Beaucaire : desafio sans vainqueur mais pas sans intérêt
Les arènes Paul Laurent, à l’ombre de ses platanes, accueillent ce jour le premier desafio ganadero du week-end. Il oppose deux ganaderias françaises : Yonnet et Tardieu Frères. Les organisateurs ont bien fait les choses en distribuant à l’entrée un sorteo complet, ce qui est souvent loin d’être le cas dans les arènes de troisième. Rappelons qu’il s’agit d’un concours de cuadrillas, aussi leur composition est annoncée au micro à l’issue du paseo. Le mistral soufflant fort en rafales durant toute la journée a nettement molli au moment des clarines. Soulignons l’excellente présidence de Benoît Pince dont les décisions ont été justes et le chronomètre précis.
Résumé
Les novillos
Bien dans le type de leur encaste et pourvus d’armures agressives à l’exception du troisième armé en pince de crabe, les novillos ont été de présentation irréprochable. Disons tout de suite que la grande déception de la tarde est venue de leur comportement au cheval. Aucun réel brave, les tercios de piques demeurant sans émotion même si tous les novillos ont pris une double ration de fer mais sans style et sans pousser. Le deuxième de Yonnet pourtant plus léger que ses congénères, a été placé au cheval à trois reprises. Au troisième tiers, le deuxième Yonnet et les deux premiers Tardieu s’avèrent nobles avec une bonne embestida offrant des possibilités aux piétons.
Les toreros
La terna du jour est internationale, portugaise, espagnole et française. L’expérimenté Lisutanien Joao d’Alva est un habitué des lieux puisque présent à deux reprises lors de l’édition précédente et répété pour la course de demain. Durant toute l’après-midi, il a parfaitement assumé son rôle de chef de lidia. Brillant lors de la pose des banderilles, il fait preuve d’autorité muleta en main. Il aurait pu couper une oreille à son novillo de Tardieu si le public en avait décidé autrement. Le Madrilène Pepe Luis Cirugeda, apodéré par David Adalid, sort grand vainqueur du jour. Il a eu à combattre les meilleurs bichos de chaque élevage.
Avec son adversaire de Tardieu, il a offert une faena complète lui valant un trophée justifié. Notre représentant, le Nîmois Valentin Vindevogel « Valentin », fait aujourd’hui ses débuts en novillada piquée. On se doit de souligner le courage et la prise de risque, ce d’autant qu’il n’a pas été favorisé par le tirage au sort. Il récupère un exemplaire de Yonnet sans transmission et un novillo de Tardieu de presque quatre ans aux armures cauchemardesques. Face à ce bétail, Valentin s’est montré très digne et valeureux et demande à être revu dans des conditions moins belliqueuses. Soulignons ici la qualité des estocades tout au long de la tarde.
La novillada vue par l’objectof de Daniel Chicot
Joao D’Alva
1° novillo – Yonnet n°89 02/2022
Joao D’Alva va accueillir son premier adversaire devant la porte du toril, dans un silence juste troublé par le chant des cigales. Le capoteo de véroniques qui s’ensuit est dominateur, gagnant le centre. Le Yonnet est de bon trapio, bien armé mais juste de force. Il prend deux piques sans mettre les reins, la deuxième réduite à un picotazo en arrière. Joli quite par navarras de Cirugeda, avant un tercio de banderilles rondement mené. Les palos sont posés dans les cornes, ce qui a le mérite de réveiller le public.
Le Portugais débute sa faena prudemment de la gauche. À droite, il se fait avertir par son adversaire qui est sans réelle difficulté mais qui présente le défaut de donner un mauvais coup de tête au contact de la flanelle. À aucun moment, Joao D’Alva ne saura corriger ce hachazo et trouver le bon sitio. Sur la dernière série de naturelles, il se fait désarmer. Entière caida au premier assaut. Avis. Silence au torero et silence au novillo.
4°novillo – Tardieu Frères n°22 08/2021
Le novillo de Tardieu est un bel exemplaire aux lignes fines, astifino, très typé Nuñez. Le Portugais va à nouveau a porta gayola, suerte très tendance ces derniers temps. La larga afarolada est très serrée. La série de véroniques qui suit porte sur le public. Le tercio de varas est encore quelconque avec une double ration de fer plutôt légère. Le tercio de banderilles est à nouveau brillant avec une troisième paire au quiebro superbe. Brindis à Laurent Giner. Bon début de la main droite alluré et rythmé à un novillo qui met bien la tête dans le leurre.
En bon lidiador, D’Alva s’aperçoit vite que le meilleur piton est le gauche. Les naturelles s’enchaînent mais l’ensemble manque un peu de profondeur. Circulaires et desplante genou en terre bienvenu. Le final est élégant par des aidées par le bas. Le Tardieu est distrait et difficile à cadrer. L’estocade qui résulte est al encuentro, entière et en bonne place, après un avis. Le puntillero relève le toro et sonne un deuxième avis. La mort un peu longue lui coûte l’oreille. Le diestro effectue une vuelta fêtée au son de « Viva España », ce qui pour un Portugais ne manque pas de sel.
Pepe Luis Cirugeda.
2° novillo – Yonnet n°87 02/2022
Pour relever le défi, Cirugeda va à son tour s’agenouiller devant la porte du toril. Le capoteo est banal. Le Yonnet est bonito et finement armé. Il prend trois piques sans rechigner mais sans réel poder. David Adalid, banderillero-apoderado, omniprésent durant toute la course, est un atout majeur pour le Madrilène. Depuis le burladero, il met son poulain en confiance et lui prodigue les bons conseils. En plus de cela, il pose deux excellentes paires de banderilles qui lui valent de saluer.
Brindis a todos. Le novillo en début de faena s’avère andarin, ce qui gêne quelque peu l’Espagnol. Les naturelles sont toutes aidées, traduisant le manque d’engagement. Progressivement, Cirugeda prend la mesure de son adversaire qui possède une excellente corne droite. La faena va de menos a mas. Conclusion par manoletinas. L’estocade s’avère entière, contraire et delantera. La vuelta forcée, vite avortée, la récompense se limitant à un salut et applaudissements à l’arrastre.
5°novillo – Tardieu Frères n° 68 06/2022
Le Tardieu sorti en cinquième position, très élancé et armé large, va s’avérer être le novillo de la course. Comme il se doit, Pepe Luis Cirugeda va une nouvelle fois l’accueillir a porta gayola et lui servir une nouvelle larga de rodilla le long des planches. Le novillo s’engouffre dans le capote présageant d’une bonne noblesse. À nouveau, au cheval, rien à signaler. Deux piques pour la forme en économisant le bicho. Grand tercio de banderilles avec, à nouveau, salut de David Adalid accompagné de Marco Galan.
Après brindis à son compañero Joao D’Alva, le Madrilène débute à genoux au centre par une série avec changements dans le dos répétés, qui porte sur le conclave. Le novillo a une charge suave sur les deux pitons. Les séries s’enchaînent et le toreo est varié : arucina, molinete de mise en suerte, circulaires et changement de main bienvenu. Cirugeda est en confiance poursuivant sa faena en musique. Bernardinas pour conclure avant une bonne épée entière en place mais longue d’effet. Un avis suivi de deux descabellos n’empêchent pas la sortie du mouchoir blanc justifié. Gosse ovation au novillo de Tardieu.
« Valentin »
3° novillo – Yonnet n°77 08/2022
Pour son début con caballos, Valentin hérite d’un adversaire de bon trapio mais armé brocho. Le novillo effectue une demi-vuelta de campana lors d’un capoteo d’ouverture prudent. Sur la première pique, le cheval chute par surprise et non pas sur la poussée, et on saluera l’excellent quite a cuerpo limpio d’un monosabio. Il faut une éternité pour le relever. La deuxième pique est bien portée mais encore une fois, sans éclat.
Au cours du tercio de banderilles, le Nîmois manque se faire prendre par surprise sur un violent remate contre le burladero. Début de faena de la droite mais le toro manque de charge, ce qui ne facilite pas la tache du Français. Les séries à mi-hauteur manque de liaison et de dominio. À gauche, un désarmé interrompt la série de naturelles. Bonne série de la droite pour terminer face à un adversaire qui manque singulièrement de chispa. Demi-lame en place, suivie d’un avis. Voltereta sans mal en portant le descabello. Silence aux deux protagonistes.
6°novillo– Tardieu Frères n° 25 08/2021
En voyant sortir le presque toro, fermant le ban, une estampe avec pour armures deux crochets acérés, on se prend à frémir pour notre compatriote. Un animal largement mieux présenté que beaucoup sortant en corrida dans des plazas de première. Mais c’est sans compter sur le courage et l’abnégation à toute épreuve du jeune torero. Le Tardieu prend deux longs puyazos. Le tercio de banderilles ne restera pas dans les mémoires. Brindis au centre. La faena donnée des deux mains est méritoire, la corne passe souvent très près de la fémorale. Malgré ce, Valentin enchaîne courageusement, allant même jusqu’à aguanter son adversaire. Bien entendu, l’ensemble est loin d’être parfait, mais peut-on lui en vouloir dans ce contexte ? Belle estocade, entière, en place, portée au premier envoi, qui libère le public qui retenait son souffle. Salut. Palmas à l’arrastre.
Conclusion
Finalement, nous avons vécu une corrida entretenue, même si elle n’a pas apporté ce qu’on attendait d’elle lors du premier tiers. Laurent Giner, croisé à la sortie, n’a pas caché sa déception. Pour autant, les toreros ont été sérieux, lidiadors et professionnels. Si Pepe Luis Cirugeda sort vainqueur aux points, si Joao d’Alva a confirmé les qualités de lidiador qu’on lui connaissait, je donnerais une mention spéciale pour le pundonor du jeune Valentin qui a vécu une après-midi compliquée, de celles qui marquent un apprentissage. Il nous a donné envie de le revoir dans d’autres circonstances. Concernant le palmarès, le prix à la meilleure ganaderia n’a pas été attribué et le jury a voulu, non pas récompenser une cuadrilla, mais l’énorme professionnel qu’est David Adalid.
Olivier Castelnau
Fiche technique
- Beaucaire. Arènes Paul Laurent. 3 novillos des Héritiers d’Hubert Yonnet (1,2,3) et 3 novillos de Tardieu Frères (4,5,6) :
- Joao D’Alva (brique et or) : Silence – Vuelta
- Pepe Luis Cirugeda (ciel et or) : Salut – 1 oreille
- « Valentin » (vert bouteille et or) : Silence – Salut
- 13 piques, Cavalerie Heyral
- Salut de David Adalid au 2 et 5 et de Marco Galan au 5
- Président : Benoit Pince
- Prix de la meilleure ganaderia desierto
- David Adalid est récompensé pour ses deux grands tercios de banderilles
- Entrée 3/5ème
- Soleil. Chaleur estivale
