Aaron Palacio, patience et travail
Aaron Palacio, patience et travail
Il fait partie des espoirs actuels de la tauromachie. Aaron Palacio sera à n’en pas douter un des novilleros punteros 2025. Contrairement à certains autres, il n’est pas pressé de passer à l’échelon supérieur préférant tenir que courir. La France a commencé à lui ouvrir ses portes, Tertulias l’a rencontré pour mieux le connaître.
Tertulias : « Aarón, commençons directement par une actualité récente : tu viens de couper une oreille à San Isidro. Peux-tu nous raconter les émotions et les sentiments que tu as vécus ce jour-là ? »
Aaron Palacio : « Eh bien écoute, l’après-midi de San Isidro a été très importante pour moi. D’abord parce que Madrid est la plaza la plus importante du monde. Au début, ça a été un peu compliqué, car les novillos ne se sont pas vraiment livrés, et le public s’est un peu retourné contre nous à cause de ça. J’ai eu la chance que mon second novillo bouge un peu plus et je suis sorti avec l’envie de bien faire. Et au final, écoute, content. Bien sûr, on voudrait toujours sortir , porté en triomphe, mais bon, je pense que le bilan de l’après-midi est positif. »
Tertulias : « Ce triomphe arrive après plusieurs autres en fin 2024 (Séville, Bilbao, Algemesí ou Arnedo, et en 2025 Valence, Saragosse, entre autres). N’est-il pas temps de franchir une étape ? »
Aaron Palacio : « On n’est pas pressés. En ce moment, on est concentrés sur le fait de profiter au maximum des novilladas que nous avons, d’être au top, de donner une très bonne image. L’alternative est évidemment dans un coin de la tête, parce que c’est un moment qui me fait rêver, mais on ne veut pas précipiter les choses. Jusqu’à maintenant, on a avancé lentement mais sûrement, et ce n’est pas le moment de changer ça. »

Tertulias: « Tu as un plan de carrière ou pas encore ? »
Aaron Palacio : « Non, non. Comme je te disais, on ne donne pas trop d’importance à l’alternative pour l’instant. Bien sûr qu’on garde un œil sur l’évolution des novilladas à venir, elles peuvent beaucoup influer sur l’avenir. On est focalisés sur le présent, sur couper des oreilles, essayer de sortir en triomphe. »
Tertulias : « Comment et pourquoi Aarón Palacio a-t-il décidé un jour de devenir torero ? »
Aaron Palacio : « Je ne suis pas un garçon qui a toujours su dès l’enfance qu’il voulait être torero. J’ai toujours aimé le monde du toro, mais davantage les festejos populares que le côté tauromachie pure. C’est un peu par la faute de mon père, qui m’a offert une muleta que j’y suis venu. Et puis avec YouTube et Google, on a aujourd’hui accès à plein de vidéos. Je me suis inscrit à l’école Mar de Nubes de Saragosse et voilà où j’en suis aujourd’hui ! »
Tertulias : « Ton père regrette-t-il de t’avoir offert cette muleta ? »
Aaron Palacio : « Pas du tout, au contraire. Bien sûr, en tant que père, il souffre et il a peur, mais il vient me voir partout, il est heureux de mes succès, et il est là aussi quand ça va moins bien. Non, il est fier d’avoir été, en quelque sorte, responsable de mon parcours. »
Tertulias : « Et ta mère, elle ne veut pas tuer ton père ? (rires) »
Aaron Palacio : « Non plus. Même si en tant que mère, c’est plus difficile pour elle, évidemment. Mais quand elle peut, elle vient me voir aussi. Et sinon, elle reste dehors, près de l’arène. Mais elle aussi est contente de me voir faire ce que j’aime. »

Tertulias : « Tu vis à Cadix. N’est-ce pas trop dur d’être si loin de ta famille et de tes amis ? »
Aaron Palacio : « Je vis dans une finca là bas, mais je suis originaire d’un village de Saragosse qui s’appelle Biota. Vivre à Cadix, c’est un peu dur, oui, mais c’est aussi le rêve de tout torero débutant : être au cœur du monde taurin, entouré de bétail. Bien sûr que parfois, j’aimerais être avec la famille, mais il faut savoir faire des sacrifices. »
Tertulias : « Et comment es-tu arrivé là ? »
Aaron Palacio : « Il y a un homme à Saragosse, Juan José Vera, qui a racheté la plaza de Tarazona. Il l’a rénovée et en a fait une arène de première catégorie. C’est lui qui a voulu me rencontrer, et il nous a invités à utiliser sa finca à San José del Valle comme base d’entraînement. C’est là qu’on se prépare pour la saison. »
Tertulias : « Quels sacrifices fais-tu au quotidien ? »
Aaron Palacio : « Je ne vois pas vraiment ça comme des sacrifices, parce que j’aime beaucoup m’entraîner. Évidemment, certains jours, on a moins envie, mais je sais que ce sont ces jours-là, quand tu t’y mets malgré tout, qui te donnent la sécurité en piste. Le vrai sacrifice, c’est de rester concentré, de ne pas se disperser, de rester immergé dans la profession. »

Tertulias : « Tu continues à étudier. C’est un plan B au cas où ? »
Aaron Palacio : « Je termine un diplôme cette année. Je ne le vois pas comme un plan B, mais comme quelque chose de complémentaire. Étudier quelque chose qui te plaît te rend plus cultivé. Je pense que c’est important : aujourd’hui, un torero doit être une personne cultivée, savoir parler, avoir une vision. »
Tertulias : « Tu sors d’une école taurine. Est-il facile dans le cadre d’un enseignement encadré de développer sa propre personnalité ? »
Aaron Palacio : « Oui, même si j’ai une équipe maintenant. Je m’entraîne tous les jours avec Miguel Cuartero à Cadix. Mar de Nubes, ce n’est pas une école comme les autres, c’est une famille. Même si un jour je deviens une figure du toreo, je resterai toujours lié à eux. Et tout dépend aussi du professeur. Miguel Cuartero ne t’impose pas sa façon de toréer, il t’étudie et adapte la technique à ta personnalité, sans l’écraser. C’est essentiel : la personnalité du torero doit émerger de la technique. »
Tertulias : « Quel est ton idéal face à un toro ? »
Aaron Palacio : « Moi, j’aime le toreo classique. Les toreros que j’admire sont pour la plupart classiques. J’aime faire les choses avec pureté, avec vérité, et c’est ce que j’essaie de travailler tous les jours à l’entraînement. »

Tertulias: « En tant que novillero, tu affrontes tous les encastes. Penses-tu continuer ainsi après l’alternative ou préféreras-tu les ganaderías dites « commerciales » ? »
Aaron Palacio : « J’essaie de toréer tous les encastes, mais en choisissant les bonnes ganaderías dans chacun. Il est important de les connaître, de savoir comment chaque élevage réagit, ce qu’il demande. Cette diversité est magnifique. J’espère qu’un jour je pourrai choisir les élevages que je veux affronter. Les figuras veulent évidemment les meilleures ganaderías, mais il y a d’excellents élevages dans beaucoup d’encastes différents. »
Tertulias : « Tu es très croyant. Ta foi t’aide-t-elle à mieux supporter la peur ou la proximité de la mort ? »
Aaron Palacio : « Elle m’aide beaucoup. Je suis très croyant, je m’en remets à Dieu, et cela me permet d’entrer dans l’arène avec un peu plus de sérénité, en sachant que Dieu est à mes côtés, quoi qu’il arrive. »
Tertulias : « Et en dehors de l’arène ? »
Aaron Palacio : « C’est pareil. Le monde taurin occupe toute ma vie actuellement, mais ma foi reste constante. Je prie tous les jours, je remercie Dieu non seulement pour les corridas, mais pour ma famille, mes amis, pour tout. »
Tertulias : « Tu as aidé dès les premiers jours les victimes de la DANA à Valence. Pourquoi ? »
Aaron Palacio : « Quand j’ai vu les images, j’ai décidé avec un ami de prendre la voiture et d’y aller. J’ai aussi des amis dans le monde du toro là-bas, et ils m’ont dit que la situation était terrible. Toute aide était la bienvenue. Je ne suis pas retourné depuis, mais on m’a dit que la situation s’est bien améliorée, même s’il reste sans doute beaucoup à réparer. »

Tertulias : « Comment ressort-on d’une telle expérience ? »
Aaron Palacio : « Quand je suis arrivé, j’ai été choqué par l’ampleur des dégâts. La télévision ne montre pas tout. C’était dur, mais aussi très beau de voir tant de gens venus aider, sans rien attendre en retour. Une expérience qui m’a marqué à jamais. »
Tertulias : « Revenons au toreo : ton concept est-il déjà défini ou continue-t-il d’évoluer ? »
Aaron Palacio : « Je pense que mon concept est défini, mais j’ai encore beaucoup à améliorer. Je torée comme je le sens, et cela ne changera pas. Mais je veux évoluer, comme toutes les grandes figures le font. »
Tertulias : « Est-il important de se nourrir de l’histoire de la tauromachie pour affirmer ce qu’on veut exprimer dans l’arène ? »
Aaron Palacio : « Oui, j’adore lire, regarder toutes les vidéos disponibles. C’est essentiel pour comprendre, pour s’inspirer et nourrir son propre style. »
Tertulias : « Est-ce facile, si jeune, de gérer l’euphorie du succès ou les douleurs de l’échec ? »
Aaron Palacio : « Ce n’est ni facile ni difficile, chacun est différent. Moi, j’essaie de régler mes problèmes moi-même. Je n’ai pas besoin d’aide professionnelle pour le moment, mais je n’exclus pas d’en avoir besoin un jour. »
Tertulias : « Tu sembles construire une relation avec la France. Que penses-tu de l’afición française ? »
Aaron Palacio : « Je la trouve très respectueuse. En France, les choses sont bien faites. C’est un pays très important pour les toreros aujourd’hui. Il y a du sérieux, du respect, et une vraie valorisation de la bonne lidia. C’est très apprécié. »
Tertulias : « Chez nous, l’afición est très littéraire, alors qu’en Espagne, elle est plus festive. Est-ce que cela influence le toreo ? »
Aaron Palacio : « Le toreo reste ce que chacun ressent. Mais il faut comprendre chaque public, chaque ville, et essayer de s’y adapter sans trahir son style, pour offrir un bon moment au public. »

Tertulias : « Pour réussir dans cette profession, on dit qu’il faut vivre comme un torero. Qu’est-ce que cela signifie pour toi ? »
Aaron Palacio : « Pour moi, cela signifie être immergé 24h/24 dans la profession. Pas forcément s’entraîner tout le temps, mais vivre chaque moment, chaque action, en torero, avec cette conscience et cette rigueur intérieure. »
Tertulias : « En te projetant vers la fin de l’année, qu’aimerais-tu entendre dire de toi ? »
Aaron Palacio : « J’aimerais qu’on dise que je suis le novillero révélation, qu’on a vu un garçon qui veut vraiment devenir torero, et qui cherche à toréer avec pureté et vérité. Et si, en plus, j’ai coupé beaucoup d’oreilles et que j’ai connu des triomphes, tant mieux. C’est important aussi, pour nous, aujourd’hui. »
Vidéo Aaron Palacio en tentadero
Propos recueillis par Philippe Latour