Les Arsouillos ne manquent pas d’Aire
Les Arsouillos ne manquent pas d’Aire
Il pleuvait ce jour-là sur Aire sur Adour. Cela arrive début mai dans la cité aturine mais, ce 1er mai 2024 la météo a dépassé les bornes acceptables. Il ne faisait pas un temps à mettre un aficionado sur les gradins des arènes. Et la taquilla de la novillada des Arsouillos en a fait les frais. Dans le patio, à l’heure du paseo organisateurs et toreros attendent le débachage de la piste.
Choisir entre passion et raison
Florian Cazalot, Président des Arsouillos depuis 2018, va être confronté à un dilemme annuler ou donner la course :*. Raphael Salomé un des membres de la commission Toro se souvient: « Nous avions l’accord de l’assureur pour annuler. La première bonne surprise est que la bâche a relativement bien protégé la piste. Commencent alors les discussions sur la décision que l’on va prendre. Dans l’équipe les avis étaient partagés. A regret et à contre-cœur, pour des raisons économiques, je ne voulais pas mettre en péril, la pérennité de la date.»
La piste est praticable mais comme souvent c’est aux toreros de se prononcer. « Les professionnels avaient envie qu’on la donne. Une chose était sûre, si la course se donnait , il fallait aller jusqu’au bout quelque soit les conditions par respect du public.»
Une décision qui ressemble aux Arsouillos
L’équipe prend une décision dans l’esprit de la peña comme l’analyse Raphael . « Après si on prend un peu de recul par rapport à cette décision, elle ressemble aux Arsouillos. On savait que les mois qui allaient suivre seraient difficiles, pour éponger le déficit mais nous avions foi en notre capacité à le faire. En plus il restait un week-end de fêtes avec des repas, la buvette. Nous avons même envisagé faire des lotos s’il le fallait. Très vite l’envie de donner la course avec le risque financier a pris le dessus.
C’est une novillada que nous montons de A à Z . On a dans notre aficion de quadras aturins une vraie histoire avec Palha. Dans notre inconscient, dans ce qui nous anime, c’était dur d’annuler. »
Une course difficile à monter
Pour Mathieu Cazalet, qui coordonne la commission taurine, la course devait être maintenue tellement la novillada avait été compliquée à monter. « En plus, nous avions galéré à l’organiser . Les toros, ont été embarqués avec un accord oral des vétérinaires. C’est en cours de transport que nous avons eu l’accord écrit pour leur entrée en France. Cela a été une bataille administrative pendant des mois à cause de l’épizootie du MHE. Galère pour faire venir les novillos, galère avec la pluie le jour de la novillada…nous étions motivés pour que cela réussisse. »
Le règlement taurin a été respecté d’un bout à l’autre de la prise de décision. « On a aussi respecté le règlement. Une fois la bâche retirée, la piste était praticable. Les professionnels voulaient toréer. On s’est donc aussi calé sur ce que dit le règlement dans ce cas là. »
On y va , on verra après pour les finances
Une fois la décision prise Raphael Salomé doit faire l’annonce à un public frigorifié et réfugié dans la partie couverte des arènes. « Quand j’ai dit quelques mots pour annoncer que la course se faisait, dans mon esprit il fallait qu’on fasse un carton sur le week-end pour compenser les pertes. J’ai invité le public à venir lors de nos animations. »
Très vite la qualité de ce qui se passe en piste fait oublier aux organisateurs les conséquences financières de leur décision. Raphael repart au guichet pour clôturer la billetterie. « J’ai un sentiment un peu bizarre. Est-ce que nous n’avons pas fait une bêtise de prendre cette décision ? Les Arsouillos c’est une association qui a plus de cinquante ans. Il y a une culture du bénévolat et de l’organisation. Mais c’est fragile. Si le côté économique et financier ne suit pas, il est difficile de mobiliser des gens. C’est plus facile si les comptes sont à l’équilibre. Il faut avoir cette vision associative globale. »
Les toros donnent raison aux organisateurs
Très vite l’Aficion prend le dessus sur le doute « Quand je suis revenu dans les arènes, j’ai demandé à Thierry (Pinot) et à Mathieu (Cazalet) comment cela se passait. J’ai vu dans leurs yeux que c’était bien voire très bien. En piste, le Palha est noble et sert. Toute la novillada reste entretenue et va a mas. Nos sentiments s’inversent. Nous redevenons spectateurs, plus qu’à l’habitude. J’en ai profité. »

« On a perdu des sous mais on a pris du plaisir.» nous dit Mathieu. « La pression était présente quand est sorti le premier novillo. Si la course sort mal, en termes de notoriété, on est perdant en plus de la perte financière. Au fur et à mesure de la course, je me sentais mieux. Au final, c’est une course qui nous ressemble. C’est ce que nous aimons. »
Après la course, les sourires du public.
La récompense de la prise de risques est palpable dès la fin de la novillada. C’est ce que perçoit Raphael Salomé. « Après la course, ce qui m’a marqué ce sont les sourires des gens, amis ou aficionados qui nous ont été fidèles malgré les conditions météorologiques. L’ascenseur émotionnel de cette journée nous avait éprouvé mais la réaction très positive du public et de l’entourage nous conforte dans nos choix taurins que nous assumons et revendiquons. ».
Ce d’autant plus qu’en tant que président de la commission Toros, il est important que « Les Arsouillos » s’y retrouvent et restent unis. « Là où ce sentiment va encore plus loin c’est quand ceux de la Peña qui ne sont pas aficionados nous disent que c’est énorme et génial. Avant de défendre la novillada auprès des aficionados et du grand public, il faut la défendre auprès des membres de notre association. Quand ce qui se passe en piste vient valider nos choix et étayer nos argumentaires, j’ai des frissons en y repensant. Certaines années on se rattache à un toro, à un moment de la novillada, là c’est l’ensemble du spectacle avec ce que les présents ont vécu et partagé une grande émotion. »

Des finances qui ne s’en sortent pas si mal
La chance sourit aux audacieux et entre les animations et les contrats d’été pour la banda, les finances ont commencé à reverdir. Finalement face à l’adversité, s’est créée une véritable solidarité et une dynamique extrêmement positive « La fête des Arsouillos n’est pas que taurine. L’équilibre financier se fait dans le contexte de ce week-end du 1er mai. Hors animation l’équilibre se fait à 1500 personnes dans les gradins. Avec à 1000 personnes c’est difficile mais on sait faire., A 1200 on est bien. En 2024, le 1er mai se situait en tout début de la Fête des Arsouillos. La soirée du mardi a très bien fonctionné avec les Xarrangas navarraises de Tafalla. Celles du jeudi et du vendredi ont été des soirées record. Au final, nous sortons de la fête avec un déficit bien moindre que ce que nous avions pu anticiper.
Une spirale positive
Nous avons la chance d’avoir un groupe musical et la saison d’été s’est très bien passée. Tout cela s’est fait avec la volonté de repartir sur des bases saines. Au milieu de cette réussite de la fête, il y a aussi une réussite humaine. Les gens ont pris du plaisir à l’organiser. Nous n’avons jamais eu autant de bénévoles. Nous sommes dans une spirale très positive que nous n’avions pas anticipée au sortir de la COVID . Beaucoup de jeunes veulent participer, prendre des initiatives. Par exemple, il fallait repartir au campo pour faire des images, ce sont les jeunes de la commission qui y sont allés. On a vraiment un groupe qui a cet appétit du bénévolat. C’est une vraie passion de leur transmettre ce qui nous a été transmis. »
Il y eu aussi quelques bonnes surprises « Il est aussi important de dire que certains professionnels taurins ont fait des gestes. Ils ont vu que nous avions eu le courage de faire la course. S’ils nous ont félicités le jour de la course, quand on a vu arriver les factures, ils avaient fait un geste financier. Nous avons eu aussi des gens qui ont fait des dons. » rajoute Mathieu
Maintenant place à 2025
Le reconduction des Palha s’est imposée (presque) comme un évidence qu’il a fallu quand même valider pour Raphael : « Sur le papier et avant de partir au campo, reconduire Palha s’imposait même si nous sommes allés dans d’autres ganaderias au cas où. Nous avons un peu douté car pour le lot que nous proposait l’éleveur, les novillos n’étaient pas au mieux de leur forme quand nous les avons vus. Il faut toujours se projeter. Les novillos que l’on voit à l’automne surtout au Portugal, vont prendre du volume. Il faut faire confiance aux gens d’expérience. Joaquim Carlos, le mayoral, qui vient de nous quitter était quelqu’un avec qui il était facile de travailler. Si on part de la ganaderia avec des doutes. Joaquim nous a rassuré. Mathieu est retourné au Portugal, il y a quinze jours et les novillos sont prêts. »
Une relation gagnant/gagnant avec l’éleveur
Mathieu insiste sur cette relation gagnant/gagnant qui s’est installée avec l’éleveur portugais : « On se connait depuis longtemps avec Palha. Le ganadero a vraiment apprécié que nous ayons donné la course. Pour sa notoriété cela a été important. Il nous l’a dit en automne et répété au congrès de l’UCTF. Il a pour objectif de sortir en corridas dans des arènes de première catégorie en France.Aire est une étape pour lui et nous nous voyons comme cela. Si le lot ressort bien cette année et qu’en 2026 il y a un lot à Vic, Bayonne, Dax ou Mont de Marsan, nous aurons fait le job. Nous avons un vrai contrat gagnant/gagnant entre nous. Nous cherchons toujours à ce que le ganadero ait à gagner en venant chez nous. »

Pour les novilleros une évidence et la recherche de la nouveauté
Les Arsouillos pour le cartel piétons essaie de mixer attractivité et goûts personnels « On essaie de monter un cartel attractif et qui nous plait. En 2024, nous avons deux triomphateurs Peñajanda et Cirugeda . Le premier a pris l’alternative. Le second est toujours novillero. Il était assez évident de répéter ce dernier. Les jeunes de la commission voulaient remettre Pepe Luis. Il nous restait à trouver les deux autres.

Depuis deux ans, plutôt qu’un ou deux se renseignent sur les novilleros en activité, chaque membre de la commission suit deux ou trois toreros. Nous échangeons. Nous ne sommes pas tous des grands techniciens du toreo. Cela se fait beaucoup sur le ressenti et l’émotion. On finit par se mettre d’accord sur une short-list de cinq ou six noms.
A partir de là interviennent des critères plus terre à terre. Le premier est de savoir s’ils veulent et peuvent prendre une course de Palha. On a veillé à échanger avec les organisateurs des novilladas près de chez nous de ce début de saisons pour éviter des répétitions. Avoir des cartels un peu originaux, c’est quand même plus confortable. »
De l’expérience et une surprise
Face à ce genre de bétail l’expérience est un atout et quand l’éleveur recommande un torero, il est du devoir d’une organisation d’être à l’écoute pour mettre tous les atouts de son côté « Chacun doit avoir quelque chose à venir chercher à la novillada des Arsouillos mais la vision de l’organisateur prime. C’est peut-être une une concession à notre vision originelle mais la faisons avec beaucoup de passion et d’envie. Pour Nino Julian, c’est un novillero qui banderille et a du bagage. Le fait de mettre un Français, nous paraissait important. » nous confie Raphael. « Nous cherchons des novilleros expérimentés, des toreros qui banderillent pour mettre de l’ambiance au second tercio. Nino a l’expérience et a déjà pris, avec les Valverde et les Santa Coloma, ce type d’élevage. Il coche toutes les cases pour rentrer au cartel. » rajoute Mathieu.

Et quand l’éleveur lui-même émet un souhait, il est peut-être bon d’écouter ses conseils : « Il y a eu une novillada l’an passé à Igueira del Real de Palha qui est très bien sortie. Mariscal Ruiz était à l’affiche. Sur les conseils de l’éleveur, nous l’avons donc programmé. Malheureusement le jeune novillero s’est blessé à la main. Insuffisament remis, il ne pourra pas toréer à Aire. Il sera remplacé par le mexicain Eduardo Neyra qui fera sa présentation en France. Novillero expérimenté, il s’est illustré l’an passé en remportant notamment la Espiga de Oro à Calasparra (3 oreilles face à des Pincha) et en coupant 2 oreilles à des Raso de Portillo à Peralta. Du fait de son ancienneté, il officiera à Aire en tant que chef de lidia. »

Les prix 2024
La novillada 2024 de Palha a reçu des prix et a conforté les Arsouillos dans leur démarche. Le président s’en réjouit : « Pour la partie aficonada et celle non aficionada de la Peña, cette reconnaissance du monde taurin a été très bien reçue. C’est quelque chose qui touche vraiment parce que c’est la reconnaissance de notre travail par les connaisseurs, les critiques taurins., de gens qui ont une vision globale de la temporada. ». Mathieu renchérit « Autant le prix des novillos, on le voyait venir. Mais le coup de cœur des critiques taurins, on ne s’y attendait pas et cela nous a vraiment fait plaisir. »
Reste à connaître le programme entier de la journée
«Le matin, à 11 heures, il y aura un encierro. Carretons pour les pitchouns puis des veaux pour les ados courageux. Nous terminerons par un encierro de vaches pour les adultes. Nouveauté cette année, sur une partie du parcours nous allons relâché les veaux pour les practicos et les personnes qui veulent s’essayer à la tauromachie.
Nous partons du principe que la tauromachie débute dans les champs et dans les rues. Si on veut amener les gens aux arènes, il faut aller les chercher dans la rue. Ce sera la rencontre des tauromachies. On recherche cette tauromachie de rue qui amène de l’émotion. Le côté gratuit est très important. L’an dernier nous n’avons pas pu le faire car le parcours était trop glissant. On l’a fait en 2023 et cela a été le spectacle qui a attiré le plus de monde sur la Fête des Arsouillos. C’est à la fois un succès que l’on veut recréer et une vision d’une tauromachie qui va vers le public et qui est la nôtre. »
Banquet gaulois
«Pour la restauration, le midi, il y aura un banquet. On n’est pas loin de l’esprit d’Astérix et Obélix comme y fait référence notre affiche. Le nombre de places est limité à 500 personnes pour pouvoir être dans l’opulence, le bon moment. Il y aura les musiciens pour animer ce banquet. Comme l’an dernier, nous sommes sur un week-end de fêtes avec plein d’animations possibles. La novillada s’inscrit dans la Fête des Arsouillos et dans cette volonté de promouvoir une fête taurine, musicale, populaire qui rassemble le plus grand nombre. »
Ne reste plus qu’a souhaiter d’avoir un peu plus de chance côté météo pour que la fête soit complète. Suerte aux Arsouillos, en espérant que le ciel ne nous tombe pas sur la tête.
La billetterie est ouverte à l’Office de Tourisme d’Aire sur l’Adour au 05 58 71 64 70.
En attendant, réservez en ligne : https://pena-los-arsouillos.assoconnect.com/…/523877-h… pour la novillada et https://pena-los-arsouillos.assoconnect.com/…/542661-n… pour le repas qui affiche déjà complet. De plus amples renseignements sur le site des Arsouillos www.arsouillos.com .
Propos recueillis par Philippe Latour et Thierry Reboul