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Séville aux allures de pueblo

Séville aux allures de pueblo

Nous nous apercevions depuis quelques temps du changement de comportement du public sévillan, faisant preuve d’un enthousiasme déroutant et d’un manque d’analyse auxquelsnous n’étions pas habitués. Il n’y a qu’à voir ces dernières années, le nombre d’oreilles coupées et le nombre de Portes du Prince ouvertes, on n’ose écrire entrouvertes. Bien entendu, pas question ici de la rigueur propre à Madrid, mais les deuxièmes arènes d’Espagne nous avaient habitués à des réactions pour le moins plus justes, lucides etcen sées. La corrida du jour est emblématique de cette dérive. Signes des temps.

Résumé
Les toros


Au commencement étaient les toros. Parmi les traditions immuables sévillanes, il y a la corrida de la puissante casa Matilla qui cumule les rôles d’empresa, d’apoderado et de ganadero. Aujourd’hui, nous sont donc proposés 5 exemplaires du fer de Hermanos García Jiménez (1, 1bis, 2, 3, 4), l’élevage principal, et 2 marqués du fer de Olga Jiménez (5 et 6), strictement de même sang d’origine Domecq. Lot homogène dans sa présentation de deuxième catégorie. Aucun n’aurait dû franchir la porte des chiqueros de la Maestranza, falta de trapio. Laids, anovillados, sans morillo, le fouet à 50cm du sol et des armures plus que commodes.

La palme revenant au 3, une sardine astigorda qui, dans un éclair de lucidité du public, est largement protestée à sa sortie. Côté comportement, des jarrets en coton réduisant le tercio de piques à son strict minimum. Économisés au cheval par des puyas prises sans style, le 2 et le 4 contournant le cheval, les autres ne valant pas mieux. Au moins quatre d’entre eux ont apporté le jeu que l’on attendait d’eux, une charge sans entrain de soso, mais permettant à leurs adversaires de faire des passes à défaut de toréer. Les autres, faibles et décastés, n’ont rien permis.

Les toreros


Concours d’élégance entre Morante, qui arbore un superbe costume bleu turquoise, dont les ornements blancs sont assortis aux medias, complété par cravate et ceinture rouge, et le splendide traje de Manzanares, de couleur marine tirant sur l’anthracite, avec ornement « vieil or » vers lequel va ma préférence.


Morante de la Puebla


Après les deux oreilles coupées lors de la corrida des Sévillans, Morante est appelé à saluer, ce qu’il fait modestement d’un geste de la main depuis les planches. Il est attendu comme le Messie. On lui doit, bien entendu, le « no hay localidades » du jour. Son premier est à genou dès son entrée en piste ; le mouchoir vert tombe après la deuxième pique pour changer le moribond. Le premier bis est un peu plus corpulent et on comprend pourquoi il a été écarté. L’animal fuit les capotes et a tendance à rejoindre le terrain du toril. Morante, déterminé, va le chercher dans sa querencia. La série de véroniques avorte, le toro envoyant les pattes et freinant dans le capote.

Depuis les planches, l’entame de faena est allurée par statuaires réduisant progressivement les distances, et terminées par une passe
du mépris superbe. Les passes de la droite sont délivrées initialement à mi-hauteur pour maintenir l’adversaire debout, puis la main s’abaisse imperceptiblement pour laisser place à un trasteo lent et profond, déclenchant les olés du public et la musique. Morante est en confiance. La corne gauche est moins claire, la muleta est accrochée et le torero mis en danger. Reprise de la droite, mais le toro n’a plus rien dans le ventre, un dernier pecho de grande classe avant desplante final bienvenu. Pinchazo suivi d’un bajonazo pour se débarrasser d’un bicho sans classe. Salut et quelques sifflets à l’arrastre.

Le sourire de Morante

Son deuxième opposant a l’allure d’un novillo. Il sort distrait et ne permet pas de série au capote, les véroniques étant servies une à une à un toro qui court d’un burladero à l’autre. La faena est initialisée genou ployé, suivi d’une magnifique série d’aidées par le haut, suerte trop souvent inusitée et nous rappelant un toreo hélas passé de mode, mais qui séduit le public du jour. Une trinchera de cartel fait lever la plaza, elle initie une bonne série de la droite qui manque un peu de profondeur.

La corne gauche n’est pas évidente, Morante est déséquilibré sans gravité. S’en suit 3 naturelles superbes débutées de face, lentes et profondes, mais la charge du toro s’est réduite comme peau de chagrin. Final par trois derechazos succulents, conclus par la suerte de l’éventail. Entière caída suivie d’un avis.
Oreille. Division pour le toro. Vuelta largement fêtée, sourire aux lèvres et faisant le plein de cigares pour l’hiver. Quel plaisir de voir celui de la Puebla aujourd’hui débarrassé de ses démons !


José Marí Manzanares


Dès la belle série de véroniques d’ouverture, le colorado œil de perdrix, qui échoit à Manzanares, donne des signes de faiblesse. Passage au cheval obligé. Agréable quite de Talavante par gaoneras, terminé par reboleras. Manzanares déploie sa muleta XXL pour une entame prudente précédant deux séries de la droite portant sur le public. En récompense, sonne Cielo Andaluz, paso apprécié de l’Alicantin. Nouvelle série de la droite plaisante, profitant de la soseria du bicho. À gauche, les naturelles sont données en usant du pico. Reprise de la droite pour séries décentrées, occasionnant quelques sifflets pour rappeler à José Marí la position correcte. Entière caída. Pétition majoritaire. Petite oreille. Silence à ladépouille.


Le cinquième est un peu mieux fait que ses frères. Bonne série de véroniques allurées et cadencées, approuvées par le public. Début de faena agréable gagnant le centre. À droite, les séries sont propres et les pechos toréés. La corne gauche est bonne et nécessiterait plus d’engagement en avançant la jambe. À la place, l’Alicantin nous sert une tauromachie distante, abusant du pico, ce qui, compte-tenu de la taille de la muleta, laisse un espace permettant à un TGV de s’y engager. Manzanares passe à côté de son adversaire. Et pourtant, Tejera envoie la musique. Pinchazo suivi d’une entière trasera. Le toro tarde à tomber. Le public scande la mort du toro par des palmas, comme pour saluer un brave ??? Salut. Ovation au toro.


Alejandro Talavante


Le troisième toro porte le nom de Espléndido, une galéjade sans doute ? Le toro est indigne de présentation et protesté à son entrée dans le ruedo. Ça ne l’empêche pas, lors des banderilles, d’infliger une forte cojida à Javier Ambel, lui dépeçant littéralement la cuisse. Grosse émotion sur le moment tant la blessure paraît impressionnante, mais aucun axe vasculaire n’est touché (lire la parte medical dans les brèves du mardi 06 mai). Capoteo initial quelconque. À la sortie des doblones initiaux, le toro pourtant ménagé aux piques, fait une vuelta de campana, ce qui en dit long sur son potentiel physique. Ni de la droite, ni de la
gauche, Talavante ne parvient à extraire quoique ce soit. L’engagement limité, il s’expose et la muleta est régulièrement accrochée. Entière caída. Silence et pitos au toro.

Talavante égalise

Après l’oreille coupée par chacun de ses compañeros, l’Extremeño est bien décidé à couper la sienne. Le toro format réduit n’est pour ainsi dire pas piqué. Alejandro choisit à dessein le terrain du soleil, soleil qui, soit dit en passant avec ce nouvel horaire, est couché depuis belle lurette. Il débute sa faena à genou par une série de passes rythmées successivement devant derrière, qui soulèvent les tendidos. Il enchaîne ensuite sur les deux pitons en toréant plus les étagères que son adversaire, dont la soseria est indigeste.

Tout le répertoire y passe, épée abandonnée, luquesinas, main sur la croupe de l’animal, muleta balancée sur le sable,
desplante vulgaire à un torito épuisé. Le tout suscitant des « torero ! torero ! » … On se pince pour y croire. Bref, une faena pueblerina et qui, pourtant, produit son effet. Quand on connaît le potentiel du Maestro, on ne peut être, si ce n’est en colère, au moins largement déçu. Entière en se mouillant les doigts dans la croix, valant à elle seule l’appendice. Oreille, forte pétition pour la seconde ; le président résiste, préservant la catégorie du lieu. Silence (sifflets ?) au toro, noyé sous la bronca adressée au palco.


Conclusion : Séville ressaisis-toi, il est encore temps !


Olivier Castelnau


Fiche technique
 
  • Séville. 8 ème de feria. Toros de Hermanos García Jiménez (1,1 bis, 2,3,4) et Olga Jiménez (5,6) mal présentés et faibles, de jeu varié, meilleurs les 2, 4, 5 et 6 pour
    • Morante de la Puebla : salut (1avis), oreille (1avis)
    • José Marí Manzanares : oreille, salut (1avis)
    • Alejandro Talavante : silence, oreille
  •  12 piques
  •  Public : lleno de « no hay billetes »
  •  Météo : nuages et soleil, température agréable
  •  Blessure à la cuisse de Javier Ambel (à lire dans les brèves du mardi 06 mai)

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