Saintes-Maries-de-la-Mer : deuxième acte gagnant.

Saintes-Maries-de-la-Mer : deuxième acte gagnant.

Jean-Baptiste Jalabert, à la tête de la société Peliz Organisation qui gère les coquettes arènes des Saintes, a fait le choix judicieux de privilégier cette année, le « circuit court ». En effet, Tibo Garcia et Lalo de Maria sont établis, ici, dans la capitale de la Camargue et les bêtes de la ganaderia Blohorn paissent à quelques encablures, le long de l’étang du Vaccarès, au Mas de Carrelet. Pour compléter ce cartel saintois, Curro Diaz, le vétéran torero de Linares. Il ne nous étonnerait pas, avec la finesse de son toreo et son teint de cuivre, qu’un peu de sang gitan coule dans ses veines. Alors un gitan aux Saintes, rien d’étonnant.

Avec satisfaction, on notera une bonne entrée composée d’un mélange d’estivants et d’aficionados. Marseillaise inaugurale suivi d’un hommage au Camarguais Patrick Alarcon qui a débuté sa carrière comme bayle gardian de la manade Laurent pour la poursuivre comme mayoral de la ganaderia Blohorn. La corrida s’est déroulée en deux temps. La première partie insipide et décevante et la deuxième mi-temps nettement plus relevée. A noter une piste sablonneuse plus adaptée aux courses camarguaises qu’aux corridas, à l’origine de nombreuses génuflexions du bétail et d’une blessure du dernier. Bonne note à la présidence sérieuse et juste dans l’attribution des trophées.

Résumé

Les toros

Après les sorties remarquées en corrida à Saint Gilles l’année dernière et début juillet à Tarascon en novillada, les toros de Blohorn, origine Domecq par Jandilla, sont particulièrement attendus.

L’envoi est composé manifestement de deux lots d’ascendances différentes. Les trois premiers negros sont de trapio modeste (450 kg, 520 kg, 480 kg) et leurs armures étonnamment fragiles, vite transformées en pinceau dès les premiers contacts avec les tablas. Justes de force, ils ont livré au cheval des prestations sans relief à l’exception du deuxième qui a poussé en mettant les reins. Ils ont offert peu d’option à la muleta. Les trois derniers castaños sont nettement mieux présentés (530 kg, 500 kg, 510 kg), avec du morillo et arborent des armures agressives et pour certaines astifinas. Ils ont fait preuve de bravoure sous le fer, particulièrement le quatrième qui a poussé en trois rencontres, lui valant une vuelta posthume méritée. Au troisième tiers, les trois bichos ont été d’excellent jeu offrant leurs oreilles à qui voulait bien les couper.

Les toreros            

Cette année, en dehors de Sébastien Castella et de Clémente et à un degré moindre de Juan Léal et Carlos Olsina, les toreros français sont malheureusement peu sollicités. Tibo Garcia et Lalo de Maria font leur présentation à domicile. Pour leur première et peut-être dernière corrida de la temporada, ils se voient offrir une opportunité importante.

Pas de jaloux, Curro, Tibo et Lalo héritent chacun d’un mauvais et d’un bon toro. Tibo Garcia a été vaillant et appliqué coupant un pavillon mérité à son second adversaire. Lalo de Maria perd l’oreille du sixième par son échec aux aciers. Curro Diaz qui a touché le quatrième n’a pas eu à forcer son talent, livrant les meilleurs muletazos de la tarde.

Enfin, il convient de citer la qualité des cuadrillas des deux Français avec au premier plan Tomas Ubeda, Mehdi Savali, Marco Leal et Jeremy Banti.

Curro Diaz

1° toro – n° 18  12/2020

Le premier Blohorn est faible et malingre. Il est de plus coiffé de deux cornes éclatées. Rien à retenir du premier et deuxième tiers. Le natif de Linares qui n’a plus rien à prouver va lui servir une faena ambidextre sans engagement et sans relief, conclue d’un vilain coup d’épée atravesada et d’un descabello. Silence.

4°toro – n°12  09/2020

Le quatrième est un joli castaño, bien armé, qui dénote des trois premiers. Applaudissements à son entrée. Après un bon capoteo qui réveille le public qui somnolait à l’issue du premier acte, le bicho fuse sur le cheval pour recevoir un picotazo dont il sort en manso. La deuxième pique est assassine mais le toro pousse jusqu’à déséquilibrer la monture. La troisième ration de fer, démarrée du centre est tout aussi déplorable et vaut au picador une sortie sous les sifflets. Le tercio de banderilles est vite à oublier.

Curro Diaz double le fauve sous les applaudissements, avant de profiter de son excellente corne droite qui déclenche la musique. Les séries de derechazos sont liées en baissant la main et en contenant la charge vibrante du Blohorn. L’Andalou demeure cependant peu croisé et en dessous des capacités de son adversaire. A gauche, l’embestida est plus hésitante. Reprise de la main droite, mais le toro qui a laissé beaucoup de force sous le fer, baisse d’un ton, laissant l’impression d’un trasteo allant a menos. Une entière caida efficace après pinchazo, libère une oreille et le mouchoir bleu.

Tibo Garcia

2° toro – n°49 12/2020

Le premier opposant de Tibo Garcia se retrouve rapidement avec une corne droite explosée après avoir rematé au burladero. Débordé au capote, le Nîmois conduit le toro au cheval pour une double ration de fer laissant entrevoir un certain degré de bravoure. Rien à retenir des banderilles, avec de nombreux passages à faux sur un animal tardo. A la muleta, le diestro se montre volontaire face à un bicho qui répond bien à ses sollicitations. Musique. Cependant, la charge courte et brutale du toro empêche l’élaboration d’un travail construit et lié. Il en résulte une faena brouillonne terminée par un échec avec la rapière. Entière contraire après trois pinchazos. Salut et palmas à la dépouille.

5°toro – n°23 12/2020

Le castaño sorti en cinquième position, harmonieux et astifino, est applaudi à son entrée en piste. Il reçoit un puyazo et est économisé sur la deuxième rencontre prise sans rechigner. Applaudissements au piquero. Au deuxième tiers, Jeremy Banti conduit une brega efficace et Tomas Ubeda salut après deux paires de banderilles posées au balcon. Brindis au conclave. Le toro est faible obligeant un toreo à mi-hauteur. Tibo Garcia prend conscience de la noblesse de son adversaire et termine en avançant la jambe une faena débutée sur le pico. Le final est tremendiste, dans les cornes, face à un bicho rendu. Luquesinas et desplante final mains nues. Une demi-lame en place conclut un trasteo qui est allé a mas. Oreille méritée et applaudissements à l’arrastre.

Lalo de Maria

3° toro – n°21 12/2020

Le Blohorn qui sort en troisième position est de trapio modeste, armé large, astigordo. Le premier tiers est sans intérêt en deux mauvaises piques sous lesquelles le toro s’endort. Mehdi Savalli va s’illustrer palos en mains, avec une deuxième paire posée en musique après un excellent travail au capote de Marco Leal. Personne ne comprend qu’il ne soit pas autorisé à saluer. Le toro est offert à tous. Le bicho ne présente pas de difficulté particulière même si la charge est sans classe. Les séries s’enchainent sans transmission et sans émotion. Par son manque d’engagement, Lalo de Maria va finir par apprendre au toro ce qu’il ne doit pas savoir et se met en danger. En conclusion, une entière de travers perforante. Quatre descabellos et l’animal se couche seul après deux avis. Silence. Applaudissements au toro.

6°toro – n° 26 12/2020

Lalo de Maria hérite pour deuxième adversaire d’un joli castaño très bien armé, astifino. Malheureusement le toro semble se blesser aux antérieurs lors d’un faux pas sur la piste cabossée. Il prendra cependant trois piques mal portées. Mehdi Savalli se met en danger sur la deuxième paire de bâtonnets avec un toro qui se réserve. Brindis personnel. Le Blohorn possède une excellente embestida sur la corne droite. Le Français va lui offrir un trasteo quasi exclusivement droitier, de valeur, en avançant la jambe et en réduisant progressivement les distance. Le piton gauche est moins clair. De fait, les circulaires finales données sur la corne gauche, avortent et viennent ternir un bon travail de la main droite. Nouvel échec aux aciers que l’on peut mettre sur le compte d’un manque évident de pratique. Épée dans l’épaule sous-cutanée après un avis et descabello qui couche l’animal. Silence et applaudissement au Blohorn.

Conclusion

Une corrida qui a donc réellement débuté après la pause, avec trois bons toros de Blohorn dont un de vuelta. Chacun offrant de réelles possibilités à la muleta. Curro Diaz est passé sans peine ni gloire, restant au-dessous de son second adversaire. Tibo Garcia n’a pas laissé passer l’occasion de se faire remarquer en coupant une oreille méritée. Lalo de Maria n’a pas démérité mais n’a pu saisir sa chance. Difficile de lui en vouloir car les opportunités sont beaucoup trop rares pour acquérir le bagage nécessaire à l’exercice de son art.

Olivier Castelnau

La corrida vue par l’objectif de Daniel Chicot

Fiche Technique

• Saintes-Maries-de-la-Mer .6 toros de Blohorn 5vuelta posthume pour le 4°) :
  • Curro Diaz  (sang de toro et or) :  silence – oreille
  • Tibo Garcia (rose malabar et or) : salut – oreille
  • Lalo de Maria  (immaculé et or) :   silence – silence
• 13 piques, Cavalerie Bonijol
• Salut du banderillero Tomas Ubeda
• Président: Monsieur J.P. Maragnon
• Hommage rendu au mayoral de Blohorn : Patrick Alarcon
• Entrée 2/3
• Ciel bleu azur. Température estivale. Vent léger.