Puerto de Santa Maria : le troisième homme
Le troisième homme
« Celui qui n’a pas vu de toros à El Puerto ne sait pas ce qu’est une journée de toros… » La phrase prononcée par Gallito en 1916, a marqué à tout jamais dans la légende taurine l’image de l’imposante arène du Puerto de Santa María, au point d’en faire une des plus emblématiques de l’Andalousie.
J’avais dans mon souvenir, une novillada vue un soir d’été. J’avoue que la sentence du Maître du toreo m’avait paru incongrue at appartenant à un passé taurin qui n’avait plus court dans la réalité tauromachique moderne.
Et puis…
Voir une corrida au Puerto
En ce samedi 9 août se donnait corrida que tout le monde dans ce coin d’Espagne attendait avec excitation. Celle que les gamins ressentent devant les cadeaux que le vieux monsieur à barbe blanche a déposé un soir de décembre au pied du sapin.
Le « No Hay Billetes » affiché depuis belle lurette en témoignait, le Puerto avait envie de vibrer..
Au programme, le génie de La Puebla, Morante qui marchant sur l’eau actuellement arrive à convaincre même les plus scpetiques de ses détracteurs, Roca Rey l’idole des jeunes (et de moins jeunes) en quête perpétuelle de triomphes pour asseoir un peu plus son assise sur l’escalafon et le local de l’étape Daniel Crespo. Le troisième homme.. On le connait bien peu par chez nous si ce n’est par l’entremise du sorcier de Sanlucar, Luisito, le dénicheur de talents qui a pris en main sa carrière en cette temporada 2025.
entretien luisito
Le Portuense a réussi à se hisser en finale de la Copa Chenel sans suffisamment briller pour que son nom traverse la frontière avec force. Pourtant la finesse de son toreo, une classe naturelle qui ne se commande pas sur catalogue ont fait de lui un torero qui compte au Puerto, de celui qui enchante ce public réputé connaisseur mais aussi festif, combinant exigence technique et chaleur andalouse.
A 20 heures, au moment où le paseo s’ébroue, la lumière de cette chaude journée baigne encore une partie des arènes. Cette lumière ne va jamais s’éteindre lors de cette corrida.

Avons nous vécu une nuit magique? Le terme bien souvent galvaudé a pris sûrement tout son sens catalysée par une fièvre bienveillante mais sans mièvrerie des gradins. Bienveillance qui dans le ruedo était bien moins évidente, les rumeurs d’une brouille Morante-Roca apportant un piment supplémentaire. L’ovation que le public réserva à José Antonio Morante Camacho l’obligeant à saluer, fut néanmoins comme il est de tradition partagée avec les compagnons de cartels.
Une fois le premier Cuvillo sorti, changement de programme. Pas de place pour le « Maillon Faible », mais plutôt » qui veut prendre sa place » version « Questions pour un Champion ». Les Cuvillo correctement présentés pour l’occasion à l’exception du 5ème de moindre son, et du 3ème avec son lot de complications, par leur mobilité préservée globalement lors des contacts avec les porteurs de castoreño (malgrè une chute obtenue par le 4ème), furent de parfaits arbitres. Interdit de passer à côté de leur noblesse sans fadeur.
Morante
Morante de la Puebla vit la meilleure temporada de sa carrière. Au fond du trou en 2024, non seulement il renait de ses cendres, mais retrouve une seconde jeunesse toréant avec envie et régularité, le tout bien entendu dans un écrin artistique de toute première grandeur. Sa prestation du Puerto n’échappa pas à la règle. Tout y passa. D’une réception au capote « su generis » à la faena où de droite et de gauche, tout ne fut que toreria souligné par un chant flamenco surgi des tribunes. Comme l’entière fut enfoui jusqu’à la garde, deux oreilles tombèrent du palco. Elles se promenérent dans le délire.

Le quatriéme batailla avec le picador par trois fois, allant même jusqu’à faire chuter la cavalerie. Sa tendance à se défendre ne dérangea guère son adversaire. Dans une faena » a mas », il laissa sur le sable une naturelle sorti d’un autre espace temporel et de bon passages droitiers. Le président inflexible ne lâcha pas le mouchoir que l’arène demandait. Il faut dire que les aciers avaient été maniés avec imprécision.

ROCA REY
Le péruvien doit faire face à l’adversité gentiment grandissante d’une partie des aficionados lassés de sa tauromachie. Au Puerto, il n’y échappa pas. Des reproches lui furent adressés.. à l’andalouse, avec une agressivité toute mesurée. Il faut dire que Roca fit , que l’on aime ou pas, montre d’entrega , de poder et de dominio. A genoux puis de dos, sa fena initiale pris le public à la gorge. Le passage à droite fut le meilleur dans la partie classique avant que les cercanias à base de 360 degrés et les bernardinas serrées finales mettent le public en transe. L’épée fuminante la maintint à un haut niveau. 2 oreilles

Le cinquième fut une sorte de garbanzo negro. Il y eut des moments où le toro fut embarqué dans l’étoffe. Si l’ensemble manqua de souffle, Roca Rey ne baissa jamais les armes sauf bien entendu au moment de porter l’estocade.

DANIEL CRESPO
L’ovation qui monta lorsqu’il sortit du burladero, montre l’affection que lui porte son public. Passer après deux monstres qui viennent de mettre l’arène à ébullition n’est sûrement pas chose facile. Crespo dans sa volonté de bien faire les choses accueillit son Nuñez pas une très longue série de véroniques qui enleva sûrement du potentiel au toro. Cherchant querencia aux planches, le Cuvillo n’était pas simple à gérer. L’andalou essaya sans vraiment y parvenir de lui imposer sa tauromachie. La faena perdit en intensité au fil de l’eau.

Accélération de carrière?
Changement de programme avec le dernier. Quand on veut exister dans ce genre de corridas, la bienveillance du public ne suffit pas. Il faut démontrer que sa place dans ce genre de cartel est légitime au delà de son arène. Daniel Crespo y est parvenu sans coup férir. Allant pour la première fois de sa carrière accueillir le toro à puerta gayola, la réception qui suivit par véroniques mit le public debout et fit résonner la musique. Musique qui surprit son monde soulignant la faena par le concerto de Aranjuez. Habitude par chez nous, quasi- incongruité au Puerto.
L’émotion de la faena n’en fut que magnifiée. Accueil plein centre avec un cartucho de pescado puis une alternance des deux mains (ha cette main gauche!) qui s’adapta à la noblesse pleine de vie du Nuñez del Cuvillo. Daniel Crespo à chaque passe donnée se revendiquait un plus chaque fois pour sortir du carcans dans lequel le système l’a maintenu. Encore fallait-il qu’épée en main, le travail se concrétise. Entière jusqu’à la garde et deux oreilles dans la ferveur. Le rabo et le mouchoir bleu auraient eu leur place sans scandale.

Dans ce duel au soleil, il n’était pas évident de trouver sa place, Crespo l’a fait .. Dans une époque ou le montage des cartels manque d’originalité, il serait bon que nos organisateurs français se penchent sur le cas Crespo et s’interessent au troisième homme de cette corrida pour le souvenir.
Fiche Technique
- Puerto de Santa Maria. Toros de Nuñez del Cuvillo pour
- Morante de la Puebla 2 oreilles, saluts
- Roca Rey 2 oreilles (avis), saluts (avis)
- Daniel Crespo saluts, 2 oreilles
Voir le résumé video du 6ème
Philippe
entre Marbella vendredi et le PUERTO hier , la vraie vie est la bas !
Pauvre de moi , Landais exilé en metropole ANTIISTAN