Daniel Luque, après la douleur, le nouveau souffle
Daniel Luque, après la douleur, le nouveau souffle
De passage (régulier à Dax), couronné d’un nouveau triomphe dans la cité thermale, Daniel Luque s’est disponibilisé avant de partir pour d’autres arènes et d’autres triomphes pour nous rencontrer et répondre à nos questions.
Tertulias : « Félicitations pour ce nouveau triomphe. Comment vous sentez-vous ? Satisfait ? »
Daniel Luque : « Oui, bien sûr. Dax est, pour moi, une arène française très importante, sur le plan professionnel comme sur le plan personnel. Aujourd’hui, c’était une après-midi importante dans mon agenda, alors quand ça se passe bien, je suis heureux. »
Tertulias : « Parlez-nous de ce qu’il s’est passé avec ce 3e toro…(ndlr il a coupé 2 oreilles) »
Daniel Luque : « C’était un toro important, d’une ganaderia importante, de celles qui plaisent en France et qui a déjà eu de nombreux triomphes ici à Dax. J’y croyais vraiment. J’ai commencé avec la main gauche, doucement. Quand je vois qu’un toro a de plus grandes qualités sur une corne que sur l’autre, j’essaye de garder la meilleure pour la fin. Je crois que ça a été une faena qui compte. »

Tertulias : « Vous avez stoppé la musique, comme cela vous arrive souvent. C’est parfois mal perçu. Expliquez-nous…»
Daniel Luque : « Je crois qu’il ne faut pas faire les choses en fonction de ce qui plait aux uns ou aux autres. Je fais les choses comme je les sens. Ce n’est pas le plus important mais pour moi, le début de faena n’était pas un début à mettre en musique… Il fallait laisser du temps pour que la faena prenne son envol. Je suis attentif à la musique et cela peut me déconcentrer, particulièrement dans des arènes comme celles de Dax ou la musique est de grande qualité. Il fallait que la faena soit au niveau pour accompagner la musique. »

Tertulias : « Vous avez une relation spéciale avec Dax. Comment l’expliquez-vous ? »
Daniel Luque : « Simplement. Je pense que cela vient récompenser des années de lutte. La corrida seul contre 6 toros de La Quinta a été décisive dans la construction de ce lien. Cela peut sembler être un avantage mais en réalité ça ne l’est pas. Les gens ici me suivent, ils attendent de moi d’être toujours à 100% et ce n’est pas simple. Chaque fois que je m’habille avant de toréer à Dax, je ressens une grande pression, mais je sais que quand je donne de moi, ils me le rendent et c’est ce qui est si beau. »
Tertulias : « Avez-vous ce type de relation idyllique avec d’autres arènes ? »
Daniel Luque : « Même si au final, je pense que ces relations ne sont pas tant des histoires d’amour avec des arènes en particulier mais avec les moments partagés. On s’identifie moins aux arènes qu’à l’aficion et ce qu’elle transmet. Une arène en soit, c’est juste un outil matériel qui permet la rencontre avec les gens qui la remplissent. C’est cette relation-là qui compte. »

Tertulias : « On a senti un changement dans votre saison après Mont-de-Marsan. Depuis, les triomphes s’enchainent. Est-ce que ça a été une bascule dans votre saison ? »
Daniel Luque : « Oui. C’est le moment ou j’ai enfin réussi à me libérer de tout ce que j’avais vécu, notamment la maladie de mon père. Je me suis senti plus léger et c’est encore une fois en France que cela s’est produit. Pour ça, je serai toujours reconnaissant. »
Tertulias : « La perte de votre père a marqué le début de votre saison. Que représentait-il ? »
Daniel Luque : « Il représentait tout. Mais je ne veux pas mettre la responsabilité du début de saison là-dessus. C’était ma faute, car je n’ai pas été capable de me détacher de tout ça. Aujourd’hui, je veux me concentrer sur le positif et laisser ça derrière moi. J’avance et je profite du reste de la saison. »
Tertulias : « Comment avez-vous retrouvé cette force ? Qu’est-ce qui vous pousse ? »
Daniel Luque : « Sur le plan personnel je me sens bien. Il y a un dernier coup de fouet à donner pour terminer cette saison au plus haut niveau. J’ai un mois de septembre chargé et important. C’est tout ce que j’ai en tête. »
Tertulias : « Vous êtes arrivé à un niveau très haut techniquement et obtenu de nombreux triomphes… Quels sont vos prochains objectifs ? »
Daniel Luque : « Je n’aime pas m’avancer sur ce qui pourrait arriver. Je me contente de vivre le moment présent. »
Tertulias : « Dans une interview réalisée avec nous, il y a plus de 3 ans, vous nous disiez ne pas vous voir toréer à 40 ans… Vous en aurez 37 à la fin de l’année…Est-ce qu’il ne nous reste plus que trois ans de Daniel Luque ? »
Daniel Luque : « Cela varie en fonction du moment où vous me prenez, du moment que je traverse. Le plus important pour moi, c’est de réussir à être dans l’arène au niveau auquel je souhaite être. Le jour où ce ne sera plus le cas, ça s’arrêtera. »
Tertulias : « Votre carrière a été marquée par de nombreux changements d’apoderados. Est-ce une question d’opportunité ou de volonté ? »
Daniel Luque : « J’ai déjà de nombreuses années de carrière derrière moi. Je pense avoir réussi à choisir à chaque fois, la personne adéquat pour gérer chaque moment de carrière. En ce moment, je suis content car j’ai à mes côtés la personne la plus importante que puisse avoir un torero, avec toutes les qualités du grand professionnel et du grand apoderado qu’il est. Nous alors tout faire pour atteindre nos objectifs. »
lire ou relire l’interview de Luis Manuel Lozano
Tertulias : « Votre apoderado, justement, nous a dit de vous que vous étiez sans doute le torero avec le plus de toreros différents en lui : parfois le plus artiste, parfois le plus vaillant, jusqu’au plus technique… Comment vous définissez-vous ? »
Daniel Luque : « (Il soupire) Je crois que je n’ai jamais répondu à cette question. Je n’aime pas parler de moi. J’aime que les gens se fasse leur opinion ; et le jour où je me retirerai, alors je pourrai parler de comment je l’ai vécu. Pour le moment, quand je torée, j’essaye de le faire comme je le sens et de ne pas décevoir le public. C’est quelque chose qui parfois me joue des tours car j’ai tendance à cacher les défauts et complications des taureaux et les gens ne le voient pas toujours. C’est ma conception du toreo : très engagé et comme je le ressens. »
Tertulias : « Malgré le temps qui passe, certains continuent à vous coller une étiquette de mauvais garçon, colérique… »
Daniel Luque : « Dans ce milieu, il y a des intérêts que le public ne connait pas toujours… Ca m’importe peu. Ce qui compte c’est ce que je suis réellement. Les personnes qui me connaissent savent comment je suis. Pour le reste, la parole est gratuite ! Encore plus quand on te connait pas… Avant de parler de quelqu’un, le mieux c’est de le connaitre. Quand tu connais une personne, tu peux avoir une opinion. C’est une question d’éducation. Mais je fais avec. »
Tertulias : « Séville a enfin rendu les armes mais Madrid vous résiste encore. Pourquoi ? »
Daniel Luque : « Madrid est une arène très difficile. Séville m’a résisté pendant de nombreuses années, et pourtant c’est devenu une des arènes les plus importantes de ma carrière. Madrid résiste pour le moment, mais un jour ou l’autre, il viendra un toro avec lequel je pourrai mettre tout le monde d’accord. Ce n’est pas une préoccupation. Je suis convaincu que le moment viendra et qu’il sera important. Pour le moment, il faut faire au mieux avec les circonstances données. Je suis là depuis longtemps maintenant et je sais qu’il y a des jours qui sont en faveur des uns, et d’autres en ta faveur. Madrid doit être un jour en ta faveur, où tous les ingrédients sont réunis. »

Tertulias : « Vous toréez encore des toros d’origines variées. Que pensez-vous de l’évolution des ganaderias ? »
Daniel Luque : « Il est très important. Aujourd’hui, nous pouvons évoluer car les ganaderias ont évolué à pas de géants. Les éleveurs ont fait un travail incroyable pour obtenir des toros qui chargent. Rendez-vous compte, aujourd’hui, le nombre de toros qui chargent avec une charge spéciale, particulière… C’est grâce à leur travail que nous, nous pouvons créer ensuite dans les arènes. »
Tertulias : « Cette année, vous avez toréé un peu moins. C’est une décision? »
Daniel Luque : « Je vais là où l’on m’a appelé pour me proposer des contrats correspondant à ce que j’estime mériter. J’en suis content. Mon apoderado est là pour ça. Je torée et j’ai des contrats qui me permettent de réaliser mes objectifs. »
Tertulias : « Comment vous préparez-vous mentalement ? »
Daniel Luque : « C’est la partie la plus compliquée pour nous, les toreros. J’essaye de m’isoler de tout ce qui entoure ce monde et qui parfois peut porter préjudice, tout en me tenant informé. Je me concentre sur le professionnel. Sur un plan personnel, j’aime être calme. C’est ce qui m’aide à être dans l’arène celui que je suis chaque jour. C’est le plus difficile à réaliser. »

Tertulias : « Pour conclure, que peut-on vous souhaiter ? »
Daniel Luque : « Que tout s’aligne afin d’obtenir ce que je souhaite. »
Propos recueillis par Fanny