Istres : la nouvelle grande porte de Clemente
Istres : la nouvelle grande porte de Clemente
Nous avions été prévenus. « Notre corrida de l’Art ne sera pas une corrida flamenca de plus, mais un hommage rendu aux toreros par un torero » (Interview de Bernard Carbuccia). Paco Peña est un ancien torero cordouan reconverti aujourd’hui dans son autre passion, celle du chant flamenco. Pendant 20 ans, il a banderillé pour les plus grands. C’est aujourd’hui tout ce qui fait la différence, le cantaor et le torero ne font qu’un, capable d’appréhender la sensibilité de ceux qui se jouent la vie dans le ruedo et d’anticiper les instants magiques d’une faena, en y apposant sa propre sensibilité flamenca.
Le duende.
Cette tarde aura su réunir le chant profond, celui qui vient de l’intérieur et le toreo profond, celui qui vient du parfait accord entre l’homme et l’animal, pour produire el arte jondo, l’art profond. Le flamenco et le toreo possèdent en commun un sentiment rare, qui surgit lorsqu’on ne l’attend pas, vous prend par surprise et vous tire les larmes des yeux et du cœur : le duende. Discret, il n’est pas perceptible par tous. Ce terme de duende est difficilement traduisible en français. Ce qui s’en rapprocherait le plus est : la grâce… Hoy en Istres tienen el duende !
Résumé
Les toros
Pour cette corrida de l’Art, les organisateurs ont porté leur choix sur le bétail de Zalduendo, marqué du Z. Ce fer historique détient le record d’ancienneté, celle-ci ayant été acquise en 1817. Bien entendu, le sang originel a depuis longtemps disparu, et c’est du pur Domecq, via Fernando Domecq, qui coule dans les veines des Zalduendos. Les organisateurs, en choisissant ce fer, se sont assurés des meilleures garanties de succès pour une corrida à orientation artistique.
Lot homogène de 523 kg à 485 kg, harmonieux et de tête commode, en adéquation avec la catégorie de la place et l’objectif du jour. Inutile de s’appesantir sur les comportements des bichos, à peu de chose près identiques. Un tercio de varas réduit au strict minimum, en 6 monopiques sans style. En revanche, un bon jeu au troisième tercio, cependant terni par un manque de force, de transmission et d’émotion. Tous applaudis à l’arrastre, à l’exception du 5, pour les remercier d’avoir donné ce pourquoi on les avait choisis. Meilleurs les 1, 2, 3 et 6.
Les toreros
Le cartel piéton est cohérent. David Galván traverse une bonne période. Juan Ortega le grand artiste sévillan fait sa présentation au Palio. Ils sont accompagnés par Clemente, remis à temps de sa blessure nîmoise. La présence du Français s’impose comme une évidence, après ses deux indultos de la saison dernière à Dax et à Béziers, l’excellente impression laissée à Madrid pour sa présentation et les triomphes de toutes ses actuaciones istréennes antérieures.
David Galván
1° toro – N° 326 – 485 kg
Galván accueille le toro par un capoteo varié et alluré. Le toro est flojito et la vuelta de campana n’arrange rien. La faena est déroulée à mi-hauteur pour maintenir le Zalduendo debout. Les séries sont enchaînées au rythme de la guitare, du chant de Paco Peña et des palmas. À droite au ralenti, à gauche de façon plus vive et enjouée. C’est magnifique. Chicuelo II prend la suite avec le merveilleux paso Plaza de España. Toreo lié dans un mouchoir qui porte sur le public. Bernardinas engagées et en douceur, précédant une entière dans le recoin d’Ordoñez. Une oreille après avis.
4°toro – N° 289 – 511 kg
À nouveau, le capote est alluré. Le toro est faible et manque de classe. Il en résulte une faena sans profondeur, souvent menée sur le pico et qui ne transmet rien. Le toro est épuisé et le toreo de porfia final est inutile. Manoletinas de clôture avant pinchazo sur toro arrêté. Second pinchazo, suivi d’une entière en place. Salut.
Juan Ortega
2° toro – N° 280 – 491 kg
La prestation du Sévillan à son premier toro va laisser une impression étrange d’une déconnexion entre son toreo profond et le public du Palio, comme une incompréhension. Juan Ortega va pourtant proposer à son premier toro, les plus beaux capotazos et muletazos de la tarde. Les véroniques initiales sont d’un calme et d’une lenteur absolue, suivies par une faena classique, somptueuse, intimiste au son délicat de la Concha flamenca. Les séries se suivent liées par des changements de mains opportuns. Las, cette tauromachie peu spectaculaire laisse le public de marbre. Entière caidita d’effet rapide, qui fait tomber une oreille du palco.
5°toro – N° 249 – 507 kg
Le 5ème est le seul qui a un peu de gaz à la sortie. Comme il est violent dans son capote, l’Andalou le fait détruire dans une pique assassine. Début de faena par doblones qui ont ravi les photographes par leur esthétique… À nouveau, aucune réaction du public. Ortega n’insiste pas et la faena tourne court. La violence toute relative de l’animal n’arrange rien. Machateo malvenu et peu approprié face à ce genre d’adversaire. Entière desprendida. Silence.
« Clemente »
3° toro – N° 306 – 523 kg
Le Français est appelé à saluer. Il bénéficie d’un capital sympathie qui persistera durant toute la tarde. Le 3ème castaño est de trapio plus imposant que ses frères mais d’armure très abimée.
Début de faena par aidées hautes, rematées par une passe de dédain qui porte sur le conclave. Les séries de la droite sont templées au son du chant flamenco. À gauche, la charge est moins claire et la muleta accrochée. Retour à droite pour de bonnes séries mais manquant un poil de profondeur. Le toro est soso et ne transmet aucune émotion. La grande estocade permet de couper 2 oreilles, la seconde chauvine.
6° toro – N° 185 – 514 kg
Clemente double son ultime adversaire avec classe. Le toro met bien la tête sur les deux pitons. Le diestro profite de cette belle embestida pour délivrer des séries d’excellente facture, en accord avec la voix de Paco Peña. Sublime. Le solo de trompette du paso Davila Miura s’accorde parfaitement avec la sérénité du Français. En fin de faena, le toro baisse d’un ton pour finir parado. Clemente veut tirer le maximum du toro, jusqu’à écouter un avis. L’entière perpendiculaire d’effet rapide permet l’octroi de deux nouveaux pavillons, synonymes de sortie par la grande porte.
Conclusion
La corrida de l’Art a atteint son objectif de magnifier le toreo par le chant profond du flamenco. Juan Ortega nous a offert les plus beaux passages sans connecter avec le public, David Galván confirme qu’il est un torero de grande classe et, bien entendu, Clémente se paye le luxe d’ouvrir, pour la quatrième fois consécutive, la grande porte du Palio. Excusez du peu.
Olivier Castelnau
La corrida vue par l’objectif de Daniel Chicot
Fiche Technique
- Istres. Arènes du Palio.
- 6 toros de Zalduendo pour :
- David Galván (vert bronze et azabatche) : Oreille (1 avis) – Salut
- Juan Ortega (bleu ciel et or) : Oreille – Silence
- Clemente (sangre de toro et azabatche) : 2 Oreilles – 2 Oreilles (1 avis)
- 6 piques, Cavalerie Bonijol
- Clemente sort a hombros.
- Président: Monsieur Rayane Abid Assesseurs : Mrs L. Floret et G. Raoux
- Public : 4/5 ème
- Soleil. 31 °C.
Bonjour, vous parlez de chauvinisme pour la 2em oreille de Clémente.Tout à fait d’accord mais vous aussi vous en faites preuve en disant qu’il a laissé une excellente impression à Madrid ! Je pense que sans avoir démérité,les Aficionados ont plus été impressionné par V.Hernandez le lendemain ou Rafael Serna qui ont coupé tous deux 1 oreille.Quant à la corrida « canada dry » de Zalduendo,je pense connaître pas mal de toreros qui auraient ouvert aussi la grande porte avec ce genre de bétail !!Les indultos ne veulent rien dire pour moi, c’est tellement galvaudé de nos jours et ça permet d’obtenir des trophées sans rien risquer à la mise à mort !Le jour où les indultos seront sans trophées,il y en aura moins ! Voilà mon avis.Merci
Clemente……entre Nîmes et Istres……. ça fait beaucoup d’oreilles……!!!!!!?????????
Merci Galvan et le premier d’Ortega ,lenteur et temple avec de petites séries de muletazos quel bonheur