Beaucaire : novillada de clôture décevante
Deuxième épisode des novilladas d’encastes minoritaires. Le cartel du jour propose un desafio andalou, entre les anciens Pablo Romero (Gallardo) de Partido de Resina et les Veragua de Tomas Prieto de la Cal. De ce face à face, il ne sortira, comme la veille, aucun vainqueur. Nouvelle déception. Il est regrettable de constater que lors de la remise des prix de ce week-end torista, aucun n’est venu récompenser un élevage, un novillo ou un picador. La cuadrilla menée par David Adalid a été justement déclarée vainqueur du concours, pour sa lidia exemplaire, hier au service de Pepe Luis Cirugeda et aujourd’hui de Victor Barroso. Le prix du meilleur novillero est attribué à Pepe Luis Cirugeda pour son actuacion face au Tardieu sorti en 5ème et Joao D’Alva est cité pour son sens de la lidia sur les deux journées.
Résumé
Les toros
Les novillos du jour sont bien présentés et diversement armés, plutôt offensifs d’une manière générale. Les Partido de Resina présentent des robes cardenas et les Prieto de la Cal jaboneras comme il se doit, à l’exception du 4 negro, ce qui est plutôt rare chez les Veragua. Morphologiquement, tous dans le type de leur encaste. Les « poivre et sel » ont pris chacun deux piques banales et les (presque tous) « blonds » sont allés à trois reprises au cheval pour des châtiments excessifs. Au troisième tiers, les comportements ont été variés mais offrant souvent des possibilités qui n’ont pas été exploitées par des piétons trop inexpérimentés pour ce genre de bétail.
Les toreros
Ce n’est pas une surprise, le moins inexpérimenté des trois, le Portugais Joao D’Alva a été le plus en vue. Il a délivré une lidia juste et efficace face à ses deux adversaires et de surcroît, il excelle dans la pose des banderilles. Il faut rajouter à cela une réelle aptitude lors de la suerte de matar, ce qui en fait un torero complet qui mériterait d’être engagé plus souvent. Le natif du Puerto de Santa Maria, Victor Barroso, qui avait brièvement interrompu sa carrière en août 2023 pour revenir rapidement dans les ruedos, n’a pas convaincu. Quant au jeune Lusitanien, Gonçalo Alves, qui a très peu toréé en piquée, il nous est apparu bien vert.
La novillada vue par l’objectif de Daniel Chicot
Joao D’Alva
1° novillo – Partido de Resina n°12 mars 2022
Attendu a porta gayola se concluant par un désarmé, le novillo bien roulé et bien armé sort abanto. D’Alva lui sert un capoteo de castigo pour contenir la charge violente. Par la suite, il intervient au quite de façon opportune pour secourir un peon qui s’est fait soulever sans dommage. La première pique rectifiée est peu poussée. Sur une deuxième rencontre anodine, le piquero se fait désarçonner et charger au sol. Il reçoit une cornada sans gravité et sortira rapidement de l’infirmerie. Le tercio de vara en reste là, pour économiser le novillo et lui garder un peu d’allant pour le deuxième tiers. Les banderilles sont plutôt bien posées dans les cornes, la troisième lors d’un quiebro ajusté soulevant le public.
Après brindis à ses deux compañeros et à Pepe Luis Cirugeda en civil, le début de faena laisse entrevoir une bonne corne droite. La série est donnée en baissant la main et en ralentissant la charge. À gauche, le Portugais est prudent alors qu’il ne semble pas y avoir de difficulté. Reprise de la droite pour un lâcher de muleta malencontreux. Le novillo baisse d’un ton. D’Alva change d’épée, nous laissant avec un sentiment mitigé. L’estocade est entière et en place mais longue d’effet. Le puntillero maladroit relève l’animal, ce qui sera une constante de la tarde. Deux avis. On est proche du troisième avis avant le descabello sonnant la délivrance. Silence qui sanctionne son attentisme et son manque d’engagement avec la muleta. Applaudissements nourris à la dépouille.
4°novillo – Prieto de la Cal n°62 02/2022
Le 4 fait donc figure de « vilain petit canard » car negro parmi les jaboneros. Il est de plus le moins typé Veragua. Au contact du capote, le bicho donne des coups de tête violents qui laissent entrevoir la difficulté future. L’épreuve des piques sera la plus intéressante du jour, essentiellement par le travail du picador, qui par le déplacement de sa monture va toréer, au sens littéral du terme. Le Prieto reçoit trois bonnes piques en augmentant la distance à chaque reprise, mais sans réellement pousser. Le Portugais se montre volontaire en sortant le bicho du cheval par chicuelinas, ce qui n’est pas sans risque.
Applaudissements à la sortie du lancier. Le tercio de banderilles est à nouveau spectaculaire. Brindis à l’assemblée. Hélas avec la flanelle, le novillero ne trouvera jamais la solution pour corriger le défaut de tête de son adversaire. Le sitio est approximatif et les séries décousues. Le novillo exigeant finit gueule fermée malgré l’intensité du châtiment. À nouveau, une lame entière légèrement tendida, suivie de deux descabellos inefficaces. L’animal tombe seul. Encore une fois un sentiment d’inachevé. Salut et palmas à l’arrastre.
Victor Barroso
2° novillo – Partido de Resina n°13 01/2022
Le premier opposant du Portuense est très typé Pablo Romero avec cette petite tête triangulaire et une armure agressive. Il serre dans le capote. Premier puyazo carioqué et deuxième pique poussée sans mettre les reins. Excellent tiers de banderilles de David Adalid mais est-ce nécessaire de le souligner ? Brindis collectif. D’emblée, le bicho étale une grande noblesse sur le piton droit. Le gauche est moins clair. Malheureusement, la faena manque d’engagement et est dépourvue d’émotion. Les derechazos s’enchaînent sans avancer la jambe et en donnant la sortie vers l’extérieur. Barroso n’aura à aucun moment pesé sur son adversaire qui arrive à la suerte finale, gueule fermée et ayant encore des réserves dans le coffre. Il s’ensuit deux pinchazos dont le second à la va-vite sur un animal non cadré déclenchant les sifflets. Nouveau pinchazo avant 2/3 de lame contraire, perpendiculaire. Salut et ovation au novillo.
5°novillo – Prieto de la Cal n°18 09/2021
Le quinto, jabonero, est volumineux, musculeux, bizco et modestement armé. Il reçoit trois puyazos sans style sur une corne, sans poder. La troisième ration sera de trop comme la suite le prouvera. Nouveau salut d’Adalid aux batônnets. Brindis à Daniel-Jean Valade, président régulier des corridas nîmoises. L’entame est dominatrice en gagnant le centre. Barroso tente de donner de la distance au novillo mais ce dernier a laissé toute ses forces au cheval. La faena est donc laborieuse, donnée à un bicho qui n’avance plus. De fait, les tentatives de circulaires avortées sont inutiles et le desplante mal venu et peu du goût du public. Deux pinchazos, le premier dans le cou avant une entière de travers efficace. Salut. Palmas à l’arrastre.
Gonçalo Alves
3° novillo– Partido de Resina n°22 01/2022
Le cardeno oscuro qui échoit à Gonçalo Alves est plus léger. Il montre d’entrée de gros signes de faiblesse. À la première rencontre avec le cheval, il se retrouve les quatre sabots en l’air après le simple contact. Le picotazo suivant est juste pour la forme. La brega de Julien El Santo est à souligner. Le président décide de maintenir le Partido de Resina en piste, faiblesse ne rimant pas forcément avec blessure. Partage des banderilles avec Jérôme El Chino dont la paire surpasse celles de Alves. Brindis à Laurent Giner. La faena proposée est sans engagement, donnée sur le pico de la muleta. Le trasteo est laborieux et comme le novillo est soso, on s’ennuie ferme. ½ lame contraire en prenant la tangente. Salut forcé et sifflet à l’arrastre.
6°novillo – Prieto de la Cal n°16 09/2021
Du dernier face à face du jour, nous retiendrons la performance du soliste trompettiste de l’orchestre, lors du paso « en er mundo », applaudi jusque dans le callejon. Il est vrai que le capoteo d’ouverture s’est avéré sans intérêt, que le tercio de piques ne restera pas dans les mémoires et que le deuxième tiers aura été inégal, avec un violin qui émerge. Que dire du dernier tiers ? Pas grand-chose. Averti sur la corne droite en début de faena, Alves opte pour un trasteo quasiment uniquement gaucher, mais sans aucun engagement, la muleta à Beaucaire et les pieds à Tarascon. Le garçon est en grande difficultés et montre les limites actuelles de ses capacités. Le novillo demeurera inédit. Estocade sur le périphérique et salut plus que déplacé. Palmas au novillo.
Conclusion
À l’issue de cette deuxième course, après la remise des prix en piste, le sentiment de frustration domine tant par le comportement décevant des toros lors du premier tiers que par celui des jeunes toreros, qui ont souvent manqué de motivation ou tout simplement de moyens. Finalement, nous avons débuté par le meilleur avec la course de samedi.
Nous nous devons cependant, de souligner la présentation irréprochable du bétail et surtout l’énorme travail fourni par l’ATB pour l’organisation de novilladas attractives. Ces novilladas demeurent un pilier essentiel de l’avenir de la fiesta brava. Tous nos espoirs sont maintenant dirigés vers l’édition 2026.
Olivier Castelnau
Fiche Technique
- Beaucaire. Arènes Paul Laurent. 3 novillos de Partido de Resina (1,2,3) et 3 novillos de Prieto de la Cal (4,5,6) :
- Joao D’Alva (ivoire et or) : silence – salut
- Victor Barroso (aubergine et or) : salut – salut
- Gonçalo Alves (vert empire et or) : salut – salut
- 15 piques, Cavalerie Heyral
- Salut de David Adalid au 5ème
- Président : Benoît Pince.
- Entrée : 1/2
- Ciel voilé. Quelques rafales. 30°C
- Prix de la meilleure ganaderia non attribué
- Prix au meilleur novillero des deux courses : Pepe Luis Cirugeda
- Prix de la meilleure cuadrilla du WE décerné à la cuadrilla menée par David Adalid
- Citation pour la qualité de sa lidia : Joao D’Alva.