Séville, Escribano et Victorino, l’histoire continue
Séville, Escribano et Victorino, l’histoire continue
A n’en pas douter, un des cartels très attendu de cette feria. En prenant place ce jour, nous sommes nombreux à avoir le souvenir de la corrida mémorable du 13 avril 2024, où Manuel Escribano, après réception à porta gayola, avait failli laisser sa vie sous la corne de son premier Victorino, et était revenu en jeans pour réitérer la porta gayola et couper héroïquement les deux oreilles de son second adversaire. La confrontation Escribano-Victorino suscite donc une attente perceptible.
Résumé
Les toros
6 toros de Victorino Martin, homogènes en présentation, bien armés sans excès et conforme à l’encaste Saltillo (503 à 518 kg). Quatre cinqueños et deux plus âgés millésimés du 9. Trois cárdenos et trois cárdenos oscuro. De comportements variés allant du premier manso con casta compliqué à l’excellent cinquième à la charge vibrante, en passant par le deuxième difficile mais pas impossible et le sixième criminel sans option. Bref un large échantillon de la palette comportementale des Albaserrada qui a permis de maintenir un intérêt soutenu et constant durant la tarde. Au cheval, rien à dire, si ce n’est une attitude conforme à celle habituelle des Victorinos : piques prises sans rechigner mais sans style et en sortant du peto sans insister.
Les toreros
Face aux Victorinos, une terna habituée des combats difficiles. La lidia a été le maître mot de l’après-midi.
Jesús Manuel « El Cid »
A 51 ans, le vétéran andalou n’est plus que l’ombre de lui-même, mais il conserve ici un bon cartel qui lui permet d’être répété chaque année. De la prestation du Cid, nous ne retiendrons que celle de sa cuadrilla impériale et souvent salvatrice, avec à sa tête Juan Sierra, magistral dans la lidia et efficace dans la pose des bâtonnets. La sortie de son premier toro prend plusieurs minutes et nécessite l’intervention d’un peon, ne présageant rien de bon.
Ce qui sera vite confirmé. Le toro est un manso con casta freinant dans la capote autoritaire de Serra qui se charge de la lidia. Le bicho est irrésistiblement attiré par les planches et le terrain du toril. Face à un adversaire arrêté qui hésite et dangereux, le Cid ne se fait pas prier pour prendre l’épée dès le premier « matalo » descendu des gradins. Trois pinchazos et une entière alambiquée. Silence. Sifflets à l’arrastre.
C’est à son second toro que le Cid va montrer les limites de ses capacités actuelles. Débordé dès le capote, l’andalou débute par la gauche, sa main de prédilection. Le toro n’est pas un enfant de cœur, mais il met bien la tête sur les deux pitons. Il exigerait une main basse et la jambe avancée. Au lieu de cela, le Cid torée à mi-hauteur, se retrouve sur le reculoir et se fait marcher dessus. Désarmé en conclusion. Trois pinchazos, ¼ de lame vilainement portée, descabello. Silence de bienséance et ovation au toro, qui en d’autres mains…
Manuel Escribano.
En première position, le natif de Gerena hérite d’un adversaire compliqué. Après un premier tiers sans histoire et un quite de Luque banal, on retiendra du tercio de banderilles la troisième paire posée au fil des planches. Manuel débute de la droite mais l’animal fait preuve de sentido. Il se retourne comme un chat et cherche les mollets. Intelligemment, le diestro change de main et dévoile une bonne corne gauche.
Les naturelles sont enchaînées sur les bons appuis et la main basse, le toro est mis en confiance. Alors Manuel reprend la main droite pour nous montrer que ce n’est pas fini et comme par miracle, le piton droit est devenu fréquentable, les défauts gommés. Tejera souligne la performance en lançant Amparito Roca, comme il l’avait fait l’année dernière durant la longue attente à porta gayola avant le triomphe. Leçon de toreo et de lidia, hélas terni par un pinchazo suivi d’une entière tendida après avis. Salut et divisions pour le toro.
No hay quinto malo
No hay quinto malo, dit le proverbe, et Mosquetón ne le fera pas mentir. Manuel va l’accueillir a porta gayola, sa marque de fabrique. Aux banderilles, le quiebro au fil des planches débuté assis sur l’estribo soulève le public. Dès les premiers derechazos, l’andalou prend la mesure de l’animal qui possède une charge vibrante et répétée. La musique fait sonner La Giralda, clin d’œil sans doute à la magnifique passementerie du traje de luces représentant le giraldillo dans le dos de la chaquetilla et la Giralda sur les cuisses de la taleguilla. Détails sans lesquels Séville ne serait pas Séville !
Mais revenons à l’essentiel : Escribano enchaîne les séries de la droite et de la gauche, mettant en valeur la grande noblesse sans mièvrerie de Mosquetón, mais manquant à mon sens de profondeur. Un désarmé sans conséquence. La faena est conclue par naturelles et pecho fixant le public. Grande estocade dans la croix après avis. 2 oreilles dignement fêtées et vuelta à Mosquetón, dont il faut souligner tout de même que le comportement à la pique n’aurait pas dû justifier le mouchoir bleu.

Daniel Luque
Le Gerenense débute son premier combat par un capoteo rythmé et alluré à une main, qui n’est pas sans rappeler celui de Morante quelque jours auparavant. Le toro reçoit un refilon et deux piques dont il n’y a rien à retenir. Brindis au ciel en hommage à son père récemment disparu et non au pape comme l’affirme mon voisin… La faena de Luque est sérieuse et technique, débutée de la droite avec un avertissement sans conséquence. À gauche, la corne de prédilection, les naturelles sont templées et reçoivent les olés de l’assistance. En reprenant la droite, le Victorino l’averti à nouveau. Luque en termine par une entière légèrement tombée. Pétition non majoritaire et palmas à l’arrastre.
Le dernier de la tarde a des intentions criminelles. Nettement plus intéressé par l’homme que par la muleta. Après quelques tentatives à babord et à tribord sans résultat, Daniel abrège d’une entière trasera et trois descabellos. Luque nous doit une revanche et il en aural’occasion dans les jours à venir. Sortie tardive à 22h dans le froid et sous les lampions, ce qui n’a pas empêché Manuel Escribano d’écrire une nouvelle page de son histoire avec Victorino et Séville.
Olivier Castelnau.
Fiche Technique
- Séville. 7 ème de feria. Toros de Victorino Martin, correctement présentés et de jeux variés. Vuelta au 5, Mosquetón n° 76 cardeño oscuro, 510 kg, né en janvier 2020 pour
- Jesús Manuel « El Cid » : silence, silence (1avis)
- Manuel Escribano : salut (1avis), 2 oreilles
- Daniel Luque : salut, silence
- 12 piques et 1 refilon
- Public : plein apparent
- Météo : alternance nuage et soleil, petit vent gênant parfois mais nous épargnant la pluie. Frisquet pour la saison.
- Saluts de Juan Sierra et Juan Maguilla.