien entendu trasera, est-on vraiment à Vic ? Les gradins rálent contre l’indigence du Saltillo. Gomez del Pilar double. Le toro est distrait. Le torero lui impose une bonne série à droite. Ce sera la seule de la faena. Le reste n’est pas digne du torero qui a brillé, il y a peu à Madrid. La faena ne transmet pas car donnée sur le pico à un toro au trapio indigne. De plus le toro va à de menos à mas menos. La mise à mort est laborieuse. Un pinchazo puis une entière tendida et caidita, hémorragie, le toro tombe. Silence
Toro numéro 18 Luis Gerpe
Le dernier est un peu mieux présenté. Les capotazos de Luis Gerpe sont les meilleurs de l’après-midi. Bien mis en suerte, le toro prend deux puyazos sans s’employer. Il ne saigne pas après le premier tercio. Brindis au public, bon début par des doblones élégants. Le toro manque de charge. Le torero s’applique et lie de bons derechazos. A gauche les naturelles sont les meilleures de la tarde mais le toro manque trop de transmission. Dommage car le torero essaie de bien faire puis perd un peu le fil de son discours. Il se reprend et l’avant dernière série à gauche est excellente. Le torero prolonge trop la faena. L’épée portée avec engagement est légèrement tombée et est efficace. Pétition minoritaire, vuelta.
Thierry Reboul