Málaga : Luque triomphe de la mansada du Puerto de San Lorenzo
Málaga : Luque triomphe de la mansada du Puerto de San Lorenzo
Beaucoup d’inquiétude était née de l’absence définitive de Morante de La Puebla dans une feria bâtie essentiellement pour et autour de lui. Craintes financières, évidemment, mais celles-ci sont rapidement estompées par une excellente entrée lundi et par le « no hay billetes » du jour. Craintes également, concernant le bilan artistique. Là, c’était sans compter sur Diego Urdiales et Daniel Luque, les substituts. Lundi, Diego Urdiales tel le Phoenix est ressuscité de ses cendres, et aujourd’hui, Daniel Luque ouvre la grande porte de la Malagueta. À noter, le vent violent soufflant en rafales, invité de dernière minute, qui va énormément perturber les débats.
Résumé
Les toros
L’envoi du jour est composé de 6 exemplaires du Puerto de San Lorenzo, origine Atanasio Fernandez, le 1bis comme sobrero et d’un pensionnaire de l’autre fer de la maison, La Ventana del Puerto, origine Domecq par Jandilla. Le lot est lourd, de 540 kg à 597 kg, pour un promedio de 571 kg, haut, avec du tamaño dans le style de l’encaste, et correctement armé hormis le sobrero.
Pour ce qui est du comportement, l’ensemble est faible et manque singulièrement de race. La palme revient au 6, maintenu en piste alors qu’il aura passé l’essentiel de sa vie publique affalé sur le sable. Tous, à l’exception du 3 de La Ventana, sont sortis distraits et abantos, fidèles à leur origine Atanasio. Avec un comportement variable à la muleta, meilleurs les 2, 3 et 4, ils ont tous fait étalage d’une mansedumbre constante, reléguant le premier tiers à sa plus simple expression.
Les toreros
Daniel Luque traverse actuellement une bonne passe. Il va montrer de façon brillante que son engagement en remplacement du maestro de La Puebla n’est pas usurpé. Omniprésent tout au long de la tarde, le Gerenense coupe l’oreille de son premier adversaire après un estoconazo d’école et essorille son second opposant, après une faena remplie d’émotion conclue, à nouveau, par une grande lame.
Juan Ortega, dont on connaît la tauromachie précise et méticuleuse, sera très gêné par le vent. Malgré ces conditions météorologiques, le Sévillan s’est montré volontaire et appliqué, distillant les meilleurs muletazos de la corrida. Il coupe une oreille de poids de son premier toro après un superbe volapie et ne peut, hélas, rien tirer de l’invalide sixième.
Quel contraste avec l’apathie dont fait preuve Alejandro Talavante. Complètement absent face au sobrero sorti en 1bis, celui qu’on appelle souvent « le maestro du second toro » s’est montré un peu plus volontaire face au 5, jusqu’à son échec aux aciers. Après-midi transparent pour l’Extremeño.
En détails
Alejandro Talavante
Premier toro.
Le titulaire qui sort en premier est âgé, six ans dans quelques jours et lourd, trop lourd (588 kg). Il s’affale sur le sable dès le capoteo d’ouverture. Mouchoir vert. Le sobrero du même fer est encore plus lourd (591 kg) mais il tient debout. Le public proteste une armure discrète. D’emblée, son comportement est celui d’un manso. Il renifle le sol et fuit les capotes. Il est possible que la triple ration de fer, dont une prise sur le cheval de réserve, parvienne à le fixer. Peine perdue. Le bicho n’aura de cesse que de regagner le terrain du toril. Devant telle opposition, le visage fermé, Alejandro Talavante ne s’embarrasse pas et après un travail soporifique, il prend l’épée sous quelques sifflets, pour une entière contraire après pinchazo. Silence et pitos au toro.
Quatrième toro.
Talavante paraît un peu plus motivé lorsque sort son second adversaire. Brindis à l’assistance en gage de bonne volonté. Le natif de Badajoz semble avoir trouvé un terrain un peu moins venteux. Le toro possède une bonne corne droite, et malgré ce, les muletazos sont électriques et dénués de toute émotion. À gauche, la première série déclenche la musique. L’embellie va être de courte durée avec le retour d’un toreo marginal donné sur le pico. La faena traîne en longueur et se termine par un désarmé. Le toro, qui comme nous, en a assez, entame un tour de piste et se réfugie aux planches. Avis. Demi-lame en place. Salut. Palmas au bicho qui aura fait preuve de noblesse malgré sa mansedumbre.

Daniel Luque
Deuxième toro
Comme ses congénères, le premier opposant de Daniel Luque est distrait et freine dans son capote. Comme ses congénères, il est faible et sort à genoux de la deuxième pique donnée pour la forme. Après un quite d’Ortega par tafalleras enrayé par le vent, l’Andalou brinde au public et débute son trasteo de façon efficace en prenant la mesure de l’animal. Le passage à gauche réveille l’orchestre. Servies entre deux rafales, les séries de naturelles sont suaves et connectent avec le public. Le bicho répond au quart de tour au moindre frémissement de la flanelle, aussi Luque confie au vent le soin d’effectuer le toque de sa muleta, tenue planchada. Une passe du mépris surgit. Olé ! Final maison, débarrassé de l’épée, par luquesinas avant une énorme estocade d’effet rapide. Avis ponctuant la chute du toro. Oreille méritée et dépouille applaudie.
Cinquième toro
C’est presque devenu un lieu commun de souligner l’aptitude de Daniel Luque à « inventer » les toros. Pourtant, le faenon du jour entre pile-poil dans ce cas de figure.
Cantina est un negro de 578 kg, mollasson, et qui possède une accointance certaine pour le terrain des chiqueros. Après un premier tiers sans histoire et un joli quite d’Ortega par chicuelinas, Juan Contreras salue pour deux bonnes paires de batônnets. Que va bien pouvoir faire Luque, de ce bestiau sans race et sans transmission ? Après un début prudent, avec patience et abnégation, le Generense trouve le bon sitio et impose à son opposant un trasteo ambidextre, inespéré, qui porte sur le public. Ce toreo de porfia, dont Luque est spécialiste, trouve son apogée dans un final tremendiste donné littéralement dans les cornes du toro. La plaza est en liesse. Nouvelle épée spectaculaire qui libère deux oreilles. Grande ovation au toro inventé par le maestro.

Juan Ortega
Troisième toro
Le troisième toro, du fer de La Ventana del Puerto, a un comportement dissemblable des autres, différence d’origine oblige. La charge est plus franche et plus maniable. Malheureusement, le vent va perturber toute la lidia. Le capote léger d’Ortega s’envole dangereusement au-dessus des épaules et sa muleta précise va être souvent contrariée. La troisième corne rôde et le Sévillan se retrouve fréquemment à sa merci.
Des deux premiers tiers, nous ne retiendrons qu’un quite de Talavante par navarras, car le meilleur est à venir. Le toro possède une bonne embestida, essentiellement du côté droit. Entre deux rafales, les derechazos servis main basse sont somptueux, de lenteur et de majesté. Au fur et à mesure de la faena, le bras s’allonge, laissant une impression de longueur infinie. Le respectable est conquis, seul le président qui omet de faire jouer la musique paraît insensible. Final tout aussi superbe du côté gauche. Le toreo d’Ortega est fin comme la dentelle. Énorme estocade au premier assaut et oreille de poids. Ovation au meilleur bicho de la tarde.
Pendant le tour d’honneur, la rumeur d’un indulto à Bilbao enfle dans les gradins.
Sixième toro
Nous n’épiloguerons pas sur l’ultime toro, un invalide maintenu en piste de façon incompréhensible. Ortega, dépité, lui sert une faena d’infirmier, au rythme des palmas de bulerias de protestation. Triste final qui prive le Sévillan d’un possible succès plus conséquent.

Conclusion
Cette tarde de toros, sans atteindre des sommets du fait d’un encierro faible et décasté, aura été intéressante par l’opposition diamétrale de deux tauromachies. Celle de Luque, vaillante, spectaculaire, clinquante, et celle d’Ortega, classique, retenue et précieuse. Chacun y aura trouvé de quoi satisfaire ses goûts.
Olivier Castelnau
Fiche Technique
- Málaga. Plaza de toros de la Malageta. 6 toros de Puerto de San Lorenzo le 1bis comme sobrero et 1 toro de La Ventana del Puerto (3) pour :
- Alejandro Talavante (Indigo et or) : Silence – Salut
- Daniel Luque (Vert sapin et or) : Oreille – 2 Oreilles
- Juan Ortega (Vert anis et or) : Oreille – Silence
- 13 piques.
- Salut de Juan Contreras
- Président : Antonio Roche
- No hay billetes affiché
- Grand soleil. Fortes rafales de vent. 33°C.