Madrid, Pedraza : Fonseca a rencontré Brigadier
Madrid, Pedraza : Fonseca a rencontré Brigadier
Carmen chante pour séduire Don José « le mien, il n’est que Brigadier, mais je daigne m’en contenter ». Des « Brigadier » comme ce dernier toro de Pedraza de Yeltès, on fait plus que de s’en contenter, on en redemande. On a retrouvé, avec juste un peu moins de puissance, ce qui nous a fait vibrer de Garlin à Dax en passant par Mont de Marsan, à savoir un Pedraza sérieux de présentation, brave au cheval, noble avec de la classe et de l’exigence au troisième tiers. Isaac Fonseca s’est mis au niveau de son toro qu’il a su mettre en valeur. Il a coupé une oreille de poids dans le cosso madrilène.
Roman a fait une vuelta après une faena technique et appliquée à son premier. Colombo a bien tué le second toro de la tarde. Le reste de la course ne restera pas dans les mémoires
En fait aujourd’hui, être aficionado c’était croire au Père Noèl au sixième toro.
Les toros
Pas grand-chose à retenir des cinq premiers toros de Pedraza de Yeltès si ce n’est qu’ils n’avaient ni la bravoure ni la noblesse de ceux qui ont fait la réputation de la ganaderia salmantine.
Heureusement est sorti Brigadier, le plus lourd du lot et probablement le plus dans le type des anciens Pedraza. Il a pris trois piques, pas toutes à son avantage, avec bravoure en partant de plus en plus loin et a mis les reins à chaque fois. Il lui a juste manqué un peu de forces pour « bouger » le cheval comme l’a fait Miralto à Dax. Au second tiers, très bien lidié, il a permis aux trois banderilleros de se mettre (et de le mettre en valeur). A la muleta, il a chargé avec noblesse et surtout beaucoup de classe humiliant du premier au dernier muletazo. Il a été honoré d’une vuelta posthume.
Les toreros
Le premier est manso. Querencioso, il permet d’enchaîner quelques passes à condition de peser sur lui et toréer avec autorité (et une certaine technique). C’est ce que fait Roman qui avec vaillance et application construit une faena là où d’autres auraient rangé les outils. Mise à mort en deux temps, la vuelta est largement méritée. La faena au quatrième est pleine de sincérité mais le toro va rapidement à menos, la faena en fait de même malgré les efforts du torero. La mise à mort est très laborieuse.
Jésus Enrique Colombo n’a pas le bagage technique pour gérer et, comme Roman à son premier, peser sur des mansos un peu compliqués. Il est vite débordé et ses faenas, souvent brouillonnes, sont décousues. De sa prestation, on retiendra une paire de banderilles et un grand coup d’épée au second Pedraza de la tarde.
Isaac Fonseca n’a pas pu faire grand-chose et n’a pas trouvé la solution pour résoudre les problèmes passés par son premier Pedraza. Il a eu la chance de tomber sur Brigadier un grand toro sorti en 6ème position. Il a su mettre en évidence sa bravoure au cheval. En symbiose avec la grande classe du toro, il a construit une faena sincère et qui a su aussi mettre en lumière la noblesse et la classe du Pedraza. Après il a coupé une oreille de poids, dans une arène qui lui réussit, qui espérons le pour lui donnera un coup de boost à sa carrière.
Fiche technique
- Arènes de Madrid, cinquième festejo d’abono de la San Isidro. Toros de Pedraza de Yeltès
- Roman : vuelta (avis) , silence (avis)
- Jésus Enrique Colombo : vuelta (avis), pitos
- Isaac Fonseca : silence, oreille
- Vuelta au sixième toro
- Quatorze piques et rencontres, cuadra Equigarce
- 630, 595 , 597 , 619, 624, 667 Kg
- Président : José Antonio Rodriguez Roman
- Ovation pour Borja Lorente qui a piqué le sixième
- Salut de Raul Ruiz, Juan Carlos Garcia et Tito au sixième
- Trois quarts d’arène
- Pluie à partir du second. Vent gênant
Toro à toro
Bello Roman
Le premier est bien armé. Il est plus Garcigrande qu’Aldeanueva. Il met bien la tête dans la cape de Roman puis tarde à charger le cheval. La première rencontre est brève. Le toro se défend sous le fer et sort seul. Mis plus loin, il hésite très longuement. Roman le replace pour un nouveau puyazo dont le Pedraza sort seul. Colombo fait un quite par des chicuelinas et une demie. Aux banderilles, il coupe le terrain. Roman brinde au public et cite de loin. Le Pedraza charge avec violence et arrache la muleta. Dans la continuité, il arrache la cape de Gomez Escorial.
Le torero reprend à gauche, toujours autant de violence. Sur la série suivante, l’animal cherche à partir aux planches à la sortie de chaque passe. Roman s’arrime et lui arrache, bien que géné par le vent, des naturelles méritoires compte tenu du peu de race du Pedraza qui est de plus en plus attiré par les tablas. Le valenciano lui arrache , il n’y a pas d’autres mots, deux séries de derechazos courtes mais intenses en lui laissant la muleta sous les yeux. Première entrée à matar, premier pinchazo , la seconde tentative se solde par une entière légèrement contraire. Entretemps un avis a sonné. Le Pedraza tombe au second descabello. Vuelta à la demande du 7 pour récompenser l’engagement du torero face à la difficulté.
Holandero Jésus Enrique Colombo
Le second est lui typé Aldeanueva. Distrait, il ne s’emploie pas dans la cape de Jésus Enrique Colombo. Il prend un premier puyazo en poussant sur la corne gauche mais sans bouger le cheval. Mis en suerte plus loin par des chicuelinas bousculées, le’ toro charge avec alegria, met les reins. Mais , comme lors de la première rencontre, il pousse sur une corne et ne bouge pas le cheval. C’est au tour d’Isaac Fonseca de faire un quite par véroniques. Colombo répond par delantales templées et une bonne demie. Le vénézuélien fait son show aux banderilles. La meilleure paire est la seconde.
Sur les gradins, les parapluies et les ponchos sont mis en service. Colombo commence sa faena à gauche puis prend la main droite. Le toro est noblote et passe mieux à droite. Il manque de transmission et finit toutes les passes la tête dans les nuages. Colombo enchaîne les passes sans vraiment construire sa faena. Il ne pèse pas sur un toro qui manque de transmission. Sur le pico, le vénézuélien ne se croise pas et ne donne pas le troisième temps de la passe. Manoletinas, on entend quelques olés. Le point fort de Colombo reste la suerte suprême .Un avis sonne. Il s’engage et tue d’une entière quasi fulminante. Pétition d’oreille, le président reste de marbre. Vuelta, cette fois-ci contre l’avis (avisé) du Tendido 7.
Burrecato Isaac Fonseca
La pluie continue quand Isaac Fonseca reçoit le troisième. Le toro se défend dans la cape. Première rencontre brève, il sort seul . Nouvelle rencontre sur le passage, il sort à nouveau seul. La troisième, carioquée, est un peu plus appuyé. Le Pedraza donne des signes de faiblesse. Fonseca brinde à tous les taurins mexicains qui vivent aujourd’hui des moments difficiles. Début de faena, par derechazos, le Pedraza est noble et répète sur les premiers muletazos. Géné par le vent, le mexicain ne trouve pas le sitio. Il recule beaucoup. Le toro commence à se défendre et c’est en grande partie à cause du torero. Isaac Fonseca prend la main gauche. Le mal est fait et le Pedraza est de plus en plus difficile. Le final de la faena est brouillon. L’entrée à matar est prudente et l’épée est basse. Le toro fait une hémorragie et tombe assez rapidement. Silence
Bello Roman
Le quatrième est plus Aldeanueva que Garcigrande. Roman le met en suerte pour une première rencontre. Mal piqué, le Pedraza met les reins mais ne bouge pas le cheval. Un picotazo light tient lieu de seconde pique. Cite de loin, Roman commence la faena par des derechazos. Le toro est noble, mais manque d’alegria et forcément de transmisssion. Roman s’applique et torée avec sincérité. A gauche, c’est compliqué. Le valenciano repart à droite. Le Pedraza va à menos , il finit toutes les passes la tête dans les nuages. Roman pinche à plusieurs reprises. Un avis sonne. Il met une demie « de travers » et très basse . Le toro se défend quand il s’agit de descabeller. Plusieurs tentatives sont nécessaires. Silence.
Holandero Jésus Enrique Colombo
Le cinquième ne s’emploie pas beaucoup dans la cape d’un Jésus Enrique Colombo qui ne s’emploie pas beaucoup lui aussi. La première pique est trop longue et très trasera. Le Pedraza pousse sur une corne et reste collé au peto. Manso, il fait sonner les étriers à la seconde rencontre et reste à nouveau collé contre le carapaçon. Le ralenti est cruel, les trois paires de banderilles sont spectaculaires mais à cornes passées. Colombo brinde à Roberto Pilès. Début de faena à droite, le torero est gêné par le vent. Le Pedraza est noblote mais manque de race. A droite et à gauche, le torero ne se croise pas. Débordé, il se fait arracher sa muleta. Le toro finit quasi parado et franchement embêtant. Le vent et la mansedumbre de l’animal ne font rien pour aider le torero qui n’insiste pas. L’épée est desprendida et rapide d’effet. Pitos
Brigandero Isaac Fonseca
Le cinquième , typé Aldeanueva, est le plus lourd de la course. Il humilie dans le capote d’Isaac Fonseca. Juste de forces et trop piqué, il prend un premier puyazo en poussant sur une corne sans trop bouger le cheval. Bien mis en suerte, il vient avec alegria au cheval pour la seconde rencontre. Il met les reins mais le cheval ne recule pas. Mis encore plus loin , il charge avec bravoure. Il met à nouveau les reins, dommage qu’il soit juste de forces. Le picador , Borja Lorente, est applaudi. Bon tercio de banderilles avec lidia efficace de Raul Ruiz, il se joint à Juan Carlos Rey et Tito pour recevoir l’ovation du public « de pie ».
Brindis au public, le mexicain entame les débats en citant de loin pour des derechazos de genoux qui portent sur le public. Le Pedraza est noble et a énormément de classe. Nouveau cite de loin, le torero baisse la main et le toro humilie pour trois derechazos de qualité. Nouvelle bonne série sur le piton droit, Fonseca prend la main gauche. Le Pedraza boit le leurre et Fonseca torée bien mettant en valeur le toro. Le Mexicain prend l’épée, l’astado aurait peut-être encore en dire plus. Un pinchazo précède une entière engagée et efficace. L’oreille est largement méritée . La vuelta à Brigadier l’était aussi.
Thierry Reboul, corrida vue sur Télémadrid